Les tribunaux de Harare suspendent l’expulsion des vendeurs ambulants par l’armée

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Suite à une série de graves menaces proférées par le gouvernement du Zimbabwe, la Haute Cour du pays a décidé de suspendre temporairement le recours à l’armée pour chasser les vendeurs ambulants de Harare.

Le ministre de l’Administration locale, des Travaux publics et du Développement urbain, Ignatius Chombo, le ministre de la Défense, Sydney Sekeramayi, ainsi que le maire de Harare, Bernard Mayenyeni, avaient menacé d’expulser tous les vendeurs ambulants du quartier des affaires de Harare avant le lundi 8 juin 2015 pour leur imposer des espaces de vente déterminés.

Or, l’intervention de la Zimbabwe Informal Sector Organisation (Organisation du secteur informel du Zimbabwe – ZISO) a donné lieu à une ordonnance mettant un terme aux expulsions de vendeurs ambulants, auxquelles devaient procéder les forces de défense du Zimbabwe et l’organe suprême de sécurité de l’État, le Commandement des opérations conjointes.

Cette décision a apporté un moment de répit aux 20.000 vendeurs ambulants de Harare.

Ils avaient initialement reçu un ultimatum de sept jours pour quitter les rues mais le délai a été reporté au 26 juin.

« Ils doivent nous donner une alternative, ou nous tuer », dit à Equal Times Philemon Mashava, un jeune homme âgé de 33 ans.

« C’est la vente ambulante qui me fait vivre. C’est ce qui me permet de payer les frais de scolarité de mes enfants. Et aussi de payer mon loyer ».

Malgré la promesse de créer 2,2 millions d’emplois faite au moment de la campagne qui a précédé les élections contestées de 2013, le parti au pouvoir Zanu-PF n’a pas encore réussi à trouver de solution au taux élevé de chômage de longue durée, qui a contraint des milliers de travailleurs du Zimbabwe à se tourner vers l’économie informelle.

Douglas Shumbayawonda, vice-président du syndicat des vendeurs ambulants National Vendors Union of Zimbabwe (NAVUZ), qui compte environ 8000 membres inscrits, explique qu’en obligeant les vendeurs à quitter les rues de la ville, le gouvernement ne fait qu’exacerber le problème au lieu de lutter contre les causes qui en sont à l’origine.

Les autorités locales ont créé des espaces de vente pour 6000 vendeurs ambulants dans le centre de Harare mais les défenseurs des vendeurs affirment que ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport au nombre de places qu’il faudrait en réalité.

En outre, le coût de ces emplacements, entre 1 USD et 8 USD par jour, est trop élevé pour la plupart des vendeurs.

Cette somme vient en effet s’ajouter à celle qu’exigent les « magnats de la vente » pour la protection des vendeurs.

« Toutes les places désignées sont déjà occupées par les ’magnats de la vente’ qui utilisent leur pouvoir politique pour escroquer les vendeurs en leur demandant de l’argent, en plus de ce qu’ils doivent déjà payer à la municipalité. Nous gagnons un salaire dérisoire et nous ne pouvons pas payer deux fois ces droits de place », déclare Shumbayawonda.

Il plaide en faveur d’un profond changement au niveau politique, au lieu de l’approche conflictuelle adoptée par le gouvernement à l’égard du processus de formalisation de l’économie informelle.

Toutefois, il craint que ce soit le contraire qui se produise.

« Il apparaît que le gouvernement essaie d’éliminer le secteur informel à un moment où notre économie est dans une situation particulièrement grave. Le syndicat des vendeurs ambulants aura beau trouver toutes sortes de stratégies, tant que les responsables politiques garderont cet état d’esprit, les problèmes perdureront. »

« En grande majorité, nous ne sommes pas vendeurs par choix, mais par nécessité », poursuit-il.

« Aucun d’entre nous ne refuserait un emploi dans le secteur formel s’il avait la possibilité d’en obtenir un. Nous sommes travailleurs et ingénieux. Il faut nous donner la chance de mener notre propre vie ».

Il précise que l’afflux de vendeurs ambulants dans les rues est révélateur d’un problème de l’économie du pays et que le recours à l’armée n’est pas une solution.

« Nous savons que les soldats sont entraînés pour le combat. Si on appelle l’armée, il n’y a plus de dialogue, plus de consultation, seulement de la violence », ajoute Shumbayawonda.

D’après Wisborn Malaya, le secrétaire général de la Zimbabwe Chamber of the Informal Economy Association (Association de la Chambre de l’économie informelle du Zimbabwe – ZCIEA), le moment est venu d’adopter une approche holistique de cette question.

« Le gouvernement doit dialoguer avec les acteurs concernés pour discuter de ces questions et trouver une formule gagnante qui avantage tout le monde. Les personnes qui travaillent dans l’économie informelle, pas uniquement les vendeurs ambulants mais aussi les personnes qui dirigent des petites entreprises, ont besoin de capitaux pour transformer leur commerce en mini-industrie », indique-t-il.

Malaya estime que cela faciliterait la régularisation du secteur informel, tout en profitant au gouvernement, grâce au recouvrement d’impôts qui en découlerait.