Quand les peuples et les citoyens se mettent en mouvement

Quand les peuples et les citoyens se mettent en mouvement

Au campement Oceti Sakowin dans le Dakota du Nord (États-Unis), qui rassemblait plusieurs nations amérindiennes, la foule célèbre une victoire dans le combat contre l’oléoduc Dakota Access et pour la protection des ressources hydriques, en décembre 2016.

(AP Photo/David Goldman)

Pour le cinquième épisode de sa série estivale rétrospective, Equal Times souhaite rendre hommage aux personnes et aux groupes qui se mobilisent, localement et spontanément, en dehors des structures traditionnelles et hiérarchisées, afin de réclamer la protection de leurs droits et/ou un changement politique et économique pour tous.

Certains de ces mouvements, partis de la base (grassroots en anglais), ont d’ores et déjà marqué l’Histoire contemporaine de leur succès. Ainsi en Europe, le mouvement des Indignados espagnols, issu de la gestation d’une place madrilène en mars 2011, s’est concrétisé en faisant entrer un nouveau type de citoyens au Parlement et à la gestion de grandes villes comme Madrid et Barcelone, inspirant aujourd’hui une « nouvelle gauche », qui repense le concept de démocratie et la place des « gens ordinaires » en politique.

De We are the 99 % et les diverses déclinaisons du mouvement Occupy à Nuit Debout en France, en passant par EuroMaïdan en Ukraine ou la révolution des parapluies de Hong Kong, de nouvelles formes d’action et de dialogue citoyens sont nées ces dernières années. Et elles n’ont pas fini de fleurir.

À côté des mouvements d’opposition à un gouvernement ou un système économique, l’activisme citoyen s’attache aussi à des thématiques plus spécifique ou communautaire. Souvent, une problématique surgit à la suite d’un fait-divers, un événement de trop qui rend une situation qui dure, désormais, intolérable. Beaucoup se sont d’abord retrouvés autour d’un simple hashtag, avant de converger et d’explorer les causes et les solutions du problème, attirant l’intérêt des médias, suivi généralement de celui des politiciens. On pense ainsi à #BlackLivesMatter, devenu depuis 2013 un véritablement mouvement anti-raciste aux Etats-Unis, à #BringBackOurGirls en 2014 contre le terrorisme au Nigéria ou bien encore #NiUnaMenos, qui se fortifie depuis 2015 contre la violence faite aux femmes en Amérique du Sud.

Que peuvent nous apprendre ces mouvements citoyens ? Des combats locaux et singuliers peuvent-ils avoir des résonances universelles ? Ils nous montrent en tout cas comment le fait de se rassembler, de lutter ensemble peut avoir un réel impact.

Ceux qui ont le plus à gagner dans cette forme d’activisme, ce sont les « oubliés », les « sans voix ». En premier lieu, dans le monde, on retrouve les peuples autochtones, bien souvent les « oubliés de l’Histoire » et des politiques économiques. Le 9 août vient de marquer d’ailleurs la Journée internationale des populations autochtones, un court moment pour leur donner un peu de visibilité. Le reste du temps, elles doivent lutter pour revendiquer leurs droits, mais aussi leur contribution notamment aux savoirs du monde et à la protection de la nature. Ainsi, des journalistes d’Equal Times ont été à la rencontre du dernier peuple autochtone d’Europe : les Sames (ou Samis) en Laponie. à travers une série d’actions sous la bannière du slogan Ellos Deatnu !, ils demandent à être écoutés auprès des gouvernements finlandais et norvégien.

Les communautés LGBT à travers le monde ont, elles aussi, compris le besoin de lutter ensemble pour défendre leurs droits. En Ouganda, des activistes courageux luttent contre la criminalisation de l’homosexualité, comme le raconte l’une d’entre eux Kasha Jacqueline Nabagesera dans une interview donnée récemment à Equal Times.

Car prendre les choses en main, c’est aussi ce qui caractérise ces mouvements de « gens ordinaires  » qui font face à l’inaction de leurs dirigeants. La Caravane des mères, que la photographe Consuelo Pagaza a suivie au Mexique pour Equal Times, est à la fois une tentative pour celles qui ont perdu un proche sur les routes de la migration de trouver des réponses, mais aussi d’alerter sur les dangers de ces « chemins de la mort  ».

Tous ces mouvements cherchent à réinventer la lutte. Paradoxalement, cela passe aussi par des formes de mobilisation éprouvées depuis plus d’un siècle, comme les marches ou la désobéissance civile. Car il ne faudrait pas croire que les vieilles recettes ont perdu leur potentiel d’efficacité.

C’est en tout cas ce que pense la nouvelle génération de Palestiniens pacifistes. Chloé Demoulin est allée observer ce qu’il se fait sur le terrain, notamment à travers des mouvements locaux comme Taghyeer (« changement » en arabe), qui prône la non-violence, ou Women Wage Peace. Leur constat est sans appel : l’approche des dirigeants depuis des décennies ne marche pas, il faut changer de paradigme.

Et pour finir, on ne peut parler de tous ces mouvements citoyens sans évoquer le rôle primordial du numérique. Les réseaux sociaux ont joué un rôle pour un très grand nombre des récents mouvements de cette décennie. Mais d’autres outils existent, comme ceux utilisés par les étudiants taïwanais, dits de la « génération tournesol », qui offre aux citoyens des plateformes de délibération. Comme l’explique le journaliste Nithin Coca, la participation à la vie politique s’en est trouvé renforcée, un fait remarquable « dans une région en proie à une régression de la démocratie active ».

Le dernier peuple autochtone de l’UE lutte pour les droits à l’autodétermination et à la terre

Par Fanny Malinen et Steve Rushton

Heikki Paltto, un éleveur de rennes et vice-président du Parlement same de Finlande déclare que les communautés autochtones devraient être prises en compte lorsque de grands projets sont planifiés par l’État.

Photo: Fanny Malinen

Un homme au visage sérieux vêtu du gákti, un costume traditionnel same (que l’on appelle aussi sami ou lapon), s’adresse à la caméra dans une vidéo postée sur Facebook.

« Ceci est un appel à l’aide », déclare-t-il pour commencer. « Les gouvernements de la Finlande et de la Norvège tentent d’interdire aux Sames de pêcher le saumon et d’accorder de nouveaux droits de pêche à des riches qui ont construit des chalets sur notre terre natale. C’est du vol au vu de tous. On nous refuse le droit à notre culture et l’accès à l’une des principales sources de nourriture de l’Arctique. »

L’homme qui prend la parole s’appelle Aslak Holmberg, vice-président du Conseil same qui représente les intérêts des populations autochtones sames de Finlande, de Norvège, de Suède et de Russie. C’est aussi un pêcheur de Nuorgam, dans le comté le plus au nord de la Finlande, Ohcejohka (Utsjoki en finnois).

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La caravane des mères centraméricaines sur la piste de leurs enfants migrants portés disparus

Par Consuelo Pagaza

La caravane des mères centraméricaines traverse la ville de Cuauhtémoc, dans la municipalité de Frontera Comalapa, dans le Chiapas au Mexique.

Photo: Consuelo Pagaza

À la mi-novembre 2016 se déroulait la douzième caravane « Nous cherchons la vie sur les chemins de la mort », composée de 43 mères venues d’Amérique centrale. Par ailleurs, et pour la troisième année consécutive, les pères ont rejoint la marche. Ensemble, ils sont tous à la recherche de leurs enfants, migrants, dont la piste se perd sur le territoire mexicain. Autour du cou ou dans la main, tous affichent la photographie de la personne portée disparue.

Aux images de leurs enfants s’unissent par ailleurs celles de centaines d’autres migrants, en représentation des membres de la famille qui n’ont pu se joindre à la caravane. En cette occasion, elles ont traversé onze États mexicains (Chiapas, Tabasco et Veracruz, notamment) qui font partie de l’axe de migration afin d’y effectuer des recherches dans des auberges, des prisons et des zones dangereuses (en raison de la présence du crime organisé et des autorités qui ferment les yeux).

La caravane, composée de parents en provenance du Salvador, du Honduras, du Nicaragua et du Guatemala, dénonce la disparition de milliers de Centraméricains au Mexique, mais aussi l’absence d’une politique migratoire qui garantit un passage sûr des migrants (vers les États-Unis).

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Kasha Jacqueline Nabagesera : « La communauté LGBT d’Afrique, plus forte ensemble »

Par Linda A. Thompson

Kasha Jacqueline Nabagesera (à droite), cheffe de file des droits LGBTI en Ouganda, était l’invitée d’honneur de la Heritage Pride à New York le 28 juin 2015.

Photo: AP/Kathy Willens

Kasha Jacqueline Nabagesera est l’une des principales activistes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuels) sur le continent africain. Elle est l’un des membres fondateurs du mouvement LGBTI ougandais et a joué un rôle déterminant dans la suppression de la législation anti-gay draconienne en 2014 qui s’est fait connaître sous le nom de projet de loi « Tuer les gays » (le projet de loi appelait à condamner à la peine de mort toute personne reconnue coupable d’« homosexualité aggravée »), conférant au pays une notoriété par-delà ses frontières.

Dans une interview accordée à Equal Times avant la conférence de l’ILGA panafricaine (l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexuels ou Pan Africa ILGA) à Gaborone, au Botswana, Jacqueline Nabagesera a discuté des raisons pour lesquelles, cette fois-ci, les législateurs ougandais adoptent une approche plus subtile, mais plus dangereuse et pourquoi elle considère son combat comme une lutte panafricaine avant tout.

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Le renouveau de la résistance pacifique palestinienne

Par Chloé Demoulin

Deux femmes palestiniennes marchent en compagnie d’autres femmes israéliennes lors d’un rassemblement du mouvement pacifique Women Wage Peace, près de la mer morte en Cisjordanie, le 8 octobre 2017.

Photo: Chloé Demoulin

Au lendemain de la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, les dirigeants et les médias du monde entier se sont posés la même question : va-t-on assister à une explosion de violences de la part des Palestiniens ?

Dans les jours qui ont suivis, nombreux étaient les Palestiniens croisés dans les « jours de rage » organisés à Jérusalem à se dire partisans d’une nouvelle « Intifada  » (« soulèvement » en arabe, NDLR). Mais « ceux qui parlent d’Intifada ne pensent pas nécessairement à un soulèvement armé ou violent », précise pour Equal Times le docteur Mustafa Barghouti, homme politique palestinien et militant de la résistance pacifique depuis une quinzaine d’années. « La première Intifada fut absolument populaire et majoritairement non violente », estime-t-il.

De fait, la première Intifada débute en décembre 1987 par un mouvement de contestation spontané contre l’occupation israélienne.C’est la mort de quatre ouvriers Palestiniens dont la voiture est heurtée par un camion israélien, dans le camp de réfugiés de Jabalia, dans la bande de Gaza, qui déclenche la fureur de la foule. Les Palestiniens accusent le chauffeur d’avoir agit intentionnellement. Une campagne de désobéissance civile se répand alors au sein de la société palestinienne. Des grèves et de grandes manifestations sont organisées, même si des Palestiniens, souvent très jeunes, jettent des pierres et des cocktails Molotov sur l’armée israélienne.

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Construction d’une démocratie numérique ouverte à Taïwan

Par Nithin Coca

Des étudiants en liesse brandissent leurs mégaphones à l’occasion d’un rassemblement marquant le premier anniversaire de l’occupation du parlement de Taïwan, à Taipei, en mars 2015. Le « Mouvement Tournesol des étudiants » a contribué à faire capoter un traité commercial avec la Chine et donna le coup d’envoi du processus de démocratisation numérique du pays.

Photo: AP/Wally Santana

En 2014, le Mouvement Tournesol des étudiants a secoué sur ses bases la nation insulaire de Taïwan. Cette coalition populaire conduite par des jeunes s’est servie d’outils de délibération citoyenne novateurs basés sur la technologie numérique en partage libre pour bloquer la signature d’un accord commercial très controversé avec la Chine, que le parti du Kuomintang, alors au pouvoir, tentait de faire adopter par le biais d’une procédure législative accélérée. Les images de l’occupation du parlement national durant trois semaines à l’issue desquelles les étudiants ont obtenu satisfaction à un grand nombre de leurs revendications ont fait le tour du monde.

« Ce fut un événement d’une portée formidable pour Taïwan, qui a suscité un réel regain d’enthousiasme… et une conviction chez les jeunes que la politique restait un enjeu dans lequel ils devaient et pouvaient s’investir », a déclaré Shelley Rigger, professeure et experte en politique taïwanaise à la Davidson University, en Caroline du Nord.

Deux ans plus tard, dans le cadre d’un événement que d’aucuns associent aux manifestations Tournesol, la candidate de l’opposition progressiste, Tsai Ing-wen, fut élue à la présidence, avec un programme qui relayait une partie des demandes des contestataires du Mouvement Tournesol, y compris un engagement pour une gouvernance transparente.

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