Le Mexique ne respecte pas la convention sur les droits des jeunes

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Au Mexique, où lors d’une naissance sur six les mères sont des adolescentes, les récentes politiques concernant la jeunesse pourraient à première vue sembler proactives : dorénavant les jeunes peuvent recevoir des conseils en matière de santé sexuelle et reproductive, de méthodes contraceptives, de maladies sexuellement transmissibles, et même obtenir une pilule du lendemain.

Où est le problème, alors ? C’est qu’ils doivent être accompagnés de leurs parents.

Dans ce pays traditionnellement catholique, avec un gouvernement conservateur, cette disposition n’aurait rien de très surprenant si ce n’est qu’il y a presque dix ans le Mexique a signé la Convention ibéro-américaine relative aux droits des jeunes (CIDJ), entrée en vigueur en 2008. Or, le gouvernement mexicain est l’un des dix gouvernements à ne pas l’avoir encore ratifiée.

La CIDJ reconnaît les adolescents et jeunes de 15 à 24 ans comme des sujets de droits, capables d’agir de manière responsable. Diverses ONG demandent au gouvernement du président Enrique Peña Nieto d’en tenir compte dans ses politiques, y compris dans la nouvelle loi adoptée l’année dernière.

« La réglementation apporte un changement significatif en reconnaissant que les jeunes sont des sujets de droits », a déclaré à Equal Times Regina Tamés, directrice du Groupe d’information sur la reproduction choisie (GIRE).

« Un volet entier d’interprétation de cette loi affirme que s’il s’agit de jeunes de moins de 18 ans, ils doivent être accompagnés à tout moment d’un adulte ; or, cela n’est pas le cas puisque certaines décisions incombent aux jeunes », affirme-t-elle.

Cette spécialiste indique que la convention, signée le 11 octobre 2005 à Badajoz (Espagne), constitue un « changement de paradigme » en reconnaissant à cette tranche de la population la « capacité de prendre des décisions ».

L’entrée en vigueur de la norme NOM-047 est entourée de polémiques. En juillet 2014, le ministère de la Santé a publié le projet de norme au journal officiel, suite à quoi il a reçu durant deux mois des commentaires publics.

Par la suite, le gouvernement et les organisations de la société civile ont procédé à un échange de vues sur le document, puis ont convenu d’une version finale qui devait être publiée intégralement.

Le 12 août 2015, le ministère a rendue publique la Réglementation, publication en vertu de laquelle celle-ci entrait en vigueur. Néanmoins, son contenu était en contradiction avec ce qui avait été convenu avec les ONG. L’élément le plus controversé est celui qui conditionne la prestation de services de santé sexuelle et reproductive à la présence des parents ou tuteurs légaux au cours de l’entretien.

C’est pourquoi le GIRE a saisi le ministère de la Fonction publique afin qu’il détermine pourquoi le document publié est différent de celui ayant fait l’objet du consensus, et à qui il faut en imputer la responsabilité.

Le gouvernement a publié un éclaircissement le 18 septembre, et promis de diffuser un texte amendé.

 

Taux de natalité élevé

Le Mexique compte 122 millions d’habitants, dont 31 millions de jeunes d’entre 15 et 29 ans, soit un quart de la population totale. Les ONG estiment qu’il convient de prendre en considération les pratiques sociales de cette population lorsque l’on formule des politiques.

L’enquête nationale de 2012 en matière de santé et de nutrition a signalé que chez les jeunes de 12 à 19 ans ayant une vie sexuelle, près de 15 % des hommes et 33 % des femmes n’avaient utilisé aucune contraception lors de leur premier rapport. Cette lacune explique le nombre élevé de grossesses chez les adolescentes.

C’est une des raisons pour lesquelles Nayeli Yoval, présidente de l’ONG Elige - Red de Jóvenes por los Derechos Sexuales y Reproductivos(Choisis – Réseau de jeunes en faveur des droits sexuels et reproductifs) critique le gouvernement mexicain pour ne pas avoir ratifié la CIDJ.

« C’est le seul instrument international qui reconnaisse que les jeunes sont des sujets de droit. Mais il y a une véritable crainte au sein de notre gouvernement à les reconnaître comme tels, alors qu’il devrait se doter de meilleurs éléments pour l’application de politiques publiques à l’intention des jeunes », affirme Yoval à Equal Times.

La CIDJ engage les États à garantir les droits inscrits dans la Convention, tels que le droit à la paix, à une vie sans violence, à la liberté et la sécurité personnelles, à la non-discrimination, à la justice, à l’éducation et à la protection contre les abus sexuels.

Felipe Calderón (à la tête d’un gouvernement conservateur de 2006 à 2012) a refusé d’adhérer à la convention en raison du service militaire obligatoire au Mexique, du travail de mineurs de moins de 15 ans, et de la mention des droits sexuels et reproductifs.

Enrique Peña Nieto, son successeur lui aussi conservateur, n’a pas non plus accepté de ratifier le traité malgré l’insistance du Sénat mexicain.

Les défenseurs de la convention évoquent une autre raison de la ratifier: la lutte contre la violence domestique. Les résultats de l’enquête nationale sur la dynamique relationnelle au sein des ménages indiquent que 45 % des femmes adolescentes mariées ou habitant avec leur compagnon ont déclaré avoir subi au moins un incident de violence de la part de leur partenaire actuel.

Pourtant, le Mexique est l’un des dix pays latino-américains qui n’ont pas encore ratifié la convention. D’autres ne l’ont même pas signée : l’Argentine, la Colombie, El Salvador, le Chili et le Brésil.

Entre 2006 et 2008, la République dominicaine, l’Équateur, le Honduras, l’Espagne, le Costa Rica, l’Uruguay et la Bolivie ont ratifié la convention, ce qui a permis son entrée en vigueur.

« Bien que le Mexique ait généralement fait partie des consensus internationaux, certains groupes sont convaincus que les mineurs n’ont pas la capacité de prendre des décisions », commente Tamés. « J’ignore quels intérêts cela recouvre. La convention renforcerait la prise de décision des jeunes. On dit toujours qu’ils sont l’avenir, mais dès qu’il s’agit de garantir leurs droits, on a la main qui tremble. »

 

This article has been translated from Spanish.