La violence contre les syndicats s’intensifie en Colombie

 

Les syndicalistes en Colombie ont entamé 2014 avec la nouvelle peu réjouissante d’une intensification de la violence contre les travailleurs et les militants syndicaux.

Selon les données préliminaires recueillies par le groupe de réflexion colombien Escuela Nacional Sindical (ENS), 26 travailleurs syndiqués ont été assassinés entre le 1 janvier et le 11 décembre 2013.

L’ENS a aussi relevé 13 tentatives d’homicide, 149 menaces de mort, 28 cas d’intimidation et 13 arrestations arbitraires.

Ces chiffres représentent une augmentation de 15% par rapport à 2012, année au cours de laquelle 22 syndicalistes ont été assassinés et six ont fait l’objet de tentatives de meurtre.

Les deux derniers assassinats ont eu lieu début décembre dans la ville de San José de Cúcuta et la municipalité de Sardinata, dans le département de Norte de Santander.

Les victimes, Pedro Camperos et Carlos García Herreros, étaient tous deux des dirigeants de sections syndicales de la Fédération nationale des services publics (FENASER), affiliée à la Confederación de Trabajadores de Colombia (CTC).

Monsieur García Herreros, récemment élu à la direction de la FENASER dans le département de Norte de Santander travaillait en tant que professeur d’université. Il a été tué d’une balle en pleine poitrine, le 4 décembre 2013.

Bien que les autorités aient affirmé que le syndicaliste a été victime d’un vol, Raul Gomez, président de section FENASER de Norte de Santander, a indiqué que les rumeurs d’une liste de cibles syndicales dans le viseur des paramilitaires constituait un mobile plus probable.

Le second cas est survenu deux jours plus tard, le 6 décembre, dans la municipalité de Sardinata.

D’après Raul Gomez, Camperos, qui occupait le poste de président de la direction adjointe du syndicat local des services publics SINDENORTE, affilié à la FENASER, était une personnalité très connue dans cette municipalité où, en plus de ses fonctions municipales, il était membre d’un orchestre mariachi.

Camperos a été tué quand des assassins ont ouvert le feu sur le véhicule qui le transportait, lui et son orchestre, à un spectacle musical auquel ils étaient conviés dans la banlieue. Un de ses compagnons mariachis a également perdu la vie dans la fusillade et le conducteur du véhicule a été blessé.

 

Dirigeants pris pour cibles

Ces chiffres alarmants montrent que malgré les assurances du gouvernement qu’il soutient le libre exercice du syndicalisme, la violence contre les syndicalistes et l’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes demeurent un problème majeur en Colombie.

Le fait que la Colombie ait introduit une procédure officielle d’adhésion à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rend la situation particulièrement inquiétante.

Toujours selon les données de l’ENS, 90% des attaques en Colombie avaient pour cibles des dirigeants syndicaux. Sur 229 cas de violence antisyndicale recensés, 208 visaient des dirigeants syndicaux.

D’autre part, dans 18 des cas, les menaces ayant fait l’objet de plaintes étaient collectives et ciblaient des organisations affiliées à la CUT et à la Confederación General de Trabajo (CGT).

Ces centrales syndicales ont été la cible de 89,2 et 5,4% des attaques respectivement, confirmant par-là même le caractère collectif de la violence antisyndicale et de ses répercussions.

L’examen des secteurs économiques les plus touchés par la violence antisyndicale en 2013 révèle que le secteur le plus affecté est celui des mines et des carrières (25,4%), suivi de l’industrie manufacturière (19,3%), de l’éducation (18,2%) et de l’agriculture, la chasse et la pêche (12,7%).

Dans 53,7% des cas on ne dispose d’aucune information sur les auteurs présumés de cette violence. Quant aux cas pour lesquels les auteurs présumés sont connus, 71,6% sont attribués aux groupes paramilitaires, 19,1% à des organismes de l’État et 5,8% à la guérilla.


Autres cas graves

Les obstacles qu’affrontent les syndicalistes à l’heure d’exercer librement leurs activités sont mis en exergue par une litanie d’autres cas.

Par exemple les menaces de mort adressées aux familles d’Igor Diaz Lopez et d’Aldo Raul Amaya Daza, respectivement président et trésorier du conseil exécutif national du syndicat de l’industrie du charbon (Sindicato Nacional de Trabajadores de la Industria del Carbón, SINTRACARBON).

Ces menaces sont intervenues alors que les deux dirigeants syndicaux participaient au processus de négociations collectives avec la société colombienne des mines à ciel ouvert Carbones del Cerrejón Ltd.

Un autre secteur hostile au syndicalisme est l’industrie sucrière et, plus particulièrement, la raffinerie de La Cabaña, dans la région de La Cauca, qui continue de recourir à l’embauche de main-d’œuvre via des sous-traitants.

Qui plus est, elle a refusé de reconnaître la section du Syndicat national des travailleurs de l’industrie agroalimentaire (Sintrainagro) et d’engager des négociations sur le cahier de revendications présenté par celui-ci en décembre 2012.

Le 3 janvier 2013, la raffinerie a congédié 86 travailleurs syndiqués, y compris les membres du comité exécutif syndical. Beaucoup d’autres travailleurs ont fait l’objet de menaces qui s’étendaient à leurs familles.

Le 28 janvier, le militant syndical Juan Carlos Pérez Muñoz a été assassiné dans la municipalité de Corinto, Cauca.

Les attaques contre les femmes syndicalistes constituent une autre facette particulièrement inquiétante de la violence contre les syndicats en Colombie.

Les travailleuses et les dirigeantes syndicales sont victimes de menaces et de déplacements forcés qui visent à ébranler leur leadership et leur vie en tant que femmes.

C’est le cas de la triste expérience vécue par Martha Cecilia Suarez, présidente de l’Association des services publics de Norte de Santander (Asociación Santandereana de Servidores Públicos, ASTDEMP).

Madame Suarez a fait l’objet d’attaques constantes depuis 2004 mais, en avril 2013, le siège du syndicat a reçu une lettre où elle était déclarée objectif militaire et ennemi public.

Elle a également reçu deux poupées maculées de peinture rouge. Les poupées – dont une à laquelle il manquait un bras et l’autre à laquelle il manquait une jambe – portaient les noms de ses filles. La lettre portait la signature du groupe paramilitaire Comando Urbano de los Rastrojos.

Equal Times et la CSI ont récemment lancé une campagne appelant à la fin de la violence contre les syndicalistes en Colombie.

Pour signer la pétition et demander au président Juan Manuel Santos de mettre fin à la violence contre les syndicalistes immédiatement, veuillez cliquer sur le lien suivant :

http://act.equaltimes.org/en/colombia2013.

 

Cet article a été publié pour la première fois sous sa version intégrale par l’Agencia de Información Laboral-ENS.