Des enseignants mexicains défient les balles et la prison pour s’opposer aux réformes de l’éducation

News

Le dimanche 19 juin, des manifestants ont bloqué une autoroute – une forme courante de protestation dans l’état du sud du Mexique d’Oaxaca – après que le gouvernement fédéral a arrêté des responsables du syndicat d’enseignants de l’état. La police, lourdement armée, a alors tiré sur des enseignants, des étudiants, des parents et des militants, faisant neuf morts et de nombreux blessés.

Estos hechos se desencadenaron una semana antes, cuando Rubén Núñez, presidente de la oaxaqueña Sección 22 del Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación (SNTE) y líder nacional de la Coordinadora Nacional de Trabajadores de la Educación (CNTE o la Coordinadora, un grupo dentro del SNTE fundado a finales de la década de 1970), fue detenido en la Ciudad de México cuando salía de una reunión. A continuación le metieron en un avión y le encerraron en una prisión federal de alta seguridad en Hermosillo (estado de Sonora), a miles de kilómetros de distancia al norte.

Nochixtlán, la ville où le massacre a eu lieu, est depuis devenue le symbole de la résistance des enseignants mexicains contre la réforme de l’éducation. Aux États-Unis, des éducateurs ont rapidement réagi pour soutenir leurs collègues mexicains en condamnant les attaques et en réclamant la remise en liberté des syndicalistes emprisonnés.

Tous ces événements ont débuté une semaine auparavant, lorsque Rubén Núñez, responsable de la Section 22 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE) et dirigeant national de la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE ou Coordinadora, un groupe au sein du SNTE né à la fin des années 1970), a été arrêté en quittant une réunion à Mexico. Il a alors été emmené à des milliers de kilomètres au nord, à Hermosillo dans l’état de Sonora, dans une prison fédérale de haute sécurité. Quelques heures plus tôt, le même sort avait été réservé à Francisco Villalobos, le dirigeant adjoint du syndicat.

Tous les deux ont rejoint Aciel Sibaja, le secrétaire financier de la Section 22, sous les verrous dans la même prison depuis de 14 avril.

Les dirigeants syndicaux sont accusés d’avoir accepté des cotisations volontaires des enseignants d’Oaxaca. L’année dernière, la Section 22 a dû récolter les cotisations syndicales en liquide, car les autorités fédérales avaient non seulement bloqué les comptes de l’organisation, mais également les comptes bancaires personnels de ses responsables. Le gouvernement a estimé que les cotisations ainsi recueillies étaient des « fonds de sources illicites ».

Cinq autres dirigeants syndicaux sont emprisonnés depuis le mois d’octobre. Luis Hernández Navarro, un ancien enseignant et aujourd’hui éditorialiste au quotidien de Mexico, La Jornada, les appelle « les otages ».

« Leur détention est non seulement un avertissement de ce qui pourrait advenir aux autres enseignants qui continuent de rejeter la réforme de l’éducation [du gouvernement fédéral], mais aussi une vengeance visant à démobiliser le mouvement. »

Le 19 mai, le ministre de l’Éducation, Aurelio Nuño Mayer, a annoncé qu’il allait renvoyer 4100 enseignants de la CNTE des états bastions d’Oaxaca, de Guerrero, du Chiapas et de Michoacán parce qu’ils n’avaient pas travaillé pendant les jours où ils étaient en grève.

L’une des dispositions de la réforme de l’éducation du gouvernement fédéral qui ne passe pas exige que les enseignants subissent des tests pour évaluer leurs qualifications. Ceux qui n’obtiendraient pas une note suffisante seraient renvoyés. Des milliers d’enseignants ont refusé de passer les examens.

Plus tôt, le 22 mars, Aurelio Nuño Mayer a présenté une mesure qui sonnerait le glas du système national d’écoles de formation des enseignants, les écoles normales. Depuis la révolution mexicaine (1910-1920), les écoles normales sont le moyen pour des enfants de familles pauvres de la campagne et de familles d’enseignants de devenir des éducateurs formés.

Il y a deux ans, l’école normale de Guerrero, à Ayotzinapa, a subi une attaque à la suite de laquelle 43 étudiants ont disparu et sont supposés morts, incident qui ne cesse d’animer les conversations au Mexique.

L’état d’Oaxaca est devenu la cible de la répression parce qu’il y a six ans, la Section 22 a proposé une autre réforme qui se concentre sur le respect de la culture autochtone et sur l’établissement d’alliances entre les enseignants, les étudiants, les parents et leurs communautés. Depuis plusieurs années, le syndicat se sert de sa force politique pour mettre en œuvre son programme, plutôt que celui du gouvernement fédéral.

Des observateurs, comme Navarro du journal La Jornada, pensent que le gouvernement fédéral estime qu’il faut qu’il vienne à bout de la Section 22 pour parvenir à faire accepter sa réforme de l’éducation.

 

Protestations de solidarité

Après le tollé général que les tirs de Nochixtlán ont provoqué, les manifestations contre la réforme fédérale de l’éducation se sont pourtant propagées dans tout le pays. À Mexico, une manifestation organisée par le parti de gauche MORENA (Movimiento Regeneración Nacional), dirigé par l’ancien maire Andrés Manuel López Obrador, a rassemblé plus de 100.000 personnes. Dans plusieurs états, des autoroutes ont été bloquées.

Des protestations ont aussi été organisées par des enseignants aux États-Unis, notamment des piquets devant les consulats mexicains de Los Angeles, de San Francisco et de Chicago. Une déclaration lue par Rita Blanc, présidente de l’United Educators of San Francisco, a annoncé une campagne en vue de convaincre le Congrès américain de suspendre l’aide militaire apportée au Mexique « tant que le gouvernement ne mettra pas un terme à ces infractions massives aux droits humains et du travail ».

À Chicago, des manifestants du Chicago Teachers Union ont réalisé une vidéo dans laquelle ils scandent « Nous sommes tous Oaxaca ! ».

Des protestations officielles et des appels à la libération des enseignants détenus ont aussi été émis par Josh Pechthalt, président de la California Federation of Teachers, par Eric Heins, président de la California Teachers Association, et par Lorretta Johnson, trésorière de l’American Federation of Teachers (AFT). Josh Pechthalt a demandé aux sections syndicales locales de Californie de rejoindre les manifestations et d’écrire au président mexicain, Enrique Peña Nieto.

« Nous subissons les mêmes attaques », leur a-t-il dit. « Les mêmes intérêts commerciaux dans nos deux pays cherchent à privatiser l’éducation publique, à affaiblir nos capacités à fonctionner en tant qu’éducateurs professionnels et socialement responsables, et à en finir avec nos droits de s’unir, de négocier collectivement et d’agir. »

Au Mexique, l’administration de Peña Nieto a été obligée d’entamer des négociations avec la CNTE, mais a annoncé qu’aucun changement de son programme de réforme de l’éducation ne serait à l’ordre du jour. Enrique Enriquez Ibarra, responsable du syndicat des enseignants de Mexico, a répondu en disant que les enseignants ne désarmeraient pas et continueraient d’élaborer un autre plan démocratique d’éducation.

Les manifestations et les grèves devraient se poursuivre, a-t-il ajouté, « jusqu’à ce que tous nos collègues renvoyés retrouvent leur emploi, que leurs salaires perdus soient versés et que nos comptes bancaires soient débloqués ».

Des trains à destination du port principal de Michoacán, Lázaro Cárdenas, ont été bloqués et le gouverneur de l’état a alors accepté de rencontrer la CNTE. Des autoroutes vers et sortant de la capitale de l’état du Chiapas, Tuxtla Gutiérrez, de la capitale de l’état de Guerrero, Chilpancingo, et de celle de l’état de Tabasco, Villahermosa, ont aussi été bloquées.

Amanda, une mère de Tuxtla Gutiérrez, a déclaré à La Jornada que : « L’une de nos principales missions en tant que parents est aujourd’hui de protéger les écoles publiques alors que les enseignants font grève. » D’autres parents réclament l’annulation des frais de scolarité et l’abandon de la réforme du gouvernement.

Alors que les protestations se font de plus en plus fortes, le secrétariat de l’éducation publique a annoncé le 10 juillet qu’il interrompait le processus de licenciement des milliers d’enseignants. Le 16 juillet, lors d’une journée nationale de protestation, les Sections 7 et 40 du SNTE au Chiapas, ont occupé des stations de radio et de télévision pour informer le public des raisons qui les poussent à s’opposer à la réforme fédérale de l’éducation et pour condamner les tirs de Nochixtlán. Le même jour, des défilés ont eu lieu dans les états de Puebla, de Jalisco, d’Hidalgo et de Mexico.

Finalement, deux des enseignants emprisonnés, Aciel Sibaja et Roberto Abel Jimenez, ont été relâchés vers la mi-juillet et, même s’ils sont toujours derrière les barreaux, Rubén Núñez et Francisco Villalobos, ont été confirmés respectivement comme secrétaire général et secrétaire pour l’organisation de la Section 22 lors de la conférence mensuelle du syndicat.

« Si les récents dialogues entre la CNTE et le ministère de l’Intérieur sont prometteurs », a écrit Lorretta Johnson de l’AFT dans sa lettre destinée à l’Ambassadeur du Mexique aux États-Unis, « leur légitimité s’amoindrit à mesure que la détention de ces dirigeants se prolonge ».