Guinée équatoriale : l’investissement ne mettra pas fin aux violations des droits humains

Opinions

Mars 2015 fut un mois particulièrement marqué par les violations des droits humains en Guinée équatoriale.

Le 17 mars, les forces de sécurité du gouvernement ont arrêté Guillermo Nguema Ela.

Guillermo est un dirigeant politique de l’opposition, membre du parti Fuerza Demócrata Republicana (Force démocrate républicaine), dans un pays où un seul homme contrôle le processus politique, qui obéit au parti politique au pouvoir et qui a été créé pour apaiser les critiques de l’Occident.

Le gouvernement n’ayant pas donné d’explications sur l’arrestation de Guillermo, de nombreuses personnes en ont conclu que le motif était purement politique.

Après son arrestation, il a été transféré de force dans son village près de la ville de Mongomo, à l’est de la Guinée équatoriale, où il lui a été ordonné de rester pour une durée indéterminée.

Deux jours plus tard, le militant politique Luis Nzo a été arrêté à son tour parce qu’il avait protesté contre la détention illégale de Nguema.

Luis a été arrêté alors qu’il distribuait pacifiquement des tracts en exprimant son opinion avec un mégaphone. Des témoins ont rapporté que les policiers ont frappé Luis suite à son refus de cesser son action de protestation.

Il a ensuite été poussé dans une voiture de police et détenu, avant d’être conduit dans son village, non loin de Mongomo, où on lui a intimé l’ordre de rester.

Ni Guillermo ni Luis n’ont été accusés officiellement d’avoir commis un délit. Toutefois, ils sont confinés dans leurs villages respectifs.

Une semaine plus tard, 56 étudiants d’université ont été arrêtés également pendant qu’ils manifestaient dans le calme contre la répartition injuste de bourses d’étudiants, jugées par ailleurs insuffisantes.

La police a commencé par lancer des gaz lacrymogènes sur les étudiants, puis c’est avec violence qu’elle a tenté de mettre un terme à la manifestation. Les étudiants arrêtés ont été emprisonnés pendant 12 jours sans être accusés du moindre délit. Cinq jeunes non étudiants – dont quatre âgés de 18 à 23 ans et un autre de 13 ans seulement – ont également été arrêtés à leur domicile.

Il était reproché au garçon de 13 ans d’avoir filmé sur son portable les arrestations de plusieurs des quatre jeunes. Même après la libération des 56 étudiants, les cinq jeunes non étudiants, y compris le garçon de 13 ans, sont restés en détention pendant deux semaines sans être inculpés.

 

Mépris total des droits humains et non-respect du droit

Cette série d’arrestations illégales est certes scandaleuse, mais la détention arbitraire de personnes qui exercent leur liberté d’expression, d’association et de réunion est monnaie courante en Guinée équatoriale, petit pays pétrolier d’Afrique subsaharienne.

D’après les estimations, en janvier 2015, les réserves de pétrole brut du pays s’élevaient à 1,1 milliard de barils, en plus des autres ressources naturelles du pays, telles que le bois.

Non seulement ces arrestations bafouent les normes de droits humains les plus élémentaires, mais elles enfreignent en outre le droit équatoguinéen.

En effet, le droit de Guinée équatoriale prévoit que les détenus soient présentés à un juge dans les 72 heures suivant leur arrestation. Le juge décide alors soit de « légaliser » la détention, soit d’ordonner la libération.

Il existe peu d’éléments d’information permettant d’indiquer que cette obligation est effectivement respectée, notamment dans les cas d’arrestations pour des motifs politiques.

Certains cas de détention arbitraire sont particulièrement graves. Prenons l’exemple de l’enseignant Agustin Esono Nsogo, qui a été arrêté en octobre 2012 simplement parce qu’il est de la famille du fondateur d’un des deux partis politiques de l’opposition de Guinée équatoriale.

Agustin a été emprisonné jusqu’en février 2014 sans jamais être jugé ni accusé de quelque délit que ce soit.

Les restrictions à la liberté de mouvement, comme celles qui ont été imposées à Guillermo et Luis, sont des sanctions fréquemment utilisées contre les Équatoguinéens, vraisemblablement pour les éloigner de toute activité politique, tout en fournissant une excuse pour une prochaine arrestation.

En mai 2013, la police a arrêté Clara Nsegue Eyi, également connue sous le surnom de « Lola », alors quelle adressait une requête pour faire reconnaître son parti avant les élections législatives du pays.

Lola a été transférée à Mongomo, placée dans un établissement de détention pendant deux semaines sans être inculpée, puis elle a été libérée, avec l’obligation de rester à Mongomo, bien qu’elle réside à Malabo.

Au bout de deux semaines, Lola a décidé de rentrer chez elle. Là, elle a été arrêtée pour infraction à l’ordre de rester à Mongomo. Elle a été emprisonnée de mi-juillet à mi-octobre 2013 sans être accusée d’aucun délit.

Les personnes qui essaient de dénoncer les violations des droits humains en Guinée équatoriale sont elles aussi harcelées ou arrêtées. L’avocat Ponciano Mbomio a critiqué le gouvernement en signalant que son client était simplement poursuivi pour des raisons politiques.

Il a été suspendu et n’a pu exercer son métier d’avocat pendant deux ans. En outre, le système judiciaire de Guinée équatoriale n’est pas indépendant ; les juges expliquent en effet qu’ils doivent consulter la présidence avant de prendre leurs décisions, ce qui signifie que les victimes de ces violations des droits humains n’ont aucun recours en justice possible.

 

L’investissement n’apportera pas de changement

Le président Obiang, qui gouverne le pays depuis 1979, détourne les rentrées d’argent issues des ressources naturelles de son pays pour s’enrichir, lui-même et les membres de sa famille, en dépit des lois qui stipulent que les ressources naturelles du pays appartiennent au public et non à des individus.

En Guinée équatoriale, bien que le PIB par habitant s’élève à 32.026 USD, le citoyen équatoguinéen moyen vit dans une grande misère, sans accès à l’eau potable ni à l’assainissement. La plupart des habitants de la capitale vivent dans des taudis.

Obiang dilapide la majeure partie des recettes du pétrole du pays pour financer des projets prestigieux destinés à donner une bonne image de lui sur la scène mondiale.

Un exemple en est Sipopo, un luxueux complexe hôtelier construit non loin de la capitale, qui a coûté plus de 830 millions USD, pour accueillir le Sommet de l’Union africaine de 2011. La grande majorité des Équatoguinéens sont trop pauvres pour passer ne serait-ce qu’une nuit à l’hôtel cinq étoiles de ce complexe.

Dans ce contexte de corruption systématique, de gaspillage des richesses nationales et de manque total de respect des droits humains et de la règle de droit, la promesse récente de la Chine d’investir deux milliards USD dans les infrastructures de Guinée équatoriale risque de ne pas produire d’améliorations significatives en termes de développement économique durable ou en faveur du bien-être de la plupart des Équatoguinéens.

Tant qu’il ne sera pas possible de demander au gouvernement de Guinée équatoriale de rendre des comptes, les violations des droits humains perdureront.

La Chine reconnaît ouvertement qu’elle n’a pas l’intention de s’ingérer dans les politiques nationales d’un pays dans lequel elle investit.

L’investissement dans un pays qui bafoue de manière évidente les droits humains de ses citoyens et qui pille les richesses issues de ses ressources naturelles donne carte blanche à Obiang pour continuer de profiter des ressources de son pays et d’opprimer ceux qui s’élèvent contre lui.