RDC: Des rebelles qui hypothèquent une paix fragile

Même si le président Joseph Kabila assure que la paix a été rétablie sur l’ensemble du territoire congolais et que la reconstruction du pays peut se poursuivre à marche forcée, dans l’Est la situation demeure très instable et les acquis de la victoire militaire, remportée en novembre 2013 contre les rebelles tutsis du M23, ne sont pas encore définitivement consolidés.

En effet, le sort des combattants du M23 est loin d’être réglé : 1700 d’entre eux sont toujours cantonnés en Ouganda, exigeant de bénéficier de la loi d’amnistie leur permettant de rentrer au pays sans être inquiétés, et 600 autres se trouvent au Rwanda, partageant la même exigence.

Même si, aux yeux des observateurs, les chiffres cités semblent excessifs (eu égard aux pertes subies lors des batailles qui se déroulèrent au Nord-Kivu), la seule existence de ces centaines de combattants expérimentés et déterminés demeure une menace pour l’armée congolaise, malgré les progrès de cette dernière en termes de formation et d’armement…

En outre, la principale raison qui avait (en théorie) présidé à la naissance du M23, à savoir la nécessité de lutter contre les rebelles hutus des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et de les empêcher de menacer Kigali est toujours d’actualité : 1500 rebelles hutus sont toujours présents dans l’Est du Congo et l’offensive qui devait définitivement les mettre hors d’état de nuire… n’a toujours pas commencé !

Comment ne pas se rappeler le fait qu’au lendemain de la victoire remportée contre le M23, les promesses n’avaient pas manqué : tant l’armée congolaise que la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et la Brigade d’intervention africaine, forte de 3000 hommes venus d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi, avaient répété que, compte tenu des soucis sécuritaires du Rwanda, priorité absolue serait donnée à la neutralisation des FDLR.

Ce fut loin d’être le cas : avec succès, les forces congolaises et onusiennes s’en prirent aux rebelles ougandais ADF-Nalu qui furent chassés du territoire, plusieurs groupes armés congolais furent efficacement traqués et des centaines d’hommes acceptèrent de rendre les armes.

Ce qui ne signifie pas pour autant que la question soit réglée : leur cantonnement dans des camps de démobilisés s’opère dans des conditions déplorables et de nombreuses désertions sont enregistrées…

Quant aux FDLR, considérées comme les plus dangereuses, les plus nuisibles des groupes armés (et rendues responsables entre autres de la prolifération des violences sexuelles), elles ont bénéficié d’inquiétantes temporisations. Les autorités congolaises, assurant qu’elles privilégiaient l’option pacifique, leur ont octroyé plusieurs délais de grâce, espérant que le désarmement serait volontaire…

Des camps de regroupement ont ainsi été ouverts au Sud-Kivu, près de Kaniola, et au Nord-Kivu, près de Kanyabayonga, afin que les démobilisés puissent y attendre leur transfert vers d’autres provinces, l’Équateur ou Kisangani avant, éventuellement, leur accueil dans des pays tiers.

Mais rien ne s’est passé comme prévu. Il est apparu que, parmi les centaines de démobilisés ayant accepté de rendre les armes, les chefs étaient absents.

En outre, cantonnés au sein même des populations du Kivu, qu’ils ont terrorisées durant deux décennies, les combattants rwandais ont refusé de se rendre dans d’autres provinces plus éloignées de la frontière, arguant, entre autres, de l’hostilité des populations locales.

Il est vrai que la société civile de l’Équateur et de la Province orientale a protesté haut et fort contre la venue des ces hommes précédés d’une exécrable réputation…

Et enfin, leurs porte-paroles ont défié Martin Kobler, le chef de la Monusco, n’hésitant pas à poser comme préalable l’ouverture de l’espace politique au Rwanda et un dialogue avec Kigali, ce que les autorités rwandaises refusent avec constance.

Autrement dit, l’opération « désarmement volontaire » semble bel et bien bloquée.

Reste à savoir si les forces gouvernementales et la Monusco auront le courage de passer au plan B : décider d’opérations militaires contre des hommes qui, après deux décennies de violence, sont des combattants aguerris qui, en plus, connaissent parfaitement le terrain et disposent de nombreuses relations au sein de l’armée congolaise…

This article has been translated from French.