Le travail forcé entraînera la chute du régime au Bélarus

 

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) a récemment publié un rapport sur le Bélarus, où elle fait état de la situation du travail, des droits sociaux, économiques et syndicaux dans un pays qui est parfois décrit comme « la dernière dictature d’Europe ».

Parmi ses révélations les plus accablantes, le rapport indique que le gouvernement force une grande partie de la population à travailler sans rémunération, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la construction.

Pour le BKDP, le fait que la FIDH ait enquêté sur les conditions sociales et économiques des travailleurs bélarusses, de même que sur leurs droits au travail, représente un développement significatif.

Le rapport d’enquête deviendra un moyen de pression important sur le régime autoritaire du Bélarus, désormais tristement célèbre pour son mépris des droits humains ; qu’il s’agisse de la liberté d’expression, de la liberté syndicale ou de la liberté d’organiser des élections libres et équitables.

Il fait aussi de la FIDH un important partenaire pour le BKDP.

Les fonctionnaires bélarusses n’apprécient guère les critiques portant sur les violations des droits du travail, sociales et économiques étant donné qu’ils considèrent que l’État fait un excellent travail pour défendre les droits de ses citoyens.

Le rapport de la FIDH offre cependant une analyse détaillée de la situation difficile qui règne au Bélarus, assortie de faits concrets qui corroborent ses conclusions et retracent de façon saisissante l’irrésistible tournant du gouvernement vers la voie de l’autoritarisme.

 

Le Décret nº 29

En 1999, le président Loukachenko a édicté le Décret nº 29, en vertu duquel les employeurs étaient tenus de convertir tous les contrats de travail en contrats à durée déterminée (CDD) ; un fait sans précédent dans les annales du mouvement syndical.

Le décret a, de fait, annulé l’article du code du travail qui interdisait l’élaboration de contrats temporaires pour toute personne occupant un poste permanent.

Il entrait également en contradiction avec l’un des postulats qui forment l’action de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), à savoir la lutte pour l’emploi permanent universel.

Le Décret nº 29 était à ce point répréhensible qu’il a déclenché une vague de contestation massive des travailleurs et des syndicats.

À cette époque, l’autonomie relative dont jouissait la Fédération des syndicats du Bélarus (FTUB), principal mouvement ouvrier du pays, lui a permis d’unifier les courants contestataires et d’organiser une série de manifestations anti-décret impressionnantes à Minsk, la capitale nationale, ainsi que dans plusieurs autres villes industrielles importantes du pays.

Des dizaines de milliers de travailleurs sont descendus dans les rues et ont réussi à bloquer la promulgation du Décret nº 29 par le régime en place.

Cependant, la suite des événements allait confirmer une tendance propre à tous les régimes autoritaires : ils commencent à percevoir les organisations indépendantes de travailleurs comme l’ennemi public numéro un, et recourent à l’appareil répressif de l’État pour les écraser.

Le Bélarus n’a pas échappé à la règle. En 2002, après des années de pressions soutenues, la FTUB est passée sous contrôle du gouvernement et, entre 2003 et 2004, près de 90 % de tous les travailleurs du pays sont passés sous CDD.

 

Un choix brutal

Le BKDP partage l’avis des experts de la FIDH, pour qui la reconversion de la majorité absolue des salariés bélarusses vers des contrats temporaires contient des éléments de travail forcé.

Cette hypothèse est corroborée par le fait qu’une personne travaillant sous des conditions d’emploi temporaire n’est pas autorisée à démissionner avant la fin de son contrat, même si cette personne trouve un emploi plus intéressant et convenable ailleurs.

Il y a un mois environ, le président Loukachenko a donné l’ordre aux syndicats contrôlés par l’État, sous la coupole de la FTUB, de convertir la totalité des contrats du secteur public, sans exception, vers ce type de contrat.

Étant donné que 98 % de tous les effectifs sont affiliés à la FTUB (la plupart sous la contrainte), on serait en droit d’affirmer qu’au Bélarus, une modalité d’emploi apparemment civilisée comme le contrat à durée déterminée, équivaut en réalité à du travail forcé.

Le système des contrats temporaires a été directement transposé de la sphère économique et des relations du travail à celle de la politique, devenant au passage un instrument idéologique utilisé pour influencer les travailleurs.

Il permet aux autorités de tenir en laisse les travailleuses et travailleurs bélarusses, de les manipuler et de se débarrasser de celles et ceux qui sont considérés récalcitrants, déloyaux et peu fiables.

Parmi ces derniers se trouve en tout premier lieu les membres du BKDP et de ses affiliés.

Nos camarades sont confrontés à un choix brutal : leur syndicat indépendant ou leur travail.

Nous n’avons guère été surpris quand le régime au pouvoir a encore plus aggravé la situation il y a un an, le 7 décembre 2012, avec un autre décret présidentiel qui, cette fois, interdit la démission des ouvriers de l’industrie du traitement du bois.

Le travail forcé dans notre pays n’est donc plus seulement de facto mais aussi de jure.

Que peut-on attendre à l’avenir d’un régime qui intensifie systématiquement son pouvoir totalitaire ?

Inutile de jouer aux devinettes. Nous pouvons seulement souligner qu’en rendant la vie des travailleurs plus difficile, le régime n’a rien obtenu ; absolument rien n’a changé au niveau de l’économie nationale.

Le travail forcé n’a jamais été identifié comme un moyen d’augmenter la productivité et l’efficacité.

Il constitue au contraire l’une des causes de la dégradation marquée de la situation sociale et économique au Bélarus.

En recourant au travail forcé, ce servage des temps modernes, le régime politique au pouvoir au Bélarus a choisi le meilleur moyen pour précipiter sa propre chute.