Mexique : La guerre qui intéresse le plus Peña Nieto

Opinions
Explore similar themes
Politics & economyPovertyViolence

La guerre contre le trafique de drogue déclarée par le gouvernement de Felipe Calderon (2006-2012) n’a pas de fin et a déjà coûté au pays plus de 100.000 morts.

Son successeur Enrique Peña Nieto poursuit l’offensive sans la modifier, cependant la guerre qui l’intéresse, lui, n’est pas du même ordre. Il s’agit dans son cas d’une offensive multiple déployée au bénéfice d’une minorité et contre les droits de tous.

À commencer par la prolongation de la bataille de Calderon, on assiste clairement à une résurgence de la violence criminelle dans pratiquement tout le pays.

Dans l’État de Tamaulipas – « qui est en train de se gangréner » selon un lecteur du principal quotidien de la ville de Mexico, La Jornada – les massacres et les barrages se succèdent depuis plusieurs semaines.

À Morelos, la récente vague de violence criminelle s’est soldée par l’assassinat du coordinateur au travail social de l’Université autonome de l’État de Morelos et de son épouse.

Dans les États de Michoacán, Jalisco, Guerrero et Chihuahua, les cartels se redéployent, se disputent de nouveaux espaces, ourdissent de nouvelles alliances perverses, démontrent que la stratégie fédérale sous ses formes diverses - opérations, coordinations, etc. – n’a pas réussi à atteindre leur ligne de flottaison.

Nous devons cependant insister sur le fait que ceci n’est pas la principale guère que mène Peña Nieto.

La priorité pour Peña Nieto et ses alliés est de renforcer et augmenter le pouvoir de l’argent dans tous les domaines.

Faire en sorte qu’en matière d’infrastructure, d’énergie, de télécommunications, de tourisme et salarial, l’intérêt des dépositaires du pouvoir en cause l’emporte sur les droits de la majorité.

On criminalise, on prive de liberté les personnes qui luttent pour la défense des droits humains et des territoires.

Des attaques formelles et informelles sont menées contre les communautés et les universitaires qui luttent contre le gazoduc qui affectera les États de Morelos, Tlaxcala et Puebla.

Des attaques sont également menées contre les polices communautaires de Guerrero qui se défendent contre l’invasion et la destruction à laquelle se livrent des entreprises minières canadiennes.

Tout ce qui a rapport avec le patrimoine de la nation est également la cible d’attaques systématiques.

Les intérêts transnationaux se servent du pouvoir législatif et de partis politiques comme le PRI, le PAN et leurs alliés pour imposer leur loi et agrandir la brèche ouverte par la réforme constitutionnelle pour y introduire les compagnies minières et gazières.

Et comme si cela ne suffisait pas, ils s’en prennent désormais à la Commission fédérale de l’électricité (CFE) et à Petroleos Mexicanos (PEMEX) qu’ils semblent déterminés à vouloir tuer par inanition.

S’agissant des télécommunications, les lois secondaires font d’emblée présager le bénéfice de l’oligopole formé par les chaînes de télévision Televisa et TV Azteca contre les droits des audiences, des publics, des communautés.

 

Une offensive impitoyable

On assiste à une offensive impitoyable contre des dizaines de milliers de migrants d’Amérique centrale qui font l’objet de brimades et d’incarcérations systématiques.

Près de 74.000 déportations ont eu lieu en seulement 13 mois. Or c’est dans un total silence et la résignation que près de 1100 de nos compatriotes sont chaque jour déportés des États-Unis dans des conditions similaires.

L’économie des ménages fait, elle aussi, l’objet d’attaques incessantes. Tout le monde le voit sauf ceux qui exercent, élaborent et imposent les politiques économiques.

Les salaires se maintiennent à leur pire niveau des 28 dernières années ; selon l’OCDE, les salaires se situent en dessous du niveau de subsistance pour 18,5% des travailleurs mexicains – l’indicateur le plus élevé de cette organisation – et il faut travailler 18 jours pour réunir un panier alimentaire de base.

L’Association nationale des grands magasins (Asociación Nacional de Tiendas Departamentales) se plaint de la chute des ventes des supermarchés. Les prévisions de croissance s’amenuisent de jour en jour, passant de 4% en début d’année à tout juste 3,4% à l’heure actuelle.

Il n’y a pas la moindre mention d’une augmentation salariale même émergente, tandis que les hausses mensuelles du prix de l’essence (les « gasolinazos ») devraient se poursuivre jusqu’en 2019.

Mais ce qui est pire encore que les prédications grossières de ceux qui promettaient le ciel en échange de la souffrance et de la soumission sur terre c’est la litanie peñanietiste du « souffrez aujourd’hui » pour mieux profiter des retombées des réformes structurelles, toujours plus insaisissables et lointaines.

La consommation interne est en berne et l’insécurité citoyenne va croissant. Mais tout cela n’a aucune importance pourvu que la sécurité des bénéfices soit assurée.

Dans toute guerre, les plus puissants luttent pour imposer leurs lois, leurs traités. Dans celle-ci, dont le chef visible est Peña Nieto, il ne s’agit pas d’imposer des réformes constitutionnelles et encore moins des lois secondaires.

Le but recherché est, avant tout, d’instaurer à feu et à sang la loi primaire, la loi unique du bénéfice pécuniaire.

Malheureusement, cette guerre n’est pas une métaphore. La destruction qu’elle laisse dans son sillage est on ne peut plus réelle : Communautés désarticulées, environnement dévasté, ressources naturelles saccagées, emplois détruits, salaires laminés, incarcérations, morts, exil.

À cette guerre globalisée du profit contre les droits juridiques, signale Alain Touraine, nous pouvons uniquement opposer le principe moral fondateur qui surpasse toute idéologie. Et c’est autour de ce principe que nous devons forger notre résistance.

 

Source: ALAI

This article has been translated from Spanish.