SOS démocraties ?

SOS démocraties ?

The Berlin Wall fell on the night of 9 November 1989. East German citizens brought about its fall through a peaceful revolution. At the beginning of December 1989, the Malta Summit, bringing together the presidents of the United States, George H. W. Bush, and the Soviet Union, Mikhail Gorbachev, was held, bringing an end to the Cold War.

(EC-Audiovisual Service/Lionel Cironneau)

La démocratie est-elle en péril ? L’heure des populismes et des autoritarismes a-t-elle sonné ?

Quel que soit le continent où l’on se place, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour que se propage le pessimisme : les États-Unis de Donald Trump, le Nicaragua, le Honduras, le Zimbabwe, la Turquie, l’Égypte, la Russie, la Pologne, la Hongrie, l’Italie, le Cambodge et les Philippines ne sont que quelques-uns d’entre eux.

Il n’en demeure pas moins qu’il y a aujourd’hui moins d’autocraties et moins de guerres dans le monde qu’il y a seulement trois décennies (60 au lieu de 85 et 12 au lieu de 23 respectivement). Et comme le souligne l’académicien canadien Steven Pinker, auteur de Enlightment Now : L’argument en faveur de la raison, de la science, de l’humanisme et du progrès, les indicateurs de progrès comme l’espérance de vie, la mortalité infantile ou la mortalité par famine, l’alphabétisation, l’extrême pauvreté, la paix, la liberté, la sécurité et le divertissement, entre autres, ont connu un progrès significatif voire drastique.

Qui plus est, deux tiers de la population mondiale vit désormais dans des démocraties (sans se lancer dans une analyse du climat actuel d’érosion des libertés civiles, de la liberté de presse et d’expression, de la confiance dans les institutions ou de la participation citoyenne dans la vie politique des démocraties en question).

Cependant, à côté de toutes les données qui appellent à l’optimisme, il y a une réalité qu’il ne faut pas perdre de vue : le fossé entre les riches et les pauvres se creuse (une inégalité qui impose une pression aux classes moyennes et inférieures). Et qui gagne progressivement l’ensemble de la planète.

Derrière cette pression se trouvent, pour changer, une mondialisation effrénée et un capitalisme débridé, en plus d’avancées vertigineuses dans les domaines des technologies de l’information et des communications, qui s’avèrent à la fois difficiles à assimiler, à comprendre et à digérer pour le commun des mortels. Avec, de surcroît, en toile de fond, pour paraphraser le philosophe sud-coréen Byung-Chul Han, « une masse croissante de données qui entraîne l’atrophie progressive de la faculté supérieure de juger ». Or c’est dans ce même contexte que de nombreuses figures, aux quatre coins du monde, ont trouvé le parfait bouillon de culture pour prospérer.

Dans le vadémécum du populiste, indique le politologue espagnol Antonio Elorza, figurent deux éléments fondamentaux : « les gens », comme synonyme de « peuple », à savoir « un sujet collectif, majoritaire, clairement positif, sans fixer de limites ni de contenus ». Et la « fonction du dirigeant populiste, qui doit “écouter”, et non connaître ces attentes populaires pour définir sa politique. L’action de connaître oblige à l’analyse, à un effort du dirigeant pour cerner avec rigueur les besoins qui doivent être satisfaits, ainsi que les possibilités d’y parvenir. Le contraire du discours du leader populiste, dont le souci premier, avant et maintenant, consiste à engranger les adhésions. Être à l’écoute suppose, dès lors, qu’on cherche à ce que les messages répondent aux aspirations ressenties comme une force majeure, fussent-elles raisonnables, utopiques ou réactionnaires. Du pur marketing. »

Et c’est ici qu’on entend les discours à courte vue, individualistes ou clairement xénophobes de tous ces leaders qui secouent l’échiquier et engendrent des craintes plus ou moins fondées entre voisins plus ou moins éloignés et partenaires.

Dans cette série d’articles, une de plus dans notre rétrospective d’été de cette année, nous vous proposons de commencer par un cas positif et pertinent, celui de la Malaisie.

Comme écrit notre reporter Nithin Coca : « Rares étaient ceux qui auraient pu croire que le pays opérerait une transition démocratique, et ce, même au sein de la société civile. Et pourtant, c’est exactement ce qui est survenu en mai dernier : la coalition de l’opposition Pakatan Harapan (l’Alliance de l’espoir, ou PH) a mis fin au règne de 61 ans du parti Barisan Nasional (le Front national, ou BN). C’était une victoire stupéfiante, car, avant les élections, le BN avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour mettre toutes les chances de son côté. »

Dans son reportage intitulé « Dieu, honneur et patrie », la photojournaliste Hanna Jarzabek examine de près la question du nationalisme en Pologne, un ingrédient que n’hésitent pas à exacerber les actuels leaders de ce pays et d’autres qui composent le front antidémocratique.

Un bon système éducatif, qui engendre des citoyens critiques et responsables et des médias libres et sains, constitue un bon point de départ pour mettre un frein à toute prétention populiste et autoritaire. C’est ce que rappellent, dans la rubrique « opinion » le secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEP), Ricardo Gutiérrez, et le chercheur Gilbert Cyasionne.

Aussi, ne faut-il pas perdre de vue ce qui parait couler de source, à savoir que rien n’est gagné d’avance et qu’il faut toujours continuer à se battre, autrement dit se maintenir actifs et alertes (mais pas paranoïaques). Parce que vivre dans une démocratie fonctionnelle implique un exercice conscient, constant et de tous.

Sans oublier l’importance d’un projet commun et fédérateur.

Et c’est ici qu’intervient la proposition de la coprésidente du Parti vert européen, Monica Frassoni, d’un nouveau pacte vert (ou Green New Deal), « la transformation écologique de notre modèle économique ».

Enfin, et bien que cela semble relever d’une autre catégorie, nous proposons de ne pas perdre de vue la Chine, avec l’article des correspondants Tania Romero et José Á. Díaz. Non pas qu’il y ait des indices laissant augurer d’une éventuelle transition démocratique de cette puissance, mais plutôt parce qu’il s’agit d’un exemple qui, de par son succès économique et sa « stabilité », séduit nombre de leaders peu friands des « limitations » de pouvoir qu’impose toute démocratie. Une fascination qui ira croissant : plus les démocraties traditionnelles seront décriées et plus la Chine investira dans son réseau de think tanks.

La transition démocratique surprise de la Malaisie peut-elle influencer le reste de la région ?

Par Nithin Coca

Mahathir Mohamad, centre, who was elected as the Prime Minister of Malaysia for the second time on 10 May 2018 as part of the Pakatan Harapan coalition, stands with the new Deputy Prime Minister Wan Azizah (centre left) at a political rally on 8 Mach 2018.

Photo: AP/Vincent Thian

Il y a deux ans à peine, le chef du parti d’opposition de la Malaisie était en prison, les médias indépendants du pays étaient censurés, voire fermés, et des lois de l’époque coloniale étaient utilisées pour incarcérer des activistes.

Rares étaient ceux qui auraient pu croire en l’idée que le pays opérerait une transition démocratique, et ce, même au sein de la société civile. Et pourtant, en mai dernier, c’est exactement ce qui s’est passé : la coalition de l’opposition Pakatan Harapan (l’Alliance de l’espoir, ou PH) a mis fin au règne de 61 ans du parti Barisan Nasional (le Front national, ou BN) dirigé par le Premier ministre sortant, Najib Razak. De tous les gouvernements élus dans le monde, le BN détenait le record du parti resté le plus longtemps au pouvoir sans interruption.

« Avant les élections et même à leur veille, personne ne s’attendait à ce résultat, » déclare Kuang Keng Kuek Ser, ancien journaliste et fondateur de DataN, un programme de formation en journalisme de données pour les salles de rédaction. « Le sujet débattu était plutôt “comment l’opposition peut-elle défendre les sièges dont elle dispose actuellement ?” Un changement de gouvernement n’avait jamais été envisagé. »

Ce fut une victoire stupéfiante, car, avant les élections, le BN avait tout fait en son pouvoir pour mettre toutes les chances de son côté.

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Dieu, honneur et patrie

Par Hanna Jarzabek

Students from the high school learning Krav Maga moves with inspector Kamil Zielinski of Unit 3060. Krav Maga is a martial art used by the Israeli defence and security forces. Zelinski is a former soldier, currently employed by a security firm, whose name he did not wish to disclose, but is comparable to Blackwater.

Photo: Hanna Jarzabek

Au cours des 18 dernières années, les écoles publiques polonaises ont développé un programme d’enseignement militaire (ou "cours en uniformes") s’adressant aux adolescents de 16 à 19 ans, quoique certains de ces cours permettent l’inscription dès l’âge de 13 ans.

Considéré comme une « innovation pédagogique », le programme est imparti dans le cadre du cours d’Éducation pour la sécurité. Bien qu’il ne soit pas officiellement reconnu par le ministère de l’Éducation nationale, il jouit d’un soutien croissant auprès de l’armée polonaise, a fortiori depuis l’arrivée au pouvoir du parti ultraconservateur Loi et Justice, en octobre 2015.

Créés en 1999, les cours de ce type avaient initialement suscité peu d’intérêt. La tendance a, nonobstant, considérablement évolué au cours des dernières années et semble susciter un intérêt croissant.

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S’attaquer à la désinformation à l’ère des réseaux sociaux

Par Ricardo Gutiérrez

The European Commission, whose TV and radio studios in the Berlaymont building are pictured in this 2009 photograph, recently set up a high-level expert group on tackling disinformation.

Photo: European Commission Audiovisual Service/Georges Boulougouris

Durant une récente intervention vidéo sur la désinformation, à l’occasion d’un séminaire à l’intention des journalistes à Thessaloniki, Grèce, j’ai commencé mon exposé par une référence au système très élémentaire et désuet de gouvernance appelé « démocratie » : « La pire forme de gouvernement, à l’exception de tous les autres », disait Winston Churchill en citant un prédécesseur inconnu.

Aujourd’hui, la question de la désinformation revêt une importance cruciale pas seulement pour le secteur des médias mais aussi pour notre société démocratique au sens large. À la Fédération européenne des journalistes (FEJ) où j’exerce les fonctions de secrétaire général, nous sommes très inquiets face à la réponse politique actuelle partout en Europe à la dissémination des soi-disant « fake news » ou désinformation, telle que nous préférons la nommer.

Le terme « fake news » a été sacré Terme de l’année du Collins Dictionary 2017 en raison de son omniprésence sur tous les fronts résultant de son usage croissant, dont il est estimé qu’il aurait augmenté de 365% depuis 2016. Bien que beaucoup de politiciens de haut niveau aiment à recourir à ce terme pour attaquer et discréditer les médias de grande diffusion, nous devrions nous abstenir d’en faire de même. Car le vocable « fake news » manque de refléter toute la complexité du « désordre de l’information ». La désinformation est définie comme de l’information fausse, inexacte ou trompeuse conçue, présentée et diffusée pour nuire à l’intérêt public ou à des fins de lucre.

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Enseignement : derrière l’humanisme affiché, la marchandisation programmée de l’UE

Par Gilbert Cyasionne

The European Union’s education reforms have sought increasingly to produce a labour force shaped to meet the needs of the labour market, to the detriment of the emancipating role of education that enables the individual to “reach and exceed the horizon of their social determinism”.

Photo: Mauro Bottaro/EC-Audiovisual Service

Tout citoyen observant ses enfants grandir dans une société où les États ont pris la décision de soutenir les banques alors que celles-ci ont fait s’effondrer les marchés en spéculant sur des probabilités ; où la perte de confiance de la population en ses dirigeants s’affiche entre autres dans la montée en puissance de partis aux idéologies extrêmes ; le tout dans un climat anxiogène relayé par des médias qui semblent parfois oublier leur rôle premier au profit des intérêts des grands groupes les ayant rachetés ; ne peut que nourrir un sentiment particulier : l’espoir.

L’espoir que ses enfants pourront trouver leur place dans ce système, et s’émanciper socialement et culturellement tout en devenant des acteurs d’une société future qu’il imagine plus ouverte, recentrée sur des valeurs humanistes et moins focalisée sur la productivité et le rendement à tout prix.

Ce citoyen est aussi conscient que l’éducation sociale et culturelle de sa progéniture repose sur la responsabilité de deux acteurs : lui en tant que parent, et l’école, en tant que système éducatif qui, à ses yeux, va contribuer à faire de ses enfants des êtres responsables, éduqués, cultivés et émancipés.

Mais en confiant son espoir éducatif à l’institution scolaire, le citoyen idéalise fort probablement le rôle qu’affiche, en fait, l’école aujourd’hui, en 2017.

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Démocratie et New Deal vert : une ouverture en ces temps de populisme

Par Monica Frassoni

European Greens co-chair Monica Frassoni says a Green New Deal can drive job-creation and help fight climate change.

Photo: AP/Bob Edme

L’heure n’est pas à la sérénité.

Donald Trump est président depuis plusieurs semaines : entre les interdictions imposées aux musulmans, la nomination de certaines personnes à des postes clés, les promesses d’ériger des murs, les expulsions de migrants soi-disant illégaux, le retrait des engagements pour lutter contre le changement climatique, les menaces vis-à-vis des alliés et les coups portés aux médias, il y a peu de raisons d’être optimiste.

En Europe, l’article 50 va bientôt être appliqué pour amorcer le processus de départ des Britanniques de l’UE, et les élections approchent à grands pas en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. L’idée d’un monde où Poutine, Trump, Le Pen, Wilders et Salvini sont tous au pouvoir paraît chaque jour plus plausible.

Or, d’un autre côté, cette situation pourrait tout aussi bien s’ouvrir sur de nouvelles perspectives et apporter un changement positif. Et c’est là que nous devons intervenir, de manière rapide, efficace et réaliste.

À mon avis, deux domaines en particulier pourraient déterminer si nous triompherons ou si nous succomberons à la montée du populisme et de l’autoritarisme : le « New Deal vert » et la qualité de notre démocratie.

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La Chine en marche vers la « société socialiste » pour 2050

Par Tania Romero y José Á. Díaz

“We are building a window on (our) civilisation to increase our friendship with the five continents.” This propaganda slogan, reproducing the calligraphy of the former Chinese president Jiang Zemin, was put on display during the 1990s at the Shanghai International Airport Company (eastern China). It was during that time that Jiang brought Wang Huning, his advisor and theoretician, into the political realm. The academic is the theorist behind China’s current project to become a ‘socialist country’ by 2050.

Photo: José Á. Díaz

La Chine se trouve à la croisée des chemins dans son long développement. Le pays le plus peuplé du monde passé au rang de seconde économie de la planète, avec une population urbaine affichant des niveaux de vie jamais atteints par les générations antérieures, traîne derrière lui un fardeau social et environnemental accablant et des inégalités à ce point abyssales qu’elles pourraient finir par saper la légitimité-même du Parti communiste chinois (PCC), qui gouverne aux destinées de la République populaire depuis 1949 et s’appuie sur le progrès économique pour justifier sa permanence au pouvoir.

Consciente qu’elle doit s’atteler à ces questions urgentes si elle tient à ce que le développement du pays soit équilibré et durable, Pékin s’est fixée pour échéance 2050, ainsi qu’un calendrier de travail pour accéder au rang de « société socialiste » conformément à la promesse du Parti à sa fondation en 1921.

En octobre dernier s’est célébrée la dix-neuvième session du Congrès du PCC, une rencontre quinquennale dans le cadre de laquelle sont habituellement dévoilés les grands axes de la politique nationale pour le quinquennat suivant et qui, à cette occasion, revêtait une transcendance extraordinaire, avec l’annonce de l’avènement d’une « nouvelle ère », ainsi que des dispositions requises pour rendre celle-ci possible à l’horizon 2050.

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