Le mouvement syndical mondial fait part de sa solidarité avec le Cambodge

Le mouvement syndical mondial fait part de sa solidarité avec le Cambodge

President of Independent Democracy of Informal Economy Association (IDEA) Vorn Pao (centre) takes part in a mass gathering in front of the Cambodian National Assembly also attended by the activists who arrived in the capital city Phnom Penh after five days of marches along some of Cambodia’s main national roads to mark International Human Rights Day on 10 December 2014.

(Anadolu Agency/Lauren Crothers)

Au moins quatre travailleurs cambodgiens ont été tués vendredi à Phnom Penh et 39 autres ont été blessés lorsque la police a ouvert le feu sur une foule de manifestants qui demandaient de meilleurs salaires.

D’après les organisations de défense des droits humains, il s’agit de l’événement le plus violent contre des civils de la part de l’État depuis plus de dix ans. Les témoins indiquent que les forces armées ont utilisé des fusils AK-47 pour réprimer la manifestation.

Lors d’une entrevue accordée à l’Agence France Presse, un porte-parole de la police militaire, Kheng Tito, a justifié la répression en disant que neuf policiers avaient été blessés par des manifestants violents. Il a ajouté par ailleurs que, si les grèves se poursuivaient, la situation deviendrait « anarchique».

Jeudi, la veille de ces effusions de sang, la police a également arrêté plusieurs personnalités syndicales de haut rang, notamment Vorn Pao, président de l’Independent Democracy of Informal Economy Association (Démocratie indépendante de l’Association de l’économie informelle – IDEA), et Theng Savoeum, coordinateur de la Coalition of Cambodian Farmer Communities (Coalition des communautés agricoles cambodgiennes – CCFC).

Ces deux organisations sont membres de la Cambodian Labour Confederation (Confédération cambodgienne du travail – CLC) et de la Cambodian Coalition of Apparel Workers Democratic Union (Coalition cambodgienne du syndicat démocratique des travailleurs/euses de la confection – C.CAWDU).

Ces violences ont suscité l’indignation des syndicats internationaux.

Dans un courrier adressé au Premier ministre Hun Sen, la secrétaire générale de la Confédération Syndicale Internationale (CSI), Sharan Burrow, écrit: «C’est avec horreur que nous assistons aux violences continues de la part des membres de la police et des forces armées contre des travailleurs de la confection en grève.

« Il est extrêmement préoccupant de voir la police tuer, battre et arrêter des travailleurs; cette violation flagrante du droit fondamental à la liberté syndicale doit être condamnée ».

Jyrki Raina, le secrétaire général d’IndustriALL, a exprimé la même indignation: « Le droit de grève pour demander une hausse du salaire minimum est solidement protégé par le droit international relatif à la liberté syndicale, comme le prévoit la Convention n°87 de l’OIT – que le Cambodge a ratifiée en 1999. Les menaces, les arrestations et le meurtre de syndicalistes qui exercent ce droit constituent une violation extrêmement grave qui doit être condamnée. Toute violence encouragée par les fabricants de vêtements doit cesser ».

 

Révolte massive contre Hun Sen

Cette violente répression s’inscrit dans un contexte d’opposition croissante à l’égard de l’homme fort du pays, Hun Sen, au pouvoir depuis près de 30 ans.

La contestation autour de son élection en juillet, que de nombreux observateurs indépendants ont qualifiée de «truquée», s’est conclue fin décembre par d’importants rassemblements, au cours desquels plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Phnom Penh pour demander sa démission.

Des discussions prévues avec le parti d’opposition, le Cambodia National Rescue Party, dirigé par Sam Rainsy, ont été annulées suite aux violences récentes, et le gouvernement a interdit tout rassemblement public.

Le mouvement syndical cambodgien est à la tête de la lutte, qui s’est intensifiée le 24 décembre 2013 lorsque des ouvriers du prêt-à-porter se sont mis en grève pour protester contre une proposition de salaire minimum pour l’industrie textile qui ne répond pas aux critères d’un salaire décent.

Le mouvement s’est rapidement étendu à environ 800 usines de chaussures et de textile, dont un grand nombre a dû fermer, alors que la proposition initiale de faire passer le salaire minimum mensuel de 80 à 95 USD (puis à 100 USD) venait d’être rejetée par deux syndicats, qui réclamaient un salaire minimum de 160 USD, soit le double du salaire actuel.
Or, les employeurs refusent ce niveau de salaire qui, selon eux, nuirait à la compétitivité de l’industrie textile.

La Garment Manufacturers’ Association of Cambodia (Association des fabricants de prêt-à-porter du Cambodge – GMAC) a même menacé de déplacer sa production si l’agitation des syndicats n’était pas réprimée et elle a félicité le gouvernement d’avoir fait usage de la force contre les manifestants.

L’industrie cambodgienne de la confection emploie plus d’un demi-million de travailleurs.

Elle représente une des principales sources de revenu du pays, approvisionnant des marques telles que Gap, Nike et H&M. Ses recettes d’exportation rapportent environ 5 milliards USD à l’un des pays les plus pauvres d’Asie.