Le Nigeria se prépare à une importante action collective des enseignants

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La coalition citoyenne Joint Action Front (JAF) au Nigeria se prépare à mener un rassemblement massif jeudi pour tenter de sortir de l’impasse les négociations entre syndicats des enseignants et gouvernement.

Le Syndicat des personnels enseignants universitaires (Academic Staff Union of Universities, ASUU) se trouve engagé dans une grève nationale depuis le 1er juillet 2013 et espère que de nouvelles manifestations convaincront le gouvernement fédéral nigérian de débloquer des fonds pour la mise en œuvre d’un accord conclu avec les professeurs universitaires au terme d’une grève antérieure de quatre mois en 2009.

L’accord prévoyait notamment un investissement d’approximativement 92 millions de nairas (environ 567 millions de dollars) dans les 78 universités publiques du pays, pour améliorer les salaires et contribuer à la création d’un secteur d’enseignement supérieur adapté aux exigences de l’économie mondiale.

Dans un communiqué de presse diffusé mardi, Abiodun Aremu, secrétaire général de la JAF, a indiqué que des millions d’étudiants ont été affectés par les grèves continues.

Il tient le gouvernement responsable de la vague de grèves survenues dans le secteur de l’enseignement national et a appelé les Nigérians à se rallier à la mobilisation.

« La JAF restera engagée dans le mouvement de protestations aux niveaux national, régional et de l’État, et ce jusqu’à ce que le gouvernement se résolve à accorder à l’éducation publique l’attention prioritaire qu’elle mérite.

« Nous appelons instamment tous les étudiants, les travailleuses et travailleurs réguliers et informels, les parents et les organisations citoyennes aux quatre coins du pays à se joindre à la mobilisation de masse pour sauver l’enseignement public. »

Il a déploré la « perturbation des calendriers universitaires, la dégradation de l’enseignement à tous les niveaux, le niveau élevé d’insécurité et les perspectives peu reluisantes pour la génération actuelle et l’enfance nigériane. »

Il a précisé que les grands rassemblements d’Abeokuta, dans l’État d’Ogun, dans le sud-ouest du Nigeria le jeudi 19 septembre seraient suivis d’actions similaires à Kano, dans le nord du pays.

 

« Ultime recours »

D’après l’Association nationale des étudiants du Nigeria (National Association of Nigerian Students, NANS), entre 1999 et 2012, les professeurs affiliés à l’ASUU ont été en grève durant 30 mois sur environ 156.

« La grève a toujours constitué une option d’ultime recours pour le syndicat », a expliqué Nasir Fagge, président de l’ASUU, au cours d’une interview avec le quotidien nigérian Daily Trust.

Et d’ajouter qu’entre 2010 et 2013, l’ASUU « a eu près de 50 réunions avec le gouvernement, à divers niveaux », et que « nous avons mené une campagne de pression pour tenter d’éviter cette crise mais avons été forcés de constater qu’il s’agissait d’un dialogue de sourds et muets et que face à de telles circonstances, nous n’avions d’autre option que de retirer nos services. »

Dans un communiqué de presse signé Yinka Gbadebo, le président du NANS indique que durant les 13 dernières années les professeurs ont été absents de leurs postes durant approximativement 20 pour cent des heures de cours normales.

« Cela équivaut à plus de sept semestres universitaires de quatre mois chacun ou plus exactement à quatre sessions universitaires normales », a-t-il souligné.

De son côté, le ministre de l’Éducation, Labaran Maku, a demandé à l’ASUU de revoir ses demandes, invoquant le fait que le gouvernement devrait aussi tenir compte des besoins des autres secteurs.

 

Crise

Avec sa population de plus de 160 millions d’habitants, le Nigeria est le pays le plus densément peuplé d’Afrique.

Mais en dépit du fait qu’il est le principal exportateur de pétrole du continent, un rapport récent de l’UNESCO a révélé que le Nigeria compte le plus grand nombre d’enfants non scolarisés à niveau mondial.

Selon les estimations, 10,5 millions d’enfants sur environ 30 millions ne sont pas inscrits à l’école, alors que le pays accuse en même temps un déficit de près de 1,3 million d’enseignants.

La crise se poursuit jusqu’à l’éducation supérieure où seulement 500.000 des 1,7 millions de jeunes qui achèvent leur scolarité parviennent à décrocher une place.

Et celles et ceux qui parviennent à entrer à l’université ou en polytechnique s’affrontent à des ratios enseignants-étudiants élevés, à des personnels souvent insuffisamment qualifiés et à des infrastructures d’étude et de logement inadéquates.

Conséquemment, l’argent qui pourrait être investi au Nigeria est dépensé à l’étranger.

Le journal nigérian BusinessDay a récemment estimé que le Nigeria perdait annuellement 30 milliards de nairas (environ 184 millions de dollars) parce que les parents qui peuvent se le permettre envoient leurs enfants faire leurs études supérieures à l’étranger.

En réponse à cette tendance, l’administration du président Goodluck Jonathan (lui-même un ancien professeur universitaire) a affecté 2,6 milliards de dollars, soit environ huit pour cent du budget national pour 2013, à l’éducation.

Les syndicats des enseignants du Nigeria considèrent, toutefois, ce chiffre insuffisant au regard des 30 pour cent du budget total affectés à l’éducation dans des pays comme le Ghana et l’Afrique du Sud.