Une ONG accuse la Grèce et l’UE de refouler illégalement des réfugiés

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Au lendemain de la tragédie de Lampedusa, une ONG allemande accuse le gouvernement grec de refouler illégalement des réfugiés qui tentaient d’atteindre l’Europe via la frontière gréco-turque et l’Union européenne d’être son complice dans cette action.

Plus de 2000 réfugiés provenant majoritairement de la Syrie ont été refoulés à la frontière gréco-turque en 2012, selon un nouveau rapport de Pro Asyl, membre du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE

Pendant la même période, suite à la fermeture de la frontière terrestre dans la région grecque d’Evros, un nombre croissant de réfugiés afghans, somaliens et érythréens se sont vus contraints d’emprunter des voies plus périlleuses pour tenter d’atteindre l’Europe en traversant la Mer Égée.

Selon les estimations, l’année dernière, cette traversée aurait coûté la vie à au moins 149 hommes, femmes (dont certaines enceintes) et enfants.

En vertu du Droit international, la responsabilité incombe à la fois à la Grèce et à l’Union européenne de garantir le plein respect des droits humains fondamentaux à l’heure de protéger leurs frontières.

Or à en croire les 90 témoignages recueillis dans le rapport, ceci est loin d’être le cas.

À titre d’exemple, nonobstant le principe de non-refoulement inscrit dans l’article premier du règlement de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures Frontex, les réfugiés interrogés par Pro Asyl affirment qu’ils ont été détenus en territoire grec et déportés en Turquie sans même avoir été enregistrés préalablement.

Les gardes-côtes ont aussi été accusés d’abandonner des réfugiés qui se trouvaient en eaux territoriales turques sans le moindre égard pour leur sécurité. En outre, neuf cas de torture ont été rapportés.

« Tandis que l’UE martèle publiquement son engagement à soutenir les réfugiés syriens, leurs droits humains fondamentaux sont foulés aux pieds et violés aux frontières de l’Europe », a déclaré Karl Kopp, directeur aux Affaires européennes chez Pro Asyl.

Les actions de la Grèce ont généralement été imputées à l’incapacité du pays en crise à faire face au flot de réfugiés et de migrants qui entrent dans le pays.

D’après Frontex, plus de 55000 migrants sans papiers seraient entrés en Grèce en 2011, soit une augmentation de 17 pour cent par rapport à 2010.

Il est aussi clair que l’UE, par l’intermédiaire de Frontex, est déterminée à empêcher l’entrée de migrants irréguliers en territoire européen, qu’ils soient ou non demandeurs d’asile.

Ceci en dépit d’un appel récent du médiateur européen à l’adresse de Frontex pour un meilleur respect et la garantie des droits fondamentaux aux frontières de l’UE.

 

Durcissement

Selon Pro Asyl, en mars 2012, la ministre de l’Intérieur autrichienne Johanna Mikl Leitner a décrit la frontière grecque comme étant ouverte comme « la porte d’une grange », alors que son homologue allemand, Hans-Peter Friedrich, a menacé de réintroduire les contrôles Schengen avec la Grèce si des réfugiés continuent de pénétrer en territoire européen via la frontière gréco-turque.

Ces pressions ont conduit aux nouvelles mesures répressives décrites dans le rapport, qui mettent en danger des milliers de vies humaines et ont entraîné un déclin dans le nombre de migrants qui accèdent à l’UE.

À la fin de 2012, le gouvernement grec a procédé au déploiement de 1800 agents de police supplémentaires dans la région d’Evros.

De nouveaux centres de détention pour réfugiés et migrants ont été érigés – dans la plupart des cas avec des financements de l’Union européenne.

Et en décembre 2012 s’est achevée la construction d’un nouveau rideau de fer d’une longueur de 10,5 kilomètres.

Conséquemment à ces mesures, la police frontalière grecque a annoncé une diminution notable du nombre de migrants irréguliers arrêtés aux frontières avec la Turquie au cours des six derniers mois de 2012 : dans la ville frontalière d’Orestiada, par exemple, en juillet 2012, 6500 migrants irréguliers ont été arrêtés.

Au mois d’août 2012, ils n’étaient plus que 1800 et leur nombre s’est réduit de façon encore plus drastique pour ne plus atteindre que 71 en septembre 2012.

Aucune arrestation n’a été signalée en novembre 2012.

Il s’avérerait, toutefois, que l’efficacité de la protection des frontières européennes a eu pour corollaire une dégradation marquée dans l’attention accordée aux droits humains des personnes affectées.

Ce sentiment trouve un écho dans un rapport publié récemment par le Bureau UE de la Croix-Rouge qui préconise l’instauration d’un dispositif adéquat de migration légale qui garantisse aux migrants des voies d’accès sûres vers l’Europe.

À défaut de quoi, estime la Croix-Rouge, il est impossible de garantir que les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés bénéficient de la protection légale à laquelle ils ont droit, a fortiori au regard des situations d’urgence découlant de conflits comme la guerre civile en Syrie.

Le rapport inclut plusieurs recommandations à l’intention de l’UE, notamment en ce qui concerne l’octroi de visas humanitaires et de protection, le rehaussement des quotas de réfugiés et l’harmonisation des règles régissant la migration et l’asile à travers l’Union européenne – il s’agit, dans l’essence, d’une révision du Règlement Dublin II.

En prévision du prochain Sommet de l’UE en décembre, Pro Asyl appelle les États membres de l’UE à saisir cette occasion pour s’attaquer, une fois pour toutes, à la crise de la migration en Europe.

« Il est proprement consternant qu’au 21e siècle, l’UE ne se soit toujours pas dotée d’un système adéquat de migration légale et d’une politique harmonisée en matière d’asile », a indiqué Kopp, « et que nous investissions dix fois plus dans la construction de centres de détention que pour garantir aux migrants la protection dont ils ont besoin. »

La présidence grecque de l’Union européenne, à partir de janvier 2014, est vue comme un levier de pression supplémentaire en faveur d’une approche et de responsabilités partagées en matière de migration.

Mais en attendant, la priorité immédiate selon Pro Asyl est que la Grèce – et la Turquie – s’engagent à améliorer notablement le traitement réservé aux migrants à leurs frontières terrestres et maritimes.