Les eurodéputés en faveur d’une nouvelle réglementation de la prostitution

Un récent vote au Parlement européen s’est conclu par l’adoption d’une résolution non contraignante qui appelle les États membres à criminaliser les personnes qui achètent des actes sexuels - plutôt que celles qui les vendent.

Au total, 343 MPE de divers courants politiques ont exprimé leur adhésion à un rapport de l’eurodéputée du Labour Party britannique, Mary Honeyball, qui recommande l’adoption du « Modèle nordique » comme approche pour réduire la demande de prostitution en Europe.

Les MPE qui ont voté « oui » à la résolution considèrent la prostitution comme « une violation des droits de l’homme et une forme de violence à l’égard des femmes ».

Les députés mettent en exergue les chiffres de la Commission européenne qui établissent une corrélation entre la prostitution et la traite d’êtres humains.

D’après ces données, 62% des victimes du trafic d’êtres humains le sont à des fins d’exploitation sexuelle et 96 % des victimes présumées et identifiées sont des femmes ou des jeunes filles.

Mary Honeyball, qui a présenté le rapport, a déclaré dans un communiqué : « Le vote au Parlement est un signal crucial des eurodéputés que nous ne pouvons continuer de tolérer l’exploitation des femmes. »

Elle a félicité les eurodéputés pour avoir exprimé leur soutien en faveur d’ « une approche plus nuancée » de la prostitution.

« Les changements récents intervenus en France et en Irlande laisseraient suggérer que le vent soit en train de tourner en direction de la Suède [pionnière de la criminalisation du client plutôt que des prostituées – éd.]. La position du Parlement européen sur ce point a toute son importance et le résultat du vote symbolise le changement d’attitudes des pays membres de l’UE sur ce thème, de même qu’une volonté des pays membres d’apprendre les uns des autres. »

 

« Potentiellement dangereux »

La résolution ne fait, toutefois, pas l’unanimité.

Préalablement au vote, 86 académiciens se sont joints aux quelque 560 ONG et organisations de la société civile qui ont adressé une pétition aux eurodéputés, invitant ces derniers à voter contre le rapport.

Selon eux, le rapport manque « de s’attaquer aux problèmes et aux préjudices qui entourent la prostitution et livre, à la place, des informations partiales, inexactes et réfutées. »

Leurs préoccupations ont été réitérées par plusieurs MPE.

Françoise Castex, eurodéputée du Parti Socialiste français, était parmi les 139 MPE à avoir voté contre la résolution (il y a, par ailleurs, eu 105 abstentions).

Elle a déclaré à Equal Times : « Je suis fermement convaincue que nous devons lutter contre la traite et l’exploitation d’êtres humains. Néanmoins, la criminalisation des clients représente une approche hypocrite qui ne fera que contribuer à une insécurité accrue pour les prostituées et à la détérioration de leur santé et de leur sécurité. »

Une position qui est partagée par la députée européenne Marisa Matias, du Portugal, membre du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique.

« En réalité, ce que cette résolution amène dans le débat c’est une dimension moraliste qui traite la prostitution et la traite d’êtres humains comme une seule et même chose. Or ce n’est pas le cas », dit-elle.

« La prostitution peut résulter d’un choix libre, consentant et conscient entre adultes. C’est ce qu’on appelle prostitution et non traite d’êtres humains. Mettre les deux choses dans le même sac n’est pas une solution mais fait, en réalité, partie du problème. »

Selon Luca Stevenson, coordinateur du Comité international des droits des travailleuses sexuelles en Europe, l’argument crucial de leur opposition au « Modèle nordique » est que la criminalisation du client est inefficace dès lors que « la police continue à cibler les travailleuses du sexe ».

« Le modèle suédois de pénalisation des clients est non seulement inefficace en termes de réduction de la prostitution et de la traite d’êtres humains, il est aussi dangereux pour les travailleuses du sexe », a-t-il dit.

« Il exacerbe la stigmatisation, qui est la cause première de la violence à notre encontre. C’est une politique manquée, dénoncée par l’ensemble des organisations des travailleuses du sexe, de même que par beaucoup d’organisations de femmes, de personnes LGBT et de migrants et nombre d’agences onusiennes. »

En décembre, le réseau de lutte contre la traite des êtres humains La Strada International et sept ONG partenaires ont adopté une déclaration appelant à la protection et la promotion des droits humains des travailleuses du sexe et au découplage de la prostitution des enjeux de la traite d’êtres humains.

Dans cette déclaration, les signataires ont aussi appelé à ce que les travailleuses du sexe soient consultées à l’heure de rédiger les politiques nationales et internationales concernant la prostitution.