Les syndicats réclament un changement au niveau des relations entre les États-Unis et le Honduras

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Dans un nouveau rapport, les syndicats américains critiquent vertement les politiques du gouvernement des États-Unis au Honduras.

Tefere Gebre, vice-président de l’AFL-CIO, a pris la tête d’une délégation de dirigeants syndicaux américains en vue de rencontrer leurs homologues honduriens.

« Nous avons pu constater les effets du cumul de nos politiques commerciales dominées par les entreprises et de notre système d’immigration faussé », a-t-il déclaré.

Le rapport rédigé à l’occasion de la mission, Trade, Violence and Migration: The Broken Promises to Honduran Workers (Commerce, violence et migration : les promesses trahies aux travailleurs honduriens), retrace sans détour l’évolution des politiques étrangères des États-Unis au Honduras et en évalue les effets.

En plus d’être le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine, le Honduras est aussi la nation d’Amérique centrale qui envoie le plus grand nombre de mineurs non accompagnés aux États-Unis.

Larry Cohen, président du Communications Workers of America et membre de la délégation, a expliqué à l’équipe d’Equal Times que « nous devrions nous intéresser à notre propre politique d’immigration qui consacre des moyens considérables au rapatriement sans rien prévoir en matière de réinstallation. »

« Nous devrions examiner les accords commerciaux — dans ce cas, le Traité de libre-échange entre les États-Unis et les pays d’Amérique centrale (CAFTA) — qui accélèrent la dévastation du marché libre. »

Après le coup d’État de 2009, qui a renversé le président élu du pays, Manuel Zelaya, les États-Unis se sont contentés de protester pour la forme avant de rapidement reprendre l’aide militaire apportée à la junte qui s’était emparée du pouvoir.

Le rapport constate que « le gouvernement de gauche de Zelaya, a augmenté de 80 % le salaire minimum, a fourni une assistance directe aux Honduriens les plus pauvres et a fait reculer la pauvreté et les inégalités ».

Cependant, après le coup d’État, « de nombreux syndicalistes et militants communautaires qui ont participé à la résistance ont été tués, torturés, menacés ou jetés en prison ».

S’appuyant sur des entrevues poussées avec des militants syndicaux, le rapport de l’AFL-CIO décrit par le menu les infractions aux droits du travail et de la personne actuellement commises.

Le gouvernement hondurien a mis en place un dispositif pour faire taire les protestations et le secrétariat en charge du Travail et de la Sécurité sociale a adopté des lois en vue de réduire l’emploi permanent, les protections et la liberté syndicale.

Les syndicats du Honduras « ont confirmé des infractions constantes des droits d’organisation, ce qui constitue une violation directe du CAFTA », explique Larry Cohen.

« Il s’agit de toute sorte d’actes, allant de l’assassinat de dirigeants au déclin des droits de négociation là où ils existaient auparavant. »

Les enseignants sont désormais face à de nouvelles lois qui limitent leur droit de faire grève et, dans les plantations de cannes à sucre, les travailleurs agricoles syndiqués subissent de plus en plus d’attaques violentes et reçoivent de menaces de mort.

Le partenariat entre la Kyungshin Corporation (Corée du Sud) et la Lear Corp. (Michigan) a dissout cinq comités exécutifs syndicaux.

Dans la cité portuaire de Puerto Cortès, l’AFL-CIO a noté une détérioration des conditions liée à la privatisation des docks qui a entraîné le licenciement de plus de 1000 travailleurs.

Victor Crespo, à la tête du syndicat des dockers, a dû fuir le Honduras après que son père a été assassiné et sa mère blessée, ayant lui-même reçu des menaces de mort.

Il doit la vie à une campagne de soutien de l’organisation syndicale américaine, International Longshore and Warehouse Union, et a finalement obtenu des garanties lui permettant de rentrer sans crainte au Honduras.

 

Pauvreté en hausse et militarisation de plus en plus importante

Le rapport de l’AFL-CIO condamne un plan — assez conforme aux politiques du Fonds monétaire international (FMI) — destiné à réduire les coûts salariaux dans le secteur public en diminuant le nombre d’emplois et en privatisant des services publics, notamment dans le secteur de l’électricité.

Les précédentes réductions opérées dans le secteur public sous l’impulsion du FMI avaient entraîné une hausse de la pauvreté et obligé nombre de Honduriens à émigrer pour survivre.

Le rapport établit un lien entre l’augmentation de la pauvreté au Honduras et le CAFTA.

En mettant en avant une politique qui dérèglemente le commerce et se sert des faibles salaires pour attirer des investissements étrangers, « le CAFTA ne fait qu’exacerber le désespoir et l’instabilité dans le pays », dénonce le rapport.

Il épingle aussi la militarisation de plus en plus importante de la société hondurienne — une tendance qui va de pair avec la hausse de l’aide militaire américaine qui a atteint 27 millions de dollars US en 2012.

William Brownfield, secrétaire d’État assistant, et John Kelly, Chef du Commandement sud des forces armées des États-Unis, ont tous deux salué les « progrès du Honduras en termes de sécurité ». Toutefois, John Kelly a diabolisé la migration en provenance de l’Amérique centrale, qualifiant le mouvement de familles et d’enfants de menace pour la sécurité nationale et de « convergence entre la criminalité et le terrorisme ».

Cette migration a augmenté de façon spectaculaire, toujours selon le rapport de l’AFL-CIO : rien qu’en 2014, plus de 18.000 enfants honduriens non accompagnés sont arrivés aux États-Unis.

« Aujourd’hui, la migration est vue par de nombreuses familles comme un moyen d’échapper à la violence, de chercher un emploi ou de réunir une famille, alors que pour le gouvernement, le rapatriement de salaires est une source de revenus importante », peut-on lire dans le rapport.

Josie Camacho, secrétaire exécutive de l’Alameda Central Labor Council en Californie participant à la délégation, a déclaré aux journalistes d’Equal Times : « En tant que mère, je ne pouvais pas comprendre les raisons qui poussent une mère hondurienne à demander à son enfant de voyager, seul, pendant 1700 miles (plus de 2700 kilomètres) vers la frontière et de s’en remettre à des personnes peu scrupuleuses.

J’ai pu constater sur le terrain les conséquences de notre politique militaire et aujourd’hui, je vois que les gens n’ont pas le choix. Nous devrions les accueillir et les protéger, cela correspond à la vraie définition des syndicats. »

Trois quarts de ces migrants, arrivés aux États-Unis après l’amnistie de 1986, sont sans papiers.

De ce fait, les Honduriens, y compris les enfants, subissent les effets de la politique américaine de rapatriement en masse, qui a touché près de 400.000 personnes par an pendant six années.

Rien qu’en 2013, les États-Unis ont renvoyé 37.049 Honduriens.

L’année dernière, le président de l’AFL-CIO, Richard Trumka, a demandé au président Obama de suspendre les rapatriements : « La poursuite des rapatriements ne correspond pas à nos valeurs en tant que pays », a-t-il déclaré, exigeant « la fin d’un processus de déportation qui criminalise des immigrants qui travaillent dur et qui rapatrie des centaines et des centaines de personnes par jour sans aucune comparution devant un juge ».

Néanmoins, le rapport s’éloigne des réformes des politiques d’immigration proposée par le gouvernement américain et le parti démocrate au Congrès qui suggèrent des extensions des programmes temporaires de travailleurs invités en vertu desquels les travailleurs reçoivent de faibles salaires et disposent de peu de droits au travail ou civils.

« Les programmes de visa temporaire ne constituent pas une alternative sûre à la migration illégale », explique le rapport, s’appuyant sur des exemples de violations des droits aux États-Unis et des abus au niveau du recrutement, y compris des extorsions, des fraudes et des confiscations de papiers.

Il émet plusieurs recommandations, destinées tant au gouvernement américain que hondurien, principalement l’extension du statut de réfugiés aux États-Unis aux personnes, surtout aux enfants, qui fuient la violence et les persécutions, et la fin de l’emprisonnent en nombre de migrants.

Enfin, pour l’AFL-CIO, le gouvernement des États-Unis doit abandonner des politiques qui « criminalisent des enfants migrants et leur famille, tout en conservant des accords commerciaux qui déplacent simultanément des agriculteurs de subsistance et des faibles salaires et normes vers d’autres secteurs, et éliminent de bons emplois, ce qui accentue les conditions économiques poussant à la migration ».