Cinq ans après le séisme, les travailleurs haïtiens toujours aux prises avec les faibles salaires

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Cinq ans après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, les travailleurs éprouvent toujours des difficultés pour payer les transports, l’alimentation et le logement, en raison de la croissance exponentielle du coût de la vie alors que les salaires ne suivent pas.

Au cours des récentes discussions avec les travailleurs de la confection pour l’exportation à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, l’ONG américaine de défense des droits du travail [Solidarity Center >http://www.solidaritycenter.org/] a découvert que les travailleurs devaient dépenser la moitié de leur salaire quotidien pour pouvoir manger deux fois par jour. Il n’est pas rare que la scolarisation d’un enfant absorbe la majeure partie du salaire mensuel d’un Haïtien.

Elmerome, qui fabrique des T-shirts, est payé 225 HTG pour une journée de travail de huit heures (approximativement 4,80 USD) et, bien que son salaire ait augmenté par rapport aux 125 HTG par jour (2,70 USD) qu’il touchait avant le séisme, il dépense 500 HTG chaque jour (10,70 USD) pour nourrir son enfant et lui-même, c’est-à-dire plus de deux fois son revenu quotidien.

En 2013, l’alimentation lui a coûté environ 400 HTG par jour (8,55 USD) et, par ailleurs, les frais de scolarité de son enfant s’élèvent à près de 5000 HTG par mois (106 USD).

Comme tous les travailleurs interrogés, Elmerome est membre d’un syndicat et, selon lui, cela lui a permis d’améliorer ses conditions de travail.

Il souligne que la Centrale nationale des ouvriers haïtiens (CNOHA) a « aidé à lutter contre la discrimination, les exclusions et les licenciements » et qu’elle « permet aux travailleurs de se faire entendre ».

Il considère que la liberté syndicale est l’élément le plus important pour les travailleurs haïtiens qui cherchent à améliorer leurs conditions de travail.

Et, comme le disent les autres ouvriers que nous avons rencontrés, il affirme que de nombreux travailleurs ne se syndiquent pas de crainte de faire l’objet de harcèlement de la part de leur employeur, ou d’être menacés de licenciement.

Solidarity Center a récemment mené ces discussions informelles dans le cadre du suivi d’une étude réalisée en 2014 en vue de réévaluer le coût de la vie pour les travailleurs de la confection destinée à l’exportation, à Port-au-Prince.

Ce rapport, intitulé High Cost of Low Wages in Haiti (Los altos costes de los salarios bajos en Haití)] (Le coût élevé des bas salaires à Haïti), indique en conclusion que, sur la base d’une semaine ordinaire de travail de 48 heures, les travailleurs haïtiens devraient être payés au moins 1006 HTG par jour (21,50 USD) afin de subvenir correctement à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Or, comme Elmerome, les travailleurs perçoivent généralement entre 225 HTG (le salaire minimum dans les usines d’exportation) et 300 HTG par jour (6,40 USD) ou un peu plus s’ils sont payés à la pièce.

Voici ce qu’indique par ailleurs le rapport :
« En dépit de la croissance du secteur, les travailleurs de l’habillement destiné à l’exportation restent pauvres… Les entreprises qui s’approvisionnent à Haïti profitent des faibles coûts salariaux et d’une application peu rigoureuse du droit du travail dans un secteur où les violations des droits des travailleurs sont monnaie courante ».

Une autre ouvrière, Widnise, confie à Solidarity Center qu’elle gagne 225 HTG par jour et qu’elle en dépense pratiquement la moitié quotidiennement – 110 HTG (2,35 USD) – dans l’alimentation et les transports. Même s’ils sont deux à travailler dans son foyer, elle reconnaît qu’il est difficile de survivre, avec un loyer qui s’élève en outre à 20.000 HTG par an (430 USD).

 

Hausse du salaire minimum

En 2013, les travailleurs haïtiens et leurs syndicats ont organisé des rassemblements et des manifestations pour demander de faire passer à 500 HTG le salaire minimum journalier des travailleurs de la confection pour l’exportation, mais le gouvernement n’est allé qu’à 225 HTG en juin dernier.

Depuis lors, les syndicats haïtiens cherchent à améliorer la situation des travailleurs en menant des discussions travailleurs-employeurs avec le gouvernement sur la réforme du code du travail actuel, le renforcement des protections sociales et la révision des grilles de salaire.

Le code du travail n’a pas été revu depuis plus de 28 ans, et les dirigeants syndicaux affirment que le renforcement des lois du travail et l’amélioration des protections sociales permettraient de résoudre une grande partie des problèmes que rencontrent aujourd’hui les travailleurs haïtiens et leur famille.

Dans le secteur du prêt-à-porter, les syndicats haïtiens participent activement, avec les employeurs, à la discussion sur le dialogue social qui a commencé début 2014.

Les représentants du gouvernement haïtien, notamment du ministère des Affaires sociales et du ministère du Travail, y participent en qualité d’observateurs aux côtés d’autres organisations nationales et internationales telles que Solidarity Center, la Commission CTMO-HOPE et l’organisation à but non lucratif Better Work-Haïti.

D’après les dirigeants syndicaux, ce processus peut favoriser l’amélioration des conditions sur le lieu de travail, en particulier le respect des droits des travailleurs.
« Nos discussions avec les travailleurs haïtiens mettent en évidence une vérité fondamentale au sujet des efforts déployés pour remettre le pays sur pied : les salaires de subsistance n’ont pas permis aux travailleurs de surmonter la catastrophe, et encore moins de les préparer au prochain choc environnemental ou économique », commente Shawna Bader-Blau, directrice exécutive de Solidarity Center.

« Pour que les travailleurs haïtiens puissent vivre dans la dignité et que Haïti puisse établir une économie satisfaisante pour son peuple, il est indispensable d’avoir des salaires justes ».

Le 12 janvier 2010, le tremblement de terre a coûté la vie à plus de 200.000 Haïtiens et en a laissé 1,5 million d’autres sans abri.

Après le séisme, une série d’orages tropicaux et une épidémie de choléra se sont abattus sur le pays, faisant au moins 8000 victimes.

 

La version intégrale de cet article est disponible sur le site internet de Solidarity Center.