Sortez les champions des « énergies polluantes » des négociations climatiques de Paris

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Lorsque les leaders mondiaux convergeront sur Paris en décembre pour négocier un nouveau traité contre le changement climatique, il y a un réel danger de voir le processus une fois de plus pris en otage par les pollueurs. Il suffit de regarder où va l’argent pour comprendre pourquoi la COP21 risque de décevoir.

Tout est dans le nom : COP21. La vingt-et-unième fois que les pays manqueront de trouver une solution au problème. À la place, on assiste même à un retour en arrière progressif: l’influence des puissants milieux d’affaires sur le processus de l’ONU n’a cessé de croître.

À la COP19, à Varsovie, des compagnies de gaz et de pétrole – responsables du changement climatique – ont de fait sponsorisé les négociations, tandis que la Pologne, qui présidait la COP19, est même allée jusqu’à organiser un contre-sommet conjointement avec de grands industriels du charbon. Cette année à Paris, les pollueurs se préparent à jouer les sponsors une fois de plus.

L’ONU a, elle-même, œuvré de manière proactive pour la participation des milieux d’affaires – y compris les industries des combustibles fossiles – aux négociations.

Ces industries ont eu recours à un lobbying intense pour augmenter leur présence. Rien d’étonnant, puisqu’une résolution contre le changement climatique engagerait les signataires à laisser plus de 4/5 des réserves d’hydrocarbures dans le sol, ce qui contreviendrait directement à leur modèle commercial. Une telle mesure ne serait pas très populaire auprès des actionnaires, qui incluent la plupart des fonds de pension.

Ni auprès des banques, qui obtiennent de plantureux dividendes des prêts qu’elles octroient aux projets polluants dans le domaine de l’exploitation d’énergies. Et encore moins auprès des industries à fort capital énergétique, tributaires des combustibles fossiles à faible coût, ou celles qui s’en servent pour fabriquer des produits comme le plastique et des produits chimiques. Comme le dit le vieil adage, « c’est l’économie, idiot », et les combustibles fossiles en sont le cœur.

Le fait de se départir de ces énergies conduirait à la perte de certains intérêts parmi les plus puissants de notre société. Ces industries puissantes, à leur tour, font tout ce qui est en leur pouvoir pour entraver le progrès – en compromettant la recherche scientifique ou en proposant des solutions technologiques des plus utopiques (ou purement médiatiques comme le « charbon non polluant »), qui leur procurent l’assurance de pouvoir continuer à tirer profit de la destruction climatique. Elles mériteraient en réalité le label d’« entreprises du crime climatique ».

L’échec des négociations ne doit pourtant pas être imputé au seul processus onusien (même si le rôle des organisateurs, avec à leur tête Christina Figueres, n’a pas été négligeable). Cet échec est symptomatique d’un problème national : Lorsque nos gouvernements se présentent aux négociations, ils s’y rendent armés de positions préalablement déterminées par les gros pollueurs du secteur de l’énergie.

La réticence des États-Unis n’a rien de surprenant dès lors que la politique américaine est dopée aux fonds en provenance du pétrole et du gaz. L’exploitation fortement polluante des sables bitumeux au Canada a eu une incidence similaire sur l’engagement de ce pays à répondre décisivement au changement climatique.

Il n’y a pourtant pas de raison pour qu’il en soit ainsi. L’industrie du tabac procédait exactement de la même façon lors des négociations de l’ONU sur la lutte antitabac et c’est alors que l’Organisation mondiale de la santé de l’ONU a instauré un pare-feu entre les lobbies du tabac et les responsables de la santé publique.

Plus de sponsors, plus de réunions avec les lobbies du tabac, plus de participation aux négociations Plus aucun accès possible. Et ce pas seulement à l’échelle internationale mais aussi au niveau national.

Nous devons à présent prendre des mesures similaires à l’encontre des entreprises versées dans le crime climatique et c’est, d’ailleurs, l’appel que se préparent à lancer de nombreux groupes qui se rendront à Paris, car les mêmes entreprises qui sont responsables du changement climatique n’ont aucun droit de se retrouver aux côtés des décideurs qui tentent d’y remédier.

Mais l’action ne se réalise qu’à force de pressions publiques, émanant dans ce cas de nos dirigeants élus suffisamment motivés pour tenir tête aux intérêts particuliers.

Si Paris peut mobiliser une pression suffisante en ce sens, quand bien même le texte adopté ne sauvera pas le climat, il pourrait marquer le début de la fin de l’influence excessive des lobbies des industries polluantes et leur mainmise sur la politique et notre économie.

Ce n’est qu’alors que nous pourrons commencer à concevoir une transition juste et équitable fondée sur la justice sociale, économique et climatique pour les travailleurs, les femmes, les peuples indigènes, les paysans et tous les autres secteurs de la société.