Charité bien ordonnée… ne commence pas toujours par soi-même pour les stagiaires britanniques

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Les associations caritatives britanniques sont de plus en plus critiquées en raison de leur incapacité de verser aux stagiaires le salaire minimum national, alors qu’une augmentation de salaire des dirigeants a récemment été annoncée.

 

La semaine dernière, le quotidien britannique The Telegraph a révélé que le nombre de dirigeants des 14 plus grandes associations caritatives d’aide extérieure percevant un salaire supérieur à 100.000 GBP par an est passé de 19 à 30 au cours des trois dernières années.

Cette révélation fait suite à un rapport sur les stages non rémunérés dans le secteur caritatif, publié en mai par Unite the Union et Intern Aware, qui ont découvert que plus d’un tiers des 50 premiers employeurs du secteur caritatif d’Angleterre et du pays de Galles ne payaient pas leurs stagiaires.

James Lazou, chargé de recherche pour Unite the Union, signale que certaines associations caritatives refusent de rémunérer les jeunes travailleurs/euses alors qu’elles en ont manifestement les moyens:

«Le problème, c’est que de nombreuses associations caritatives ont la capacité de payer leurs stagiaires mais qu’elles choisissent de ne pas le faire.

Elles s’appuient sur l’ambiguïté de la législation relative au salaire minimum pour éviter de rétribuer les gens pour le travail qu’ils accomplissent, ce qui exclut par ailleurs les personnes qui ne peuvent pas se permettre de travailler gratuitement».

Ce rapport, intitulé «Interns in the Voluntary Sector: Time to end exploitation» (Stagiaires du secteur associatif: Il est temps d’en finir avec l’exploitation), demande que les stagiaires perçoivent le salaire minimum national, actuellement fixé à 6,19 GBP de l’heure pour les plus de 21 ans.

Une étude du gouvernement réalisée par la précédente dirigeante du NSPCC (association caritative de protection de l’enfance), Mary Marsh, conclut également que les stages non rémunérés constituent une discrimination à l’encontre des candidat(e)s les plus pauvres et favorisent l’élitisme dans le secteur caritatif.

Un diplômé de 26 ans, que nous appellerons Chris, cherche du travail dans le secteur caritatif depuis le mois de septembre, après avoir obtenu un master de développement international. Il effectue actuellement son cinquième stage non rémunéré en travaillant à plein temps pour une association caritative londonienne et il commence à perdre courage.

«En général, on me convoque à la fin du stage pour me dire qu’on ne peut pas se permettre de me donner un emploi. Dans la plupart des cas, il n’y a jamais eu la moindre perspective d’embauche», précise-t-il.

Suite à un processus de recrutement extrêmement éprouvant – comportant plus d’un entretien – Chris a décroché son stage actuel de chargé des relations avec les médias.

Il assiste régulièrement à des réunions du conseil d’administration et assure qu’on lui confie d’importantes responsabilités.

«J’ai réalisé une vidéo et je suis responsable de ce projet. Ce n’est qu’un petit projet mais toutes les personnes de mon équipe sont payées et salariées.

Et tandis que j’assiste à de nombreuses réunions et que je fais tout ce travail, je dois appeler mon banquier tous les mois pour lui demander de se montrer plus compréhensif vis-à-vis de ma situation financière».

En dépit de son dévouement à l’égard de l’association, Chris affirme que ses efforts ne sont pas reconnus et il estime que ses supérieurs ne le traitent pas avec respect.

«Une fois, j’ai demandé si je pouvais prendre quelques jours de congé pour aller voir mes parents et on m’a répondu «Eh bien, nous allons demander l’autorisation aux ressources humaines».

Récemment, l’association a diffusé une offre d’emploi pour un poste rémunéré de chargé de communication sans m’en parler au préalable», ajoute-t-il.

Selon l’organisme de campagne Intern Aware, des histoires comme celles de Chris ne sont pas rares. Libby Page, responsable des campagnes et de la politique chez Intern Aware, explique qu’il s’agit d’un problème que le secteur tertiaire doit commencer à prendre en compte:

«Les associations caritatives risquent de se priver du potentiel de leurs employés et du talent à leur disposition en ne payant pas leurs stagiaires. Il est particulièrement important que le secteur caritatif tienne compte de ces problèmes et il est tout aussi important que les associations caritatives, lorsqu’il est question de bien-être, garantissent celui de leur propre personnel».

La Charity Commission – qui réglemente les associations caritatives d’Angleterre et du pays de Galles – signale qu’elle examine les recommandations de l’étude du gouvernement réalisée par Mary Marsh, demandant au secteur tertiaire d’adopter un modèle de recrutement plus éthique.

Tallulah Perez-Sphar, porte-parole de la Commission, avertit que les administrateurs/trices doivent éviter de prendre des décisions qui pourraient nuire à la réputation publique du secteur caritatif:

«Les associations caritatives sont soumises au droit du travail, au même titre que d’autres organisations.

Toutefois, la Commission encourage les administrateurs à être attentifs à leur responsabilité de sauvegarder la réputation de l’association caritative et de protéger leurs décisions de toute critique en montrant qu’ils étudient les questions pertinentes, qu’ils demandent conseil lorsque cela est nécessaire et qu’ils prennent des décisions dignes d’un conseil d’administration raisonnable».