Servir deux maîtres en politique est rarement une bonne idée

Opinions

 

Le gouvernement wallon a décidé, sur proposition du Ministre des pouvoirs locaux Paul Furlan (PS), de s’attaquer au cumul des mandats en limitant à trois le nombre maximum de mandats que peut exercer un mandataire politique.

Bien que cette proposition ne fasse pas l’unanimité, il faut applaudir la volonté d’évoluer vers une meilleure gouvernance publique.

Plusieurs affaires récentes n’ont en effet pas aidé à polir l’image de la politique : rappelez-vous les affaires impliquant Louis Michel et John Dalli au niveau européen, ou celles des députés flamands invités en VIP au festival Tomorrowland par l’industrie du tabac. Certains ont dû démissionner, pour d’autres des excuses ont suffi. A juste titre, les médias accordent beaucoup d’attention aux maladresses déontologiques de nos mandataires politiques.

Cependant, un groupe est jusqu’à présent resté à l’abri des regards : celui des cabinetards, les conseillers politiques de nos ministres.

Quand ceux-ci préparent les dossiers en groupe de travail, le ministre doit avoir une grande confiance en ses collaborateurs pour pouvoir leur donner une certaine marge de négociation. Ce mandat, qui permet d’avoir une discussion constructive, nécessite de la transparence car, à tout moment, le ministre reste responsable politiquement.

Cette intégrité est peut-être encore plus importante envers ses électeurs. Ces derniers doivent avoir la certitude que les conseillers ministériels travaillent avant tout pour l’intérêt général, en se collant un maximum au mandat de l’électeur. Ils ont au moins le droit de savoir s’il n’y a pas de conseillers qui, en plus d’un agenda politique, servent également un agenda particulier ou corporatiste.

Comment renforcer la bonne gouvernance au niveau de ce qu’on appelle les cellules stratégiques – les cabinets ?

Aujourd’hui, les cabinetards ne tombent pas sous l’Arrêté Royal de 1937 qui règle les droits, les devoirs, les conflits d’intérêt et les cumuls des fonctionnaires d’Etat.

Nous ne tombons pas non plus sous la supervision du Bureau d’éthique et de déontologie administrative. Pour nous il n’y a pas de directives sur ce que nous pouvons, et ne pouvons pas faire quand il s’agit d’accepter des cadeaux, des invitations sympathiques et des déjeuners. Et rien ne spécifie quels documents nous pouvons partager avec les secteurs impliqués dans un dossier.

J’avoue: je me suis laissé séduire une fois avec des tickets VIP pour un grand évènement sportif, sur invitation d’un secteur qui avait clairement intérêt à bien nous soigner (cela n’a pas changé mon jugement, et j’ai refusé la deuxième invitation quelques mois plus tard.)

Par ailleurs, quand il y a des règles claires, c’est d’autant plus facile de refuser une invitation.

En tant que simple conseiller, je ne suis pas obligé, contrairement aux directeurs de cabinets (adjoints), de signaler mes mandats ou mes activités extrapolitiques rémunérées. A part mon ministre et mon directeur, personne ne savait officiellement que je recevais une indemnisation pour un cour d’économie que j’enseignais à l’Université de Gand, ou de la Fondation Roi Baudoin pour la présidence du Groupe du Vendredi, une plateforme de réflexion.

Il y a des collègues du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux qui ne sont pas seulement rémunérés par un ministre, mais également par un groupe d’intérêt.

Bien que je n’ai aucune raison de penser qu’ils n’auraient pas correctement fait leur boulot, le législateur doit au moins prévoir que ces activités supplémentaires soient publiées en toute transparence sur un site web comme le portail « .be ».

Mon but n’est pas de commencer une chasse à l’homme, mais bien de proposer des mesures qui, petit à petit, regagneront la confiance du citoyen dans notre complexe machinerie politique.

Dans le parlement il y a des propositions pour rendre publics les mandats des conseillers, comme c’est déjà le cas pour les directeurs (adjoints).

Bien que ces propositions ne me semblent pas encore aller suffisamment loin, j’espère qu’elles aboutiront avant la fin de la législature.

Dans le monde académique des rapports et journals, d’éventuels conflits d’intérêts doivent systématiquement être signalés. Pourquoi ne pas faire de même pour les cabinetards ?

Un code déontologique pourrait par ailleurs clarifier le cadre dans lequel nous pouvons opérer, comme cela existe au niveau flamand ou européen par exemple.

Plus tard, il faudra voir si, et dans quelle mesure, il est souhaitable que les conseillers ministériels servent deux maîtres.

 

Source : De Morgen

 

This article has been translated from French.