Les syndicats swazis condamnent l’arrestation d’un inspecteur public

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On ne compte plus le nombre de fois que le gouvernement du Swaziland a protégé ses propres intérêts injustifiés aux dépens des droits humains des citoyens du pays.

Il y a, cependant, des cas qui retiennent l’attention, comme celui de Bhantshana Gwebu, chef de l’inspection des véhicules du gouvernement, arrêté et incarcéré pour le simple fait d’avoir fait son devoir.

Le 20 janvier 2014, le président de la cour suprême, Michael Ramodibedi, a ordonné l’arrestation de Gwebu pour avoir verbalisé Vusi Tsela, un chauffeur du tribunal.

Deux jours plus tôt, Tsela avait conduit la juge Esther Ota à l’une des écoles d’élite de la capitale Mbabane en l’absence de l’autorisation préalable exigée par la loi.

Ce week-end là, sur le chemin du tribunal où elle officiait en qualité de juge de permanence, madame Ota a fait une halte à l’école pour récupérer les uniformes de ses enfants.

D’après Gwebu, toutefois, la voiture en question était exclusivement assignée à des « courses officielles du tribunal » - et le trajet de l’école était exclu de l’équation.

Le travail de Gweba étant de veiller à ce que les fonctionnaires du gouvernement n’abusent pas des véhicules du gouvernement, il trouvait justifié de verbaliser Tsela et de mettre le véhicule sous séquestre.

Le pouvoir judiciaire n’est visiblement pas du même avis.

 

« Risque de fuite »

Ramodibedi a émis un mandat d’arrêt contre Gwebu, qui s’est livré à la police accompagné de Quinton Dlamini, président du syndicat National Public Servants and Allied Workers Union (NAPSAWU).

Il a été accusé d’outrage à magistrat.

Ramodibedi a initialement refusé le droit à une représentation légale pour Gwebu en invoquant l’argument quelque peu étonnant que son avocat n’était pas présent lorsqu’il a commis son méfait.

« C’est la première fois que nous entendions parler d’une telle règle », a déclaré Dlamini à Equal Times.

Quand Gwebu a déposé une demande de mise en liberté sous caution, celle-ci fut rejetée par le gouvernement au motif que « le syndicat (NAPSAWU) s’était ingéré et avait politisé l’affaire » et qu’il y avait, dès lors, un risque de fuite de l’accusé.

Cette affirmation était cependant irrecevable au tribunal, le NAPSAWU étant une organisation légale qui a l’obligation de procurer un soutien moral à ses membres, comme l’a souligné le juge Bheki Maphalala.

Gwebu a finalement été libéré contre une caution de 15.000 lilangenis (1375 USD) versée par le NAPSAWU.

 

 « Désespoir »

Pour les syndicats swazis, la débâcle de Gwebu est un exemple de plus de l’attaque ouverte du gouvernement contre les travailleurs.

« Cela s’inscrit dans la tentative désespérée du gouvernement de liquider le mouvement syndical dans le pays », a indiqué Vincent Ncongwane, secrétaire général du Trade Union Congress of Swaziland (TUCOSWA).

Selon Ncongwane, en alléguant que le NAPSAWU avait politisé l’affaire du simple fait d’avoir accompagné Gwebu au commissariat, le gouvernement aurait cherché à créer l’impression qu’il était illégal de s’affilier à un syndicat.

En attendant, la centrale syndicale TUCOSWA à laquelle le NAPCASWU est affilié reste interdite au Swaziland.

Cette organisation syndicale a, en effet, été radiée du registre tout juste trois mois après avoir été instituée par le même gouvernement, en avril 2012.

Depuis lors, la police persécute les travailleurs rassemblés sous la bannière du TUCOSWA.

Les partis politiques sont interdits depuis 1978 et l’instauration par le roi défunt Sobhuza II (père du monarque actuel Mswati III) du tinkhundla, un système de gouvernement unique qui exclut les partis politiques.

Les syndicats sont le seul véhicule dont disposent les travailleurs pour faire valoir leurs droits politiques.

 

« Une leçon »

Mais au-delà de la perplexité, les organisations internationales voient dans l’affaire Gwebu une tentative manifeste de mettre au pilori quiconque s’avisera de dénoncer la corruption dans le pays.

Pour Makbule Sahan, responsable chargée des droits humains et syndicaux auprès de la Confédération syndicale internationale (CSI), cela s’inscrit dans la continuité d’un gouvernement qui ne souscrit à la réforme démocratique que pour la forme.

« Le Swaziland fait l’objet d’une surveillance étroite par l’Organisation internationale du travail (OIT), tandis que les États-Unis réévalueront l’éligibilité du pays au regard de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), vu le manque de progrès tangible en matière de droits des travailleurs », a indiqué Makbule Sahan.

Pour sa part, Muzi Masuku, directeur de programme de la Society Initiative for Southern Africa (OSISA) du Swaziland a déclaré à Equal Times que le procès de Gwebu pourrait établir un précédent inquiétant.

« Gwebu a déclaré qu’il n’a pas arrêté la juge mais le chauffeur », a indiqué Masuku. « Peut-on dès lors parler d’outrage à magistrat ? »

La date de l’audition n’est pas encore fixée mais Gwebu qui, entre temps, a repris le service, se tient à l’affût de tout usage abusif des ressources publiques.