À l’approche du deuxième tour au Chili

Opinions

 

Le Chili était autrefois le pays le plus politisé d’Amérique Latine et avait la plus forte participation politique du continent.

Cette culture de participation politique n’a pas pu résister aux 17 ans de dictature du général Pinochet, aux 20 années de gouvernements modérés mis en place par l’alliance entre socialistes et démocrates-chrétiens, ni aux circonscriptions électorales organisées par districts qui favorisent la distribution des sièges entre les deux plus grands blocs, au détriment des autres forces politiques.

Les mobilisations étudiantes commencées en 2011 ont amené les partis traditionnels à envisager une réforme du système électoral, mais suite à l’essoufflement de la mobilisation l’intérêt envers la réforme a diminué.

En fin de compte, seule l’inscription automatique des jeunes a été mise en vigueur, ce qui, au vu du désintérêt régnant, ne change pas fondamentalement la donne.

La situation s’est encore aggravée du fait qu’il n’est plus obligatoire de voter, ce qui a sensiblement accru l’abstention.

L’abstention, supérieure à 50 %, a été le principal obstacle à la victoire de Michelle Bachelet au premier tour des élections, tenu le 18 novembre 2013.

Lors du deuxième tour, qui se tiendra le 15 décembre prochain, la proportion de votes accordés à Michelle Bachelet ainsi que le taux d’abstention seront connus.

Quiconque observe la liste des candidats à la présidence du Chili aujourd’hui ne pourrait dire que le coup d’État militaire de Pinochet s’est produit il y a 40 ans et que son régime a pris fin il y a 23 ans.

Michelle Bachelet est la fille d’un général de l’armée de terre, membre du gouvernement du président Salvador Allende, et mort en prison d’un arrêt cardiaque, après six mois de tortures. Michelle se trouvait avec lui en prison.

Evelyn Mattei, la candidate de droite, soutenue par le néo-pinochetiste Sebastián Piñera, est la fille d’un militaire qui fut membre de la Junte militaire de Pinochet.

Marco Antonio Enríquez, fils de Miguel Enríquez, haut dirigeant du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire), s’est également porté candidat, quoique avec un programme électoral devenu modéré.

 

Un héritage problématique

Depuis le coup d’État, le Chili a connu 17 années de dictature suivies de 20 années de gouvernements de coalition entre socialistes et démocrates-chrétiens, puis de quatre ans de gouvernement de droite.

Pourtant, le programme électoral de Michelle Bachelet reflète les problèmes hérités de la dictature.

La candidate propose de convoquer une assemblée constituante, puisque le Chili est encore régi par la Constitution imposée par Pinochet durant l’état de siège.

Certaines réformes ont vu le jour, mais une telle majorité de votes est nécessaire au Parlement que pour que les lois importantes puissent être adoptées que des accords entre les deux blocs deviennent incontournables.

Un autre point clé du programme de Bachelet est la promesse d’augmenter les impôts des plus riches, afin de renforcer les politiques sociales.

Le Chili, un des pays du continent où les inégalités étaient les moins prononcées avant la dictature, est aujourd’hui parmi les plus inégalitaires. Michelle Bachelet veut s’attaquer à ce problème en augmentant les recettes fiscales.

Le troisième point du programme électoral est également en rapport avec le méprisable héritage laissé par Pinochet, pourtant demeuré intact jusqu’à présent : la privatisation des universités chiliennes, qui a été l’un des éléments déclencheurs des mobilisations étudiantes et sapé la légitimité de Sebastián Piñera.

Michelle Bachelet a présenté un plan quinquennal destiné à remettre sur pied l’enseignement universitaire public, qui a cessé d’apparaître au budget de l’État.

Si elle est élue, la candidate retrouvera la présidence dans des conditions différentes de celles de son premier mandat.

Sa dernière année de gouvernement avait coïncidé avec la première année de la crise internationale du capitalisme.

À l’époque, elle avait adopté des mesures de protection des groupes les plus vulnérables – comme celui des personnes âgées – abandonnés à leur sort à cause de la privatisation du secteur de la santé, héritée elle aussi du régime de Pinochet mais que les gouvernements successifs n’ont jamais modifiée par la suite.

Les gouvernements qui privilégient les processus d’intégration régionale ont renforcé leur capacité de riposte aux pressions récessives engendrées par la crise frappant le cœur du capitalisme.

Ce qui n’est pas le cas de ceux qui, comme le Chili, ont signé des accords de libre-échange avec les États-Unis.

Michelle Bachelet a déjà fait état de sa volonté de baisser le profil de la participation chilienne au sein de l’Alliance du Pacifique, et d’intensifier les relations avec les pays du Mercosur.

 

La version originale et non révisée du présent article a été publiée par l’Agencia Latinoamericana de Información (ALAI).