Brésil: Piquia et son combat contre la destruction minière

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Dans le bidonville de Piquia de Baixo, dans la ville d’Açailândia, au nord du Brésil, la vie de plus de 1000 personnes est mise en danger par la pollution et la déforestation massives engendrées par les activités d’extraction de fer et d’acier.

La communauté locale d’environ 1100 habitants, répartis en 380 familles, a accepté d’être relocalisée à cinq kilomètres des industries responsables d’une destruction environnementale incommensurable.

Ils disposent d’ores et déjà d’un terrain pour l’aménagement de leur nouvelle communauté, avec l’autorisation du gouvernement fédéral.

Toutefois, la maire d’Açailândia, Gleide Santos, qui doit donner le feu vert définitif au projet a, jusqu’à présent, refusé de le faire.

C’est pourquoi la communauté de Piquia a lancé, en collaboration avec l’International Alliance of Inhabitants, une campagne mondiale de pression appelant la maire Gleide Santos et la gouverneure de l’État de Maranhão, Roseanna Sarney, à délivrer l’autorisation finale pour les plans de relocalisation.

 

 

Comment peuvent-ils vivre là ?

Le père Dario Bassi est un missionnaire Comboni qui soutient la lutte de la communauté Piquia depuis quatre ans déjà.

« La campagne pour la relocalisation de la communauté depuis le district industriel a débuté il y a sept ans mais ses origines remontent bien plus loin, à 1987, lorsque cinq entreprises sidérurgiques ont implanté leurs fonderies dans la zone », indique-t-il à Equal Times.

« Une des installations a fermé mais les quatre autres compagnies ont abattu pratiquement toute la forêt amazonienne qui bordait le district.

« Ils se sont mis à abattre les arbres tout d’abord parce qu’il leur fallait du charbon pour alimenter les fourneaux de 30 mètres maintenus en activité 24 heures sur 24 pour fondre le minerai et fabriquer ce qu’on nomme la « fonte brute », qui est exportée principalement vers les États-Unis et de plus en plus aussi vers la Chine.

« Aujourd’hui, le charbon est moins utilisé mais la déforestation continue pour la culture de l’eucalyptus, qui est aussi utilisé comme combustible dans les fourneaux », signale le père Dario.

L’abattage des forêts amazoniennes n’est qu’une partie du problème : Depuis près d’un quart de siècle, les habitants de Piquia subissent les émissions de CO2 et d’autres polluants provenant des cheminées installées dans leur arrière-cour.

Celles-ci ont été à l’origine de problèmes de santé graves et de morts prématurées au sein de la population locale, dus principalement à des affections pulmonaires et une forte incidence de certains types de cancers.

« En plus de la fumée et des microparticules émises lors du processus d’affinage, les habitants de Piquia doivent supporter la pollution provenant des camions servant au transport du fer et celle transportée par les vents soufflant depuis les montagnes environnantes », ajoute le missionnaire Comboni.

« Par ailleurs, l’eau des rivières locales, qui sert au refroidissement des installations, est reversée à très haute température et chargée de métaux lourds, terriblement néfastes pour l’écosystème. »

Selon une enquête réalisée il y a deux ans par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), 65 pour cent des habitants de Piquia se plaignent de poussées de fièvres persistantes et 70 pour cent d’entre eux se plaignent de maux de gorge.

« Lorsque nous nous y rendons dans le cadre des nos assemblées de campagne, nous rentrons à chaque fois avec la peau irritée et le nez qui coule.

On se sent sale quand on quitte cet endroit. Et on y passe que quelques heures au plus.

Pouvez-vous imaginer ce que doivent ressentir les personnes qui vivent dans ce district » ? , s’interroge le père Dario.

 

Le business des mines
Piquia de Baixo n’est qu’une des nombreuses zones affectées par la présence de compagnies sidérurgiques s’adonnant à l’exploitation minière à Maranhão, l’un des États les plus pauvres du Brésil.

Un chemin de fer de 900 kilomètres est utilisé par le plus long train à marchandises du monde –d’une longueur de 4 kilomètres, il est constitué de 330 wagons et de quatre locomotives – pour l’acheminement du minerai extrait des mines jusqu’au port de São Luis, le plus grand port commercial d’Amérique latine.

La distance de freinage de ce train est de deux kilomètres et en moyenne une personne est tuée tous les mois sur son passage, vu le manque de protection sur une grande partie de son parcours.

La principale compagnie minière dans cette zone est Vale. Celle-ci opère dans 38 pays et a été votée la pire compagnie multinationale de 2012 en termes de son impact environnemental et social, d’après la Déclaration de Berne, organisation suisse de promotion du développement durable.

Les revenus colossaux générés par les industries du fer et de l’acier dans cette région sont estimés à entre 50 et 60 millions de dollars par jour. Une tonne de fer affiné peut rapporter jusqu’à 140 dollars alors que le processus d’extraction et d’affinage revient en tout et pour tout à 17 dollars.

 

Le rôle des syndicats

La campagne pour la relocalisation de Piquia a produit des résultats.

Un plan de logement et d’urbanisme pour la nouvelle communauté a d’ores et déjà été élaboré et des fonds fédéraux débloqués en vue de sa mise en chantier.

Il reste cependant à la mairie d’Açailândia de remplir son rôle et de délivrer l’autorisation pour que la relocalisation puisse s’effectuer.

Cependant, les édiles locaux sont réticents à investir dans la construction d’une école ou d’un dispensaire et sont toujours affairés à négocier l’indemnisation due à l’ancien propriétaire des lieux.

Cette campagne a également permis de recueillir le soutien de la section locale de l’association syndicale des travailleurs du fer et de l’acier.

Il y a deux ans, ces mêmes travailleurs s’étaient mis en grève pour demander de meilleurs salaires et de meilleurs horaires de travail.

Subséquemment, ils ont décidé de soutenir la communauté Piquia en incluant les enjeux environnementaux à leurs propres revendications.

Le soutien des travailleurs a été capital envers les progrès accomplis par la campagne récemment.

Cependant, « il n’y a pas une seule minute à perdre pour sauver Piquia de Baixo », selon le père Dario. « Nous espérons vivement que la maire va enfin prendre les mesures qui s’imposent. »