Centrafrique : « Ils doivent tous partir ou mourir »

Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été perpétrés en République centrafricaine (RCA), et continuent de l’être.

C’est ce que démontre le rapport intitulé « Ils doivent tous partir ou mourir », rendu public hier par nos organisations.

 

Ce rapport fait suite à plusieurs missions d’enquête menées en RCA et établit les responsabilités des parties au conflit, à savoir les anti-balaka et les Séléka.

« C’est un conflit politico-ethnique pour le contrôle du pouvoir qui a progressivement pris une dimension religieuse. Ceux qui donnent les ordres aujourd’hui sont en train de se rendre responsables d’une épuration et de commettre des crimes internationaux dont ils devront rendre compte » a déclaré Mathias Morouba, vice-président de l’Observatoire centrafricain des droits de l’homme (OCDH).

Le rapport dénonce également un conflit qui prend ses sources dans l’impunité des crimes du passé, en raison de l’incapacité des justices nationales et internationales à juger les plus hauts responsables de ces crimes.

Depuis le 5 décembre 2013 et leur offensive sur la capitale Bangui, les anti-balaka attaquent systématiquement les civils, en particulier musulmans.

Plus d’une vingtaine d’enclaves regroupant entre 15.000 et 20.000 musulmans sont actuellement assiégées par les milices anti-balaka qui ont profité du repli stratégique des ex-Séléka dans le nord et l’est du pays, où ces derniers continuent de perpétrer des violations graves des droits humains et des crimes internationaux.

Parmi les Séléka, les responsabilités présumées de l’ex-président Michel Djotodia, de son chef des renseignements Noureddine Adam, ou encore du chef de milice soudanais Janjawid, le général Moussa Assimeh semblent établies au regard des éléments réunis dans le rapport.

Du côté des anti-balaka, les enquêtes menées ont permis d’établir la présence et l’activisme de très nombreux officiers des Forces armées centrafricaines (FACA) et des personnalités proches du président déchu, François Bozizé.

Les instructions données, les revendications énoncées et les actions menées par les anti-balaka visent pour la plupart à provoquer un chaos sécuritaire, humanitaire et politique afin de faciliter le retour de l’ancien président sur la scène politique centrafricaine sous le prétexte de « moi ou le chaos ».

« La communauté internationale doit soutenir les forces africaines, françaises et bientôt onusiennes pour mettre un terme à ces crimes, protéger la population civile et traduire en justice les responsables de ces crimes » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.

 

En finir avec l’impunité

La présidente de transition de Centrafrique Catherine Samba-Panza vient de saisir la Cour pénale internationale (CPI) et a, il y a peu, créé une Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI).

Cette dernière doit, avec le soutien de la communauté internationale, enquêter sur les exactions en cours, établir les responsabilités des auteurs et responsables des crimes internationaux commis et instruire les procédures criminelles permettant d’arrêter les responsables des groupes armés qui sont encore actifs.

De son côté, la CPI doit ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés en Centrafrique, qui relèvent sans aucun doute de sa compétence.

Le gouvernement centrafricain a d’ailleurs saisi officiellement la CPI le 12 juin dernier, sur les crimes commis en RCA depuis le 1er août 2012, estimant ne pas avoir la capacité de poursuivre les plus hauts responsables.

Cette décision, recommandée de longue date par nos organisations, est une première étape importante. La Procureure doit maintenant ouvrir le plus rapidement possible une enquête sur les crimes graves commis en RCA.

« Le besoin de justice est tel en Centrafrique que la justice nationale et la CPI ne seront pas de trop pour juger tous les auteurs et responsables de ces crimes » a déclaré Drissa Traoré, vice-président de la FIDH.

En mai, des sanctions ont également été prises par le Conseil de sécurité des Nations unies et le président des États-Unis, contre cinq individus, notamment l’ex-président François Bozizé, le coordinateur des milices anti-balaka, Levy Yakété, et le numéro deux de l’ex-coalition rebelle Séléka, Noureddine Adam.

Ces sanctions doivent cependant être étendues à d’autres personnalités et être endossées par d’autres États ainsi que par l’Union européenne.

Pour Joseph Bindoumi, président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH) : « Les groupes armés, Séléka ou anti-balaka, reçoivent des instructions, de l’argent et des soutiens pour mener cette politique du chaos et ériger les communautés les unes contre les autres. La justice nationale et internationale doit cibler les auteurs des crimes commis mais surtout doit mettre hors d’état de nuire les responsables qui donnent les ordres. »

This article has been translated from French.