Pakistan: Le sort d’un Britannique condamné à mort pour «blasphème» reste incertain

 

Malgré les appels du Premier ministre britannique et d’un groupe de musulmans britanniques influents et une pétition en ligne qui a recueilli plus de 29.000 signatures, l’incertitude prévaut quant au sort d’un retraité souffrant de troubles mentaux récemment condamné à la peine de mort au Pakistan pour blasphème.

Mohammad Asghar, 70 ans, d’Édinbourg, a été inculpé de blasphème et condamné à mort par un tribunal dans la ville de Rawalpindi, le 23 janvier 2014.

Asghar, qui a vécu plusieurs années au Pakistan a initialement été arrêté en 2010 après avoir envoyé des lettres où il affirmait être un prophète.

Mais d’après ses proches, Asghar a des antécédents de troubles mentaux et a auparavant été diagnostiqué schizophrène paranoïde.

Par ailleurs, selon l’équipe de juristes chargée de sa défense, les accusations de blasphème émanent d’un locataire qui était en litige avec Asghar.

D’après les déclarations du procureur Javed Gul à l’agence de presse AFP, « Asghar affirmait être un prophète même devant le tribunal. Il l’a confessé devant le juge. »

Au Pakistan – pays où 97% de la population est musulmane – le blasphème contre toute religion reconnue est passible de peines allant d’une amende exemplaire à la peine de mort.

L’éminente avocate et militante des droits humains Asma Jahangir, qui assure la défense de Mohammad Asghar, a fait appel de la sentence en invoquant la santé mentale de son client.

S’adressant à Equal Times, Madame Jahangir a vivement critiqué la justice pakistanaise où le système juridique constitutionnel opère en tandem avec le tribunal fédéral de la Sharia.

Tant les musulmans que les minorités religieuses, en particulier la communauté ahmadiyya, tombent sous le couperet des lois anti-blasphème, créant par-là même un climat de peur.

Les parties qui prennent la défense de personnes accusées de blasphème sont fréquemment la cible de menaces de mort et plusieurs politiciens partisans d’une réforme des lois anti-blasphème ont été assassinés.

Le cas le plus notoire a été celui de Salman Taseer, gouverneur de la province du Pendjab et critique acerbe des lois anti-blasphème, qui fut abattu par son propre garde du corps le 4 janvier 2011.

Son assassinat a déclenché une vague de manifestations aux quatre coins du Pakistan et suscité l’indignation internationale.

Quelques mois plus tard, Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités, de foi catholique, a lui aussi été abattu pour le même motif.

Rimsha Masih, une jeune fille catholique soufrant de troubles mentaux est probablement la seule personne accusée de blasphème qui ait échappé à une possible peine de mort.

Elle fut arrêtée dans la capitale, Islamabad, en août 2012, après qu’un clerc religieux l’a accusée de profaner des pages du Coran. Elle a finalement été acquittée de toutes charges et a demandé l’asile au Canada où elle vit actuellement.

Selon le groupe de réflexion Centre for Security Studies, basé à Islamabad, depuis 1990, au moins 52 personnes accusées de blasphème ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires.

L’accusation est toutefois difficile à faire valoir dès lors que le blasphème n’est pas strictement défini et que les tribunaux sont généralement réticents à procéder aux appels à témoins, craignant que le simple fait de ressasser les faits puisse passer pour un blasphème.

Les tentatives de réforme de la législation sont rares et férocement opposées par les partis religieux.

Lorsque Sherry Rehman, ex-ambassadrice du Pakistan aux États-Unis a tenté de le faire, sans succès, en novembre 2010, alors qu’elle était députée au parlement, elle a dû se cacher après avoir reçu des menaces de mort.