Michelle Bachelet, à la croisée des chemins : Travailleurs ou patronat ?

Michelle Bachelet, élue présidente du Chili au second tour avec 62,1 % des suffrages et en fonction depuis le 11 mars, n’aura pas la tâche facile en matière d’emploi.

Après avoir proposé, dans la cadre de son programme électoral, un ensemble de réformes pour le monde du travail, elle doit désormais composer avec un monde des affaires dont la réticence à ces mêmes réformes perdure depuis plus de quatre décennies et qui a annoncé d’emblée, par le biais des organes de presse du duopole, que les investissements privés pourraient se contracter si Bachelet décidait de mettre à exécution son programme.

« Il convient d’établir des règles du jeu équitables entre employeurs et travailleurs », a affirmé Michelle Bachelet. Certains chiffres alarmants retiennent cependant l’attention, comme le fait que 8 % seulement des contrats d’emploi au Chili sont négociés collectivement, qu’à l’heure actuelle 600.000 jeunes n’ont pas de travail et ne suivent pas d’études, que le fossé de l’inégalité entre les revenus les plus élevés et ceux les plus faibles ne cesse de se creuser (dans certains cas, l’écart est de l’ordre de 1 à 140) et que le salaire moyen des Chiliens ne dépasse pas 251.600 pesos (435 USD) par mois.

Parallèlement à cela, le Chili a assisté à une progression du travail externalisé, estimé à 17,3 % en août 2013. Et quand bien-même l’augmentation de la sous-traitance ou du travail intérimaire ont une incidence favorable sur les indicateurs d’emploi, cela implique aussi une plus forte probabilité d’emplois moins dignes.

Par ailleurs, l’Instituto Nacional de Estadistica (INE) cite, pour le mois d’août de la même année, un rapport de la Fundación Sol selon lequel seulement 56 % des salariés bénéficient d’un CDI, du paiement de cotisations, d’une couverture médicale et d’une assurance chômage.

Autrement dit, un pourcentage élevé de chiliens se trouve en situation d’emploi précaire.

Un autre fait grave face auquel nous ne pouvons rester impassibles est le pouvoir qu’ont encore à l’heure actuelle les employeurs de remplacer à leur gré les grévistes moyennant paiement de 4 UF (Unidad de Fomento) par travailleur remplacé, nuisant par là-même aux processus de négociation collective et au pouvoir des syndicats.

 

Les propositions

Le programme de Michelle Bachelet pour des règles du jeu équitables entre les différents acteurs sociaux se fonde sur les trois propositions suivantes essentiellement :

La première est d’étendre la syndicalisation et la négociation collective.

Le deuxième ensemble de mesures vise à augmenter la participation des travailleurs, la qualité de l’emploi et les salaires (salaire minimum et paiement de gratifications) et à augmenter la productivité.

Enfin le troisième ensemble de lignes directrices a pour objectif de renforcer et d’améliorer les institutions du travail du pays.

Il convient de tenir compte du fait que dans le cadre du programme du gouvernement de Michelle Bachelet, l’augmentation de la rémunération des travailleurs est mise en relation étroite, voire conditionnée à l’augmentation de la productivité, chose qui mérite d’être examinée plus en détail.

Comme l’indique si bien l’Organisation internationale du travail (OIT) dans sa brochure intitulée « Les règles du jeu » : « Le travail n’est pas un produit inanimé comme une pomme ou un téléviseur que l’on peut négocier pour obtenir le meilleur profit ou le prix le plus bas ». Pour autant, continuer de concevoir le développement économique comme l’objectif d’un gouvernement est une erreur, dès lors que l’objectif ultime devrait être d’améliorer la qualité de vie des personnes.

 

Les défis

Pour mettre à exécution son programme politique pavé de bonnes intentions, Michelle Bachelet devra affronter des entreprises nationales et multinationales habituées à opérer au Chili selon des règles du jeu faites à leur mesure et certainement pas à celle de la classe ouvrière.

Elle devra batailler avec le pouvoir des mass médias, dont l’agenda répond aux intérêts du patronat et être à même de dialoguer et de rallier le soutien populaire des étudiants et des travailleurs, dont les contestations sociales sont allées croissantes au cours des dernières années.

Pour leur part, les travailleurs du Chili verront leurs revendications soutenues dans le cadre de la Campagne pour la liberté syndicale, une initiative lancée en collaboration avec la Confédération syndicale des travailleuses et travailleurs des Amériques (CSA).

C’est une grande responsabilité que doit assumer la Central Unitaria de Trabajadores (CUT) pour faire respecter les conventions internationales ratifiées par le Chili, face à son interlocutrice directe au palais de la Moneda, la ministre du Travail Javiera Blanco. Cette dernière est issue de la direction de la Fundación Paz Ciudadana, une entité étroitement liée à Agustín Edwards, propriétaire du journal à grande diffusion El Mercurio, qui entretient des rapports et des engagements privilégiés avec le patronat.

 

This article has been translated from Spanish.