#SOSNicaragua, les victimes de la répression sanglante appelle le monde à leur secours

#SOSNicaragua, les victimes de la répression sanglante appelle le monde à leur secours

To date, the conflict has claimed 277 lives and caused more than 2,000 injuries but it has also affected the various sectors of production, the labour market and poverty rates.

(Alianza Cívica de Nicaragua)

Ils pleurent leurs jeunes, ceux qu’ils nomment affectueusement leurs chavalos. La grande majorité des disparus sont des hommes et des jeunes de moins de 30 ans. En effet, c’est dans différents campus universitaires qu’a éclaté le conflit : ceux de l’Universidad Politecnica de Nicaragua, de l’Universidad Nacional de Ingenieria (UNI) et de l’Universidad Centroamericana.

«"Nous avons cessé d’avoir peur", c’est ce qu’affirmaient les jeunes en dehors de l’université » : c’est ainsi que commence le témoignage d’Ivan Matus, un jeune homme qui a assisté à la première attaque armée, survenue à l’intérieur de l’enceinte de l’Universidad Politécnica de Nicaragua.

« Ce qui a mis le feu aux poudres c’est que la première mort est survenue à l’intérieur même de l’Université polytechnique du Nicaragua, ce qui n’a pas manqué de soulever l’indignation dans le pays et a contribué à ce que nous, et beaucoup d’autres encore, arrivions spontanément sur les lieux en masse. La manière dont cette personne a été assassinée était brutale. Ils l’ont poursuivi et lui ont tiré dessus à un mètre de distance. Les images étaient révoltantes. J’étais en rage. Cela faisait 11 ans que nous nous tenions à carreau face à un régime autoritaire qui pouvait à tout moment se convertir en dictature ; les gens étaient apathiques et craintifs, parce qu’on croyait qu’il y avait, dans une certaine mesure, de la stabilité économique, on croyait qu’il y avait de l’emploi, des prestations, la vieille rengaine : "Au moins on est mieux qu’avant". Mais en réalité, les gens étaient mécontents et lorsqu’on a appris la nouvelle des premiers morts, âgés de seulement 20, 18 et même 15 ans, qu’ils étaient en train de tuer des jeunes, sans scrupules ni remords, je pense que c’est ce qui a été le détonateur social le plus important », relate Ivan Matus.

Selon lui, c’est à la suite d’une répression brutale des autorités et de groupes des jeunesses sandinistes (proches du gouvernement) que les étudiants ont occupé le bâtiment de l’Université polytechnique, pour s’y retrancher. Ils n’étaient qu’une vingtaine d’étudiants au début mais leur nombre n’a pas tardé à dépasser les 300. Alors que la stratégie antiémeute s’était initialement limitée à des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène, ceux-ci ont vite été suivis de tirs à balles réelles. Ces attaques visaient à tuer. Les jeunes étudiants, eux, étaient dépourvus de stratégie ; ils se sont retranchés mais ne disposaient pas d’armes réelles, seulement de cocktails molotov et de pierres. Peu après, ils ont commencé à faire des collectes de vivres : des médicaments, de l’eau et des aliments, et aussi à organiser des unités médicales avec le soutien des étudiants de médecine, dès lors que les hôpitaux publics n’admettaient pas les blessés et que la Croix Rouge n’était pas opérationnelle, et ce pour des motifs que les étudiants attribuent à un ordre de l’État.

« La seule raison pour laquelle il n’y a pas eu de massacre ce jour-là [19 avril], c’est parce que les gens de la communauté sont descendus dans la rue en masse et ont commencé à dresser des barricades et à défendre l’université. Ils disaient : "Nous n’allons pas abandonner les chavalos" », se rappelle Ivan Matus.

La spirale de violence n’a pas tardé à s’ensuivre, concrètement le 30 mai, qui allait marquer l’un des épisodes les plus mortifères : durant le cortège de la fête des mères, qui ce jour-là avait réuni près d’un demi-million de personnes, des francs-tireurs ont ouvert le feu à volonté sur la foule. Un mois plus tard, le 6 juillet, une famille a péri calcinée dans un incendie dont le gouvernement et l’opposition se rejettent mutuellement la responsabilité.

Jusqu’à ce jour ont été enregistrés, outre les fusillades, des attaques à la cyperméthrine (pesticide), pulvérisée sur des populations depuis des avions légers ; des agressions à l’acide sulfurique, des détentions arbitraires, des enlèvements et des actes de torture. D’après le rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, les groupes les plus affectés ont été les étudiants, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les religieux.

Réforme du système des retraites. Pillage des caisses publiques

Un décret présidentiel prévoyant une réforme du système des retraites de l’Institut nicaraguayen de la sécurité sociale (INSS) et l’augmentation des contributions sociales a soulevé une vague d’indignation populaire qui a vu les Nicaraguayens descendre dans la rue le 18 avril, dans le cadre d’une manifestation pacifique sous la bannière du mouvement autoproclamé #SOSNICARAGUA. Une manifestation qui a très vite fait place à la crise politique et des droits humains la plus sanglante à avoir vu le jour dans le pays depuis la révolution sandiniste.

Le décret présidentiel visait à relever les taux de contributions sociales de 7 % à 11 % et 17 % dans le cadre du régime facultatif d’invalidité, de vieillesse et de décès et du régime intégral respectivement, ainsi qu’à diminuer de 5 % le montant des retraites. Ces taux affecteront les entreprises privées et, en particulier, la population, dont 40 % vit dans des conditions de pauvreté, selon les estimations de la Commission européenne.

Pour justifier sa décision, l’Exécutif a invoqué la nécessité de préserver la viabilité de l’INSS, après avoir déclaré que les caisses de l’Institut avaient été pillées par les trois gouvernements précédents. Des allégations contestées par les manifestants, qui accusent le gouvernement actuel (au pouvoir depuis 2007) de détournement des deniers publics.

Le bilan du conflit à ce jour est estimé à 277 morts, plus de 2.000 blessés, outre quelque 215.000 emplois perdus, 1,3 million de personnes au bord de la pauvreté (dans un pays d’un peu plus de 6 millions d’habitants) et des pertes qui se chiffreraient à 250 millions USD (environ 214 millions d’euros), selon les données de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), du Centro Nicaragüense de Derechos Humanos (CENIDH) et de la Fundación Nicaragüense para el Desarrollo Económico y Social (FUNIDES).

Si Daniel Ortega s’en va… mais… s’il reste ?

Deux scénarios binaires : la fin de la crise ou son aggravation. Ce qui impliquerait soit une sortie transitoire d’Ortega, l’actuel président, soit une continuité au pouvoir de son « régime », avec dans ce cas un « durcissement de la répression, pour contenir la vague de mécontentement populaire ». C’est ce qu’a confirmé Vilma Núñez, directrice du CENIDH, au cours d’un entretien téléphonique accordé à Equal Times début mai depuis le Nicaragua. À ce moment, une commission de dialogue national était en train d’être constituée sous la direction de la Conférence épiscopale du Nicaragua.

L’initiative a, cependant, manqué de livrer les résultats escomptés, avec le retrait de la Conférence épiscopale au motif que les conditions n’étaient pas réunies pour mener à bien les travaux, ni pour instaurer une Commission de vérification et de sécurité. À quoi sont venues s’ajouter les menaces adressées aux représentants de la société civile, comme le prêtre José Alberto Idiaquez, recteur de l’Universidad Centroamericana (UCA) et l’un des principaux défenseurs des manifestants pacifiques, qui a reçu des menaces de mort qui ont été corroborées par les mesures de sécurité diligentées par la CIDH. Enfin, il planait un sentiment général de double morale du gouvernement qui, d’une part, affichait l’ouverture au dialogue et, de l’autre, continuait à brutalement réprimer la population ; les scénarios précités résultant pour le coup, dans un cas comme dans l’autre, totalement incertains.

Pour la FUNIDES, qui a suivi de près l’impact de la crise sociopolitique sur l’économie du pays, dans le cas d’ « une issue négociée à la crise à la fin du mois de juillet [qui déboucherait sur] un cadre d’entente sur les thèmes de la justice et de la démocratisation [et mettrait] fin à la répression, à la violence et à l’insécurité citoyenne », ce qui équivaudrait à une sortie du pouvoir d’Ortega, le taux de croissance de l’activité économique pour 2018 se contracterait à -0,03 % par rapport à l’exercice 2017 et les pertes s’élèveraient à 638 millions de dollars (approximativement 550 millions d’euros) en valeur ajoutée.

Dans le cas où l’actuel dirigeant ne quitterait pas le pouvoir et où la crise irait s’aggravant au cours de la seconde moitié de l’année, la croissance chuterait en pic pour atteindre -5,6%, cependant que les pertes seraient multipliées par deux, jusqu’à 1,4 milliard de dollars (quelque 1,2 milliard d’euros). Quant aux pertes d’emplois, la Fondation avertit qu’elles pourraient toucher des dizaines de milliers de postes, principalement dans le secteur de la restauration, suivi de près du commerce, de la construction et de l’industrie manufacturière.

La position du gouvernement nicaraguayen fut rendue publique le 4 juin à Washington, à l’occasion de 48e Assemblée générale de l’Organisation des états américains (OEA). Dans le cadre de la « Déclaration de soutien au peuple du Nicaragua », les représentants du pays centraméricain ont accepté le soutien de la OEA et l’intervention de la CIDH. Pour l’heure, les sites internet des institutions du gouvernement du Nicaragua (ministère des Affaires étrangères, présidence et ministère des finances) sont inaccessibles et il est impossible de joindre les chargés de presse.

Dans le silence et l’ombre, la peur au ventre

À cinq heures de l’après-midi, Managua est plongée dans un silence de mort ; un couvre-feu inofficiel est observé et les gens ont peur de sortir de chez eux ; le silence est entrecoupé de coups de feu tirés par des groupes armés qui sillonnent les quartiers ; la crainte, l’incertitude et la panique sont généralisées.

Le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies a confirmé, le 5 juillet, que des groupes armés proches du gouvernement circulent dans les rues en intimidant les citoyens. « Mon équipe a entendu des témoignages où se lit un sentiment de frustration et de désespoir profond, ainsi que de peur généralisée. Il convient d’établir des garanties effectives pour que les gens puissent exercer leurs droits de liberté d’expression, de rassemblement et d’association. Il faut aussi garantir le droit des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations. J’exhorte l’État à garantir la réalisation d’investigations effectives, indépendantes, impartiales et promptes, afin d’établir la vérité et de garantir la responsabilisation pour les violations et les abus commis depuis avril », a déclaré dans un communiqué Zeid Ra’ad Al Hussein, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies.

Après les tentatives de constitution d’une commission de dialogue, l’ultime alternative semble désormais se trouver entre les mains des acteurs internationaux. Au terme d’une mission spéciale chargée de faire le point sur la situation, la CIDH a élaboré 15 recommandations visant à restaurer la stabilité dans le pays et le 24 juin dernier, un Mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI) a été établi, chargé d’accompagner le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI) de la CIDH au Nicaragua.

D’autre part, le 18 juillet, l’Organisation des États américains a émis une résolution, avec le soutien de 21 pays du continent, qui condamne vigoureusement les faits et appelle le gouvernement à fixer un calendrier électoral en vue de la tenue de nouvelles élections.

Cet appel a été rallié par l’Union européenne, qui a émis une déclaration similaire deux jours plus tôt, dans laquelle elle a exhorté à la recherche d’une issue pacifique et démocratique au conflit.

L’équipe de la CIDH, la seule présente sur le terrain, sera chargée de surveiller l’application des mesures de protection introduites pour les multiples parties du conflit et prêtera son concours à la Commission de vérification et de sécurité, pour assurer que l’État enquête sur les violations survenues depuis le 18 avril et détermine les responsabilités dans les assassinats, les actes de torture et les nombreux autres cas de troubles publics.

Pour l’heure, les événements suivent leur cours. Le Bureau du Haut-Commissariat des droits de l’homme a rapporté que des offensives répressives étaient survenues, le 17 juillet, dans plusieurs villes, dont Masaya et Monimbo, dans le cadre de ce que les autorités ont nommé l’« Operacion Limpieza » (ou Opération « coup de balai »). Pendant ce temps, les acteurs du dialogue national, plus particulièrement les prêtres, sont la cible d’attaques réitérées. L’Alliance civique du Nicaragua, pour sa part, estime la fréquence des attaques entraînant la mort à six par heure.

This article has been translated from Spanish.