Les travailleurs de la santé au Portugal suspendent une grève historique

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Les techniciens de la santé au Portugal ont suspendu une grève illimitée prévue cette semaine après que le gouvernement ait accédé aux demandes du syndicat portant sur la réouverture des négociations sur les salaires et les structures de carrière.

« À trois jours de notre grève historique, le gouvernement a reconnu nos arguments et notre force », a déclaré dans un communiqué, dimanche soir, le Sindicato Nacional dos Técnicos Superiores de Saúde das áreas de Diagnóstico e Terapêutica (syndicat national des techniciens médicaux supérieurs dans les domaines du diagnostic et de la thérapeutique, STSS).

« Nous avons atteint un de nos premiers objectifs, la réouverture des négociations », poursuivait le communiqué, décrivant la décision comme « une victoire pour les camarades qui ont courageusement choisi de confier dans la lutte de notre syndicat ».

La grève, initialement prévue pour mardi 31 mars, s’inscrivait dans le cadre d’une nouvelle action collective en réponse à cinq années de politiques d’austérité qui sont maintenues en dépit de la sortie du pays d’un programme de sauvetage international en mai dernier.

« Nous nous trouvons devant une situation extrêmement grave. Au Portugal, nous étions habitués au progrès et à la croissance mais à présent, on assiste à une régression en termes de droits et de conditions », a affirmé lors d’un entretien avec Equal Times Tiago Guardado Pereira, membre du conseil exécutif du STSS.

« Nous devons défendre le système national de santé mais aussi l’éducation et la justice. Nous devons préserver nos principes », a-t-il ajouté.

Le STSS, qui représente plus de 10.000 professionnels du secteur de la santé, avait déjà organisé une série d’arrêts de travail de courte durée pour protester contre le déclin des conditions et des salaires réels, dont une grève de 48 heures en février.

Le 13 mars 2015, les professionnels de la santé se sont ralliés à un mouvement de grève plus large du secteur public qui a affecté les écoles, les hôpitaux, les tribunaux, les services municipaux et le ramassage des ordures.

Pour la première fois depuis novembre 2013, les deux principales confédérations syndicales du Portugal - CGTP et UGT – lançaient un mot d’ordre de grève conjoint dans le secteur public.

Les syndicats soutiennent que les programmes d’austérité ont nui aux services publics essentiels, contraint les employés à travailler plus pour moins, aggravé le chômage et sapé la croissance économique.

L’agitation ouvrière devrait se poursuivre à l’approche des élections parlementaires prévues pour octobre.

De récents sondages accordent au Parti socialiste, principal parti de l’opposition, une légère avance sur les deux partis de centre-droit de la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre Pedro Passos Coelho.

Le gouvernement insiste que ses politiques produisent des résultats.

Il s’empresse de signaler que l’économie est à présent en train de croître après des années de déclin alors que les deux dernières années ont vu le chômage baisser à 13,3% après avoir plafonné à plus de 16%.

Ce à quoi les critiques rétorquent que la lenteur de la reprise n’a rien fait pour redresser des années de déclin, que la dette continue de s’alourdir et que le préjudice durable subi par l’économie et la structure sociale est accentué par une fuite des cerveaux qui a forcé des dizaines de milliers de jeunes Portugais à émigrer.

 

Profond mécontentement

Au Portugal, où les grèves nationales se limitent généralement à un ou deux jours au plus, la décision des techniciens de la santé de lancer un appel à la grève illimitée reflète d’autant plus le profond mécontentement suscité par la détérioration des salaires et conditions.

Le mouvement syndical décrie le fait que les structures de carrière et les taux salariaux ont de fait été gelés depuis 1999, alors que l’actuel gouvernement a manqué d’honorer un engagement pris dans le cadre du budget de l’année dernière visant à une mise à niveau du plan de carrière des techniciens médicaux.

En juillet dernier, les négociations en cours avec le ministère de la Santé sont entrées dans une impasse.

« Ils refusent de dialoguer avec nous », dit Guardado Pereira, orthoptiste depuis 15 ans.

« Lors de notre pénultième grève, notre délégation se trouvait devant la porte du ministère mais ils n’ont même pas daigné nous recevoir. Ça faisait des années que ce n’était plus arrivé au Portugal. Ils refusent d’engager la moindre discussion avec nous. On se trouve devant une situation très complexe. »

La liste de griefs du STSS est longue.

Dans un communiqué, le syndicat a indiqué que suite aux restrictions imposées dans l’accès aux carrières professionnelles, plus de la moitié des techniciens de diagnostic et de thérapeutique travaillent actuellement sous des contrats de courte durée ou sous le statut de travailleurs indépendants, pour des salaires et des prestations inférieurs.

D’aucuns se sont vus contraints d’augmenter leur nombre d’heures de travail de 35 à 40 heures semaine sans rémunération supplémentaire, cependant que les promotions ont, elles, été bloquées.

« Les gens font face à de graves difficultés », confie Pereira. « C’est un préjudice de longue durée qui est en train d’être infligé au service de santé », ajoute-t-il.

« Certains cours sont supprimés parce que les jeunes ne veulent pas s’embarquer dans des professions où ils seront aussi mal payés et traités. D’autres partent à l’étranger où ils peuvent aspirer à être payés tellement plus. »