Une nouvelle voie pour l’Europe

Opinions

Dans les mois qui suivront les élections européennes, l’Europe devra faire face à de multiples enjeux. Depuis trop longtemps les citoyens et travailleurs européens demandent de placer la justice sociale, le dialogue social et la solidarité au centre des décisions.

Jusqu’à présent, ces demandes n’ont pas reçu d’écho auprès des responsables politiques européens.

Des postes clés au sein des institutions européennes sont sur le point de changer de main; nous aurons un nouveau Parlement et une nouvelle Commission. C’est le moment de réorienter l’Union européenne (UE) pour qu’elle axe ses priorités sur les besoins de ses citoyens.

En effet, l’Europe appartient à ses peuples et à ses citoyens, et non à l’élite financière, économique et politique. Tout ce qui est décidé doit l’être pour assurer le mieux-être pour tous et une société plus juste et plus soutenable. L’austérité ne marche pas et doit céder la place aux investissements créateurs d’emplois de qualité.
Personne ne met réellement en question le bien-fondé de nos arguments. Mais le bilan de ces dernières années montre que nous sommes loin du compte. On nous tient des paroles rassurantes sur l’Europe sociale, sur le dialogue social, sur la réduction des inégalités, mais les actes ne suivent pas les paroles.

Notre première priorité est d’avancer des propositions alternatives précises et concrètes pour redonner confiance aux travailleurs dans le projet européen.

Le bon fonctionnement économique doit permettre de réduire les inégalités et la pauvreté et doit considérer que la protection sociale n’est pas un luxe mais un élément fondamental du bien vivre ensemble. La démocratie au sein des entreprises, la négociation collective et le dialogue social sont des piliers majeurs que nous devons défendre à tout prix.

Face à une crise sans précédent, les dirigeants européens ont montré qu’ils étaient déterminés à sauver l’Euro, et, avec lui, une certaine Europe. Ce sauvetage demeure, certes, important. Néanmoins, il nous laisse un goût amer car ce sont les travailleurs et les citoyens les plus modestes qui ont payé le prix fort.

 

« Remettre l’Europe sur les rails »

Si on prend le temps d’examiner les chiffres, on constate une hausse impressionnante du chômage : au jour d’aujourd’hui plus de 26 millions de personnes sont sans emplois en Europe. Dans la zone euro, nous sommes passés d’un taux de chômage de 7,5% avant la crise à 12% aujourd’hui, avec des pointes dramatiques de plus de 25% en Grèce et en Espagne.

La situation des jeunes est extrêmement préoccupante: 7,5 millions d’entre eux ne travaillent pas, ne suivent pas d’études ou de formation.

De même, on enregistre un affaiblissement étendu de la protection sociale, des services publics et de la négociation collective, une baisse généralisée des salaires dans 18 États membres sur 28, le tout doublé d’une concurrence sociale déloyale dans la plupart de nos pays. Tout cela aboutit à une augmentation des inégalités et de la pauvreté. Ceci montre très clairement la nécessité d’un changement de cap pour remettre l’Europe sur les rails.

Le démantèlement social, les politiques d’austérité ainsi que les coupes drastiques dans les budgets nationaux ont fortement contribué à créer les conditions pour la montée en puissance des mouvements populistes ou d’extrême droite auxquels nous sommes opposés.

Un tel climat économique et social a renforcé les doutes sur la valeur d’une organisation regroupant les pays européens. En effet, si on a sauvé l’Euro, on n’a pas protégé ce qui fait le cœur de notre histoire et de notre culture sociale.

Mais faire croire que l’on pourrait d’abord faire table rase de l’UE telle qu’elle est – c’est-à-dire revenir à des États-nations – pour ensuite reconstruire une organisation institutionnelle et politique totalement différente, c’est tromper celles et ceux que nous représentons.

Nous savons que l’avenir de l’emploi n’est évidemment pas dans le rétablissement de frontières nationales, que l’emploi de qualité ne peut se développer si on remet des taxes aux frontières intérieures de l’UE, si on empêche la libre circulation des gens, des biens et des services. Notre objectif est de faire évoluer l’UE politiquement, économiquement, socialement et institutionnellement pour qu’elle soit plus démocratique, plus sociale.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a une responsabilité centrale.

Dans le concert d’optimisme actuel saluant une prétendue sortie de crise, il faut vigoureusement nous faire entendre. Alors que les responsables européens se félicitent du fait que la crise de l’euro est derrière nous, nous disons qu’on n’a pas encore fait face à la crise de l’emploi. Alors que les responsables européens nous disent qu’il faut poursuivre des politiques d’austérité sévères, nous disons que de véritables politiques alternatives sont nécessaires pour redonner du travail aux européens. L’Europe doit repartir en misant sur le travail de qualité, les emplois soutenables, ou elle ne repartira pas.

Nous revendiquons une nouvelle voie pour l’Europe, axée sur un modèle européen bridant les libertés du marché pour placer justice sociale, dialogue social et bien vivre ensemble au centre des prises de décision. La présence critique, souvent très critique, du syndicalisme européen au sein de la construction institutionnelle est donc essentielle.

La CES a fait des propositions claires pour la relance de l’économie. Nous proposons un plan d’investissement important, à hauteur de 2% du PIB européen par an, pour une croissance durable et créatrice d’emplois de qualité. Un tel effort permettrait à l’UE de renouer avec une industrie de pointe respectueuse de l’environnement et la placerait en tête au niveau mondial.

Les domaines cibles et porteurs d’emplois seraient, entre autres, la transformation d’énergie, les réseaux et infrastructures de transport, l’éducation et la formation, le développement des réseaux à large bande, les services publics et privés, les infrastructures et logements adaptés pour personnes âgées ainsi que les logements sociaux.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas trouvé le soutien politique nécessaire pour mettre en œuvre ces propositions.

Le nouveau Parlement mais aussi la nouvelle Commission européenne et la nouvelle Présidence du Conseil européen ont la responsabilité politique, économique, sociale et morale de faire avancer le projet européen. Les prochains mois seront décisifs.
Nous restons mobilisés pour que l’Europe prenne la nouvelle voie que nous revendiquons.