Les centres d’appels du Maroc revendiquent le droit d’organisation

News

Le 6 avril 2014, à l’appel des trois principales centrales syndicales du Maroc, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Casablanca pour exiger des négociations collectives et protester contre le blocage du dialogue social avec le gouvernement.

Les revendications des travailleurs marocains ne sont pas nouvelles. L’accord d’avril 2011 prévoyait l’augmentation des salaires et des pensions, la réforme du système de retraite ainsi que la liberté syndicale et le droit de grève.

Des engagements que le gouvernement dit avoir honoré, mais que les syndicats contestent en invoquant notamment la convention 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les libertés syndicales que le Maroc n’a toujours pas ratifié.

Dans les centres d’appels du pays, la situation entre les travailleurs et les employeurs est devenue emblématique des tensions sociales qui règnent dans le royaume chérifien, d’autant que le Maroc est devenu en quelques années un marché attrayant pour de nombreuses entreprises de services européennes et américaines.

On évalue à plus de 70.000 lenombre d’emplois ainsi créés dans les centres d’appels ces dix dernières années. Mais il s’agit dans de nombreux cas d’emplois précaires et difficiles.

La majorité des salariés, souvent des jeunes et des femmes, n’ont pas droit à une protection sociale adaptée. De plus, les heures de travail peuvent parfois dépasser 14 heures par jour.

D’après Ayoub Saoud, secrétaire général du syndicat b2s Maroc, de nombreux travailleurs sont également licenciés avant d’accomplir deux années d’ancienneté – une période qui leur donne droit à une augmentation de salaire.

Même les employeurs seraient conscients de cette situation. « Certains managers m’ont déjà confié que le travail était pénible et que les conditions étaient à améliorer », déclare Mohammed El Ouafi, membre du secrétariat général de l’Union marocaine du travail (UMT).

 

Une pratique anticonstitutionnelle

En vue d’améliorer leurs conditions de travail, des employés se sont regroupés et des campagnes de syndicalisation ont été menées. Mais certaines tentatives d’organisation ont été durement réprimées par les dirigeants, en particulier chez Total Call.

Le 12 février 2014, cinq employés de Total Call ont déposé en toute légalité un dossier de constitution d’un syndicat.

Convoqués par la direction le jour-même, on leur fait comprendre que « le syndicat est un corps étranger », relate Mohamed El Ouafi.

Le jour d’après, les cinq employés sont licenciés.

Pour Mohamed El Ouafi, cela n’a rien de surprenant : « La même société a déjà licencié en 2012 plus de 34 salariés qui ont tenté de créer un bureau syndical dans les locaux de l’entreprise. 120 autres employés qui ont soutenu leurs collègues se sont également retrouvés sans emploi.»

Selon les organisations syndicales interrogées par Equal Times, les dirigeants de Total Call sont particulièrement réticents à tout dialogue et auraient même refusés de se rendre à une procédure de médiation lancée par la préfecture de Casablanca. Ce genre de pratique est courant au Maroc, mais serait contraire à l’article 8 de la Constitution.

Rien qu’en 2013, la Commission nationale d’organisation des centres d’appels de l’UMT a d’ailleurs répertorier trois épisodes de licenciements pour activité syndicale.

De plus, affirme Ayoub Saoud, la menace de délocalisation est souvent mise en avant par les dirigeants.

« Il est assez courant d’entendre les patrons menacer de quitter le pays pour des destinations low cost, et ainsi supprimer des emplois, si des syndicats se créent. »

A travers une campagne internationale focalisée sur le cas de Total Call, menée conjointement par LabourStart, l’UMT et UNI Global Union, les syndicats marocains espèrent désormais attirer l’attention du public sur les violations des droits syndicaux au Maroc dans les centres d’appels.