Les promesses rompues d’Obama sur les migrants sans papiers

Le président des États-Unis Barack Obama a récemment annoncé qu’il ne prendrait pas de mesures pour suspendre la reconduite aux frontières des migrants sans papiers avant les élections de novembre.

Le 6 septembre 2014, un fonctionnaire de la Maison-Blanche a confié au New York Times : « Du fait de l’extrême politisation des républicains sur cette question, le président estime qu’il serait dangereux, pour la politique elle-même et pour les perspectives à long terme d’une réforme approfondie de l’immigration, d’annoncer des mesures administratives avant les élections ».

Le président subit des pressions de la part des communautés latino-américaines et asiatiques et des syndicats pour mettre fin à la vague d’expulsions qui ont reconduit plus de deux millions de personnes aux frontières depuis son arrivée à la Maison-Blanche, soit environ 400.000 migrants par an.

Il a promis à maintes reprises d’accorder un statut juridique provisoire à une partie des 11 millions de personnes qui vivent sans papiers aux États-Unis.

Sa dernière promesse remonte au printemps, lorsqu’il avait déclaré qu’il agirait seul, si le Congrès n’adoptait pas la législation sur la réforme de l’immigration avant la fin de l’été.

La pression exercée par les démocrates conservateurs lors de leur campagne contre les républicains de l’aile droite du pays l’a convaincu de renoncer à cette promesse.

Mary Kay Henry, présidente de l’Union internationale des employés de services, indique au Times que « la décision de la Maison-Blanche de différer toute action de l’exécutif oblige un nombre incalculable de familles à continuer d’attendre dans la crainte ».

Le président Obama bat en retraite face à l’offensive contre l’immigration menée depuis juin par les conservateurs, lorsque le site de droite Breitbart.com a lancé une campagne hystérique au sujet de l’arrivée à la frontière entre les États-Unis et le Mexique de mineurs non accompagnés en provenance d’Amérique centrale.

Breitbart.com a publié des photographies confidentielles de la police des frontières et des gardes des centres de rétention, montrant des enfants immigrants entassés comme des animaux.

Le Tea Party a adopté une attitude tout aussi hystérique, attisée par les photographes, pour réduire à néant toute possibilité de projet de réforme de l’immigration basé sur la légalisation, combattre les mesures de l’exécutif du président Obama en 2009 qui différaient l’expulsion de jeunes gens (et combattre toute éventuelle extension de ces mesures), et demander à ce que davantage de ressources soient allouées à la police des frontières et au développement des centres de rétention.

Ce discours, relayé par les grands journaux, a été repris par les gouverneurs conservateurs du Texas, Rick Perry, et de l’Arizona, Jan Brewer, qui ont déclaré que les enfants devaient être maintenus dans les centres de rétention et qu’ils ne devaient pas être confiés à des membres de leur famille, comme le prévoit actuellement une loi adoptée en 2008.

Selon le député républicain Louie Gohmert, les enfants « mettent en danger la vie des officiers de la police des frontières ».

Au lieu de dénoncer ces propos, la Maison-Blanche a signalé qu’elle comptait abroger la loi de 2008 pour expulser plus rapidement les mineurs récupérés à la frontière.

Une fiche d’information de la Maison-Blanche précise que les « mesures supplémentaires visant à renforcer la lutte et les procédures d’expulsion [et] l’augmentation des ressources du gouvernement destinées à faire appliquer la loi permettront à l’agence fédérale de police des frontières de renvoyer les migrants illégaux d’Amérique centrale dans leur pays d’origine ».

En août, le président Obama a demandé 3,7 milliards de dollars au Congrès, presque exclusivement pour les mesures de lutte contre les infractions.

Les États-Unis dépensent actuellement plus d’argent dans la lutte contre les infractions liées à l’immigration que dans tous les autres programmes fédéraux réunis visant à faire respecter la loi ; le pays emploie plus de 20.000 agents le long de ses frontières, c’est-à-dire plus qu’à aucun autre moment de son histoire.

 

Rétrospective historique

La couverture médiatique met l’accent sur le fait que la migration serait due à la violence des gangs en Amérique latine, comme s’il s’agissait d’un événement spontané qui n’avait aucun lien avec un passé de conflits régionaux soutenus par les États-Unis et une politique d’expulsions de masse.

En effet, la politique étrangère américaine et en matière d’immigration est en grande partie à l’origine de la pression qui provoque cet afflux de migrants d’Amérique centrale.

La vague de migration en provenance d’Amérique centrale a commencé au moment des guerres initiées par le président américain Ronald Reagan dans les années 80, lors desquelles il a armé des régimes et des armées opposés au changement social progressiste.

Deux millions de citoyens du Salvador sont arrivés aux États-Unis à la fin des années 70 et dans les années 80, ainsi que des dizaines de milliers d’habitants du Guatemala et du Nicaragua. Des familles entières ont fui, laissant leurs proches derrière elles dans l’espoir d’être de nouveau réunis un jour.

Par la suite, les Accords de libre-échange entre l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale et les politiques d’ajustement structurel ont imposé une privatisation généralisée dans ces pays, le déplacement forcé de communautés entières en raison des projets miniers étrangers, et des réductions du budget social.

De gigantesques entreprises américaines ont écoulé à bas prix leur maïs et d’autres produits agricoles sur les marchés mexicain et d’Amérique centrale, ce qui a contraint des familles rurales à quitter leurs terres lorsqu’elles n’étaient pas en mesure de faire face à cette concurrence.

Des jeunes d’Amérique centrale qui sont arrivés à Los Angeles et dans d’autres grandes villes des États-Unis ont été recrutés dans des gangs.

Les autorités des États-Unis chargées de l’immigration et du respect de la loi ont ensuite mis en place un considérable programme d’expulsion ciblant les jeunes d’Amérique centrale, où cette politique a entraîné une recrudescence de la violence des gangs.

El Salvador, dont le gouvernement est actuellement de gauche, tient à instaurer une politique de création d’emplois et de développement économique afin d’offrir une alternative à la migration.

En revanche, les États-Unis apportent un soutien financier et de l’aide aux gouvernements très à droite du Guatemala et du Honduras, qui adoptent une approche fortement coercitive.

Le sénateur démocrate du New Jersey, Bob Menendez, a lancé un appel en faveur d’une hausse du financement du Commandement Sud de l’armée des États-Unis et de l’initiative sur la sécurité en Amérique centrale mise sur pied par le ministère des Affaires étrangères, en donnant des millions de dollars à l’armée et à la police des régimes de droite.

La demande de 3,7 milliards de dollars soumise par le président Obama tient compte de ce financement.

Par ailleurs, le président Obama a justifié le report des mesures mettant fin aux expulsions dans la mesure où cela « serait dangereux, pour la politique elle-même et pour les perspectives à long terme d’une réforme approfondie de l’immigration ».

Cependant, de nombreux syndicats et groupes de défense des droits des migrants sont hostiles à ce projet de réforme approfondie de l’immigration soutenu par le gouvernement et les démocrates parce qu’il favoriserait la hausse des expulsions, le licenciement des travailleurs sans statut de migrant, ainsi que les nouveaux programmes pour la main-d’œuvre contractuelle ou les « travailleurs immigrés ».

Les républicains s’opposent à ce projet de réforme depuis deux ans, et ils ne vont pas l’adopter après novembre.

Reporter les mesures de l’exécutif visant à suspendre les expulsions ne rendra pas le projet de réforme plus présentable à leurs yeux et n’améliorera pas ses chances. Pendant ce temps, des groupes de citoyens ordinaires accusent les lobbyistes et les responsables politiques proches du gouvernement de ne pas maintenir la pression pour faire cesser les expulsions, et d’accepter que ce soit le prix à payer pour la réforme.

Et le gouvernement, revenant sur ses promesses, a commencé à mettre en place une politique d’expulsion accélérée pour les jeunes d’Amérique centrale, malgré sa légalité discutable.

« C’est un coup de poignard dans le dos », déclare Veronica Noriega, qui suit actuellement une grève de la faim pour demander la libération de son mari, qui se trouve dans un centre de rétention.

« Les républicains nous ont dit ouvertement « non », mais le président, lui, nous a trompés ».

Maru Mora Villapando, de l’organisme Latino Advocacy, ajoute : « Nous connaissons nos perspectives à long terme mieux que quiconque. Le président a fait de nous des experts de notre propre souffrance en proposant des politiques toujours plus dévastatrices pour nos familles et nos communautés. Nous savons ce qu’il faut mettre en place. Le président ne nous a pas écoutés, et maintenant, il n’agit pas ».