Renaître des ruines du Rana Plaza

 

Quand le corps désarticulé de Minu a été empilé avec d’innombrables autres corps après l’effondrement du Rana Plaza, elle a prié pour que quelqu’un se rende compte qu’elle était encore en vie.

Trop faible pour appeler à l’aide, elle a étouffé sous les cadavres, dans les décombres, sans nourriture ni eau pendant trois jours.

Quand ils l’ont exposée dans la morgue de fortune installée dans la cour du lycée Adhur Chandra à Savar, quelqu’un a entendu ses faibles plaintes et a réalisé qu’elle était vivante.

«Quand j’étais allongée dans la cour de l’école, j’ai pensé que je ne pourrais même pas faire assez de bruit pour que quelqu’un me remarque. Je n’avais plus aucune force en moi – j’étais juste un corps de plus sur la pile», se souvient-elle.

Pendant quatre ans et demi Minu Aktar a travaillé chez Phantom Apparels au quatrième étage du Rana Plaza.

Elle souffre encore des blessures physiques qu’elle a subies lors de l’effondrement, ainsi que du traumatisme durable d’avoir été prise au piège sous l’immeuble.

Six mois plus tard, cependant, Minu commence à surmonter son chagrin avec le soutien de sa famille et grâce au Projet de réforme de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) en partenariat avec BRAC, une grande organisation non gouvernementale.

Le programme, financé par l’Union européenne, apporte aux rescapés des compétences employables pour qu’ils obtiennent des emplois dans les entreprises locales.

Ainsi, Minu travaille maintenant dans l’atelier d’un tailleur à Savar, encadrée par un maître artisan superviseur de l’OIT/BRAC.

«Je ne pensais pas être capable de travailler à nouveau, à cause de ma peur et de mes blessures, mais j’apprends maintenant de nouvelles compétences et cela fait vraiment du bien. Couper et confectionner des robes, c’est intéressant et j’ai un bon superviseur. Je travaille aussi avec une autre rescapée qui s’appelle Khaleda, nous nous soutenons l’une l’autre et nous apprenons ensemble», a déclaré Minu.

«Voir ma famille, avoir du travail – j’ai finalement l’impression de revivre», ajoute-t-elle.

Mijanur Rahman était technicien chez Phantom Apparels au troisième étage du Rana Plaza et a eu la jambe droit écrasée dans l’effondrement.

Il voulait retourner travailler en usine mais en a été incapable parce qu’il ne pouvait plus tenir debout très longtemps ni marcher sur de longues distances.

Il est maintenant apprenti au sein du programme et apprend à réparer les téléphones portables, un commerce utile dans un pays où l’on compte plus de 100 millions d’usagers de téléphones portables en activité.

Coincé entre des tiges d’acier dans l’immeuble effondré, Mijanur pensait qu’il ne pourrait jamais sortir de l’immeuble, sans parler de retourner travailler un jour.

Maintenant, il souhaite vivement acquérir de nouvelles compétences, un nouveau métier et une nouvelle trajectoire professionnelle.

«Je voulais reprendre mon travail mais c’était impossible et je ne pouvais pas exercer d’autre métier non plus, c’est pourquoi je suis content d’avoir maintenant trouvé une façon de gagner ma vie.

J’apprends beaucoup au contact du propriétaire de la boutique ici.

S’il y a un problème quelconque dans un appareil téléphonique portable, nous pouvons le réparer», dit-il.

Le programme de formation qualifiante s’appuie sur le modèle d’apprentissage en vigueur qui a été adapté pour intégrer les rescapés du Rana Plaza, explique Srinivas Reddy, Directeur du bureau de l’OIT au Bangladesh:

«Le projet de réforme de l’EFTP a instauré plusieurs modèles destinés à mieux transmettre les compétences. Ce modèle-ci est axé sur les commerces à haute intensité d’emploi, en particulier ceux qu’on trouve dans les régions et les zones rurales, comme la couture, la réparation des motos et des téléphones portables. Le modèle s’applique bien aux besoins des rescapés parce que, à brève échéance, il dote les gens de compétences de qualité qu’ils peuvent ensuite utiliser pour entrer dans un secteur dans lequel presque tous ont un emploi assuré».

En entrant chez Fashion Tailors à Savar maintenant, vous serez accueilli par deux couturières souriantes – Minu et Khaleda – marchant aux côtés de leur superviseur et maître d’artisanat, Shekh Sadi. Non seulement le programme de formation qualifiante donne aux survivants l’occasion d’apprendre de nouvelles compétences, mais il les aide aussi à surmonter la tragédie.

Dans un coin de l’atelier, sont pendues trois robes aux couleurs vives, rouge et orange, avec des foulards assortis, attendant toujours d’être récupérées.

Mais Shekh Sadi sait que les filles pour lesquelles il a fabriqué les robes ne les porteront jamais. Elles sont mortes dans les décombres du Rana Plaza.

Accablée par la perte de tant de vies humaines, il ne savait pas comment se rendre utile tout d’abord. Maintenant, en formant Minu et Khaleda, il leur enseigne les compétences nécessaires pour faire ce type de robe – leur offrant ainsi de nouveaux débouchés professionnels.

 

Cette histoire a été publiée précédemment sur le site de l’OIT.