Brésil : les travailleurs de mines souffrent encore suite à la rupture d’une digue

Pendant que le monde entier a les yeux rivés sur les Jeux olympiques 2016 de Rio, dans d’autres régions du Brésil les populations minières se battent pour faire face aux problèmes économiques et sociaux dus à la plus importante catastrophe environnementale de l’histoire du pays, survenue il y a neuf mois.

L’incertitude subsiste quant aux emplois, aux maisons et à l’avenir des collectivités de l’État du Minas Gerais, au sud-est du Brésil, suite au tragique effondrement de la digue de retenue des résidus de la mine de fer de l’entreprise Samarco Mineração SA, l’année dernière.

L’entreprise en difficulté – une joint-venture entre les multinationales du secteur minier BHP-Billiton et Vale – a fait part de son projet de réduire la main-d’œuvre de 40 % et, malgré le récent plan de sauvetage financier dont elle a bénéficié, le doute persiste sur ses activités en cours, le logement des employés et l’avenir de la région, qui dépend fortement des revenus issus de l’exploitation minière.

Le 5 novembre 2015, la digue de retenue des résidus de Fundão et le barrage de Santarém, sur le site de la société Samarco, ont cédé, provoquant des dégâts catastrophiques : l’inondation de boue chargée en fer a coûté la vie à 19 personnes, plusieurs villes ont été détruites et 700 personnes ont perdu leur maison, ce qui a soulevé l’indignation à travers le Brésil et au niveau international.

Environ 2,8 millions de mètres cubes de résidus boueux contenant des métaux lourds, parmi lesquels de l’arsenic, du plomb et du mercure, ont pollué des centaines de kilomètres de rivières des États du Minas Gerais et d’Espirito Santo. Des coulées boueuses toxiques de couleur brune ont ensuite afflué vers l’océan atlantique, ce qui a contraint les autorités à fermer des plages du littoral.

Au début de l’année, des documents internes qui ont été divulgués ont révélé que l’entreprise Samarco avait été avertie de la possibilité d’une rupture des digues, indique le Wall Street Journal, après de graves problèmes structurels, notamment des fissures.

Samarco et ses propriétaires, l’anglo-australien BHP et le géant brésilien Vale, sont aujourd’hui engagés dans de multiples batailles juridiques au sujet de l’indemnisation et des opérations de nettoyage.

L’agence Reuters signale que des procureurs fédéraux du Brésil ont lancé une enquête le mois dernier sur les délits qu’aurait commis le directeur général de Samarco, Roberto Carvalho. Les procureurs affirment que Samarco n’a pas pleinement respecté les mesures de précaution d’urgence ordonnées par Ibama, l’agence de protection de l’environnement du Brésil.

Entre-temps, les médias brésiliens locaux ont fait savoir que la police de l’État du Minas Gerais avait recommandé de déposer une plainte pour homicide contre six cadres de Samarco et un sous-traitant.

 

Une action en justice de plusieurs milliards de dollars

Au début de l’année, BHP et Vale s’étaient entendus avec le gouvernement brésilien sur un accord d’indemnisation environnemental et économique, mais un tribunal a suspendu cette entente par la suite, ce qui a redonné la possibilité d’intenter une action publique en justice de 6,2 milliards USD pour demander réparation. En outre, en mai dernier, les procureurs brésiliens ont engagé des poursuites au civil pour obtenir une indemnisation de 44 milliards USD au titre du préjudice social, environnemental et économique.

BHP et Vale, qui n’ont initialement apporté aucune assistance financière à Samarco, ont récemment annoncé un plan de sauvetage au profit de l’entreprise en difficulté, dont les activités avaient été suspendues depuis la catastrophe. Cette décision a fait suite à une récente déclaration de BHP, selon laquelle l’entreprise ne redémarrerait pas cette année, compte tenu des suppressions d’emplois imminentes.

« Samarco contribue largement à l’économie nationale et fait vivre des milliers de personnes, mais l’entreprise ne rouvrira ses portes que lorsque tout danger sera écarté, et quand les autorités et les collectivités concernées auront approuvé et accepté toutes les autorisations réglementaires », précisait la déclaration.

Toutefois, les militants estiment que, dans la mesure où l’État du Minas Gerais est historiquement tributaire des revenus assurés par l’exploitation jadis extrêmement rentable des mines de Samarco, les multinationales doivent faire plus pour la région.

D’après Brian Kohler, le directeur de la santé, de la sécurité et de la durabilité pour la fédération syndicale internationale IndustriALL, BHP et Vale ont trahi les mineurs et leurs communautés.

« Cette catastrophe illustre le manquement persistant des compagnies minières à assumer leurs responsabilités à l’égard des travailleurs, ajoute Kohler.

En effet, les entreprises ont la responsabilité pendant leur bref mandat de se préoccuper de leurs employés, de l’environnement et des personnes qui en dépendent ».

« Des gens sont morts, d’autres ont perdu leurs biens, des écosystèmes ont subi des préjudices incalculables et, comme si cela ne suffisait pas, les travailleurs ont perdu leur emploi. Les sociétés minières peuvent faire mieux, elles le doivent ».

Militante en faveur du climat et de l’énergie pour Greenpeace Brésil, Fabiana Alves s’interroge sur la décision relative à l’indemnisation et aux dommages, étant donné qu’au moins 260 familles déplacées vivent toujours dans des maisons louées par Samarco.

Les médias locaux ont déjà signalé que plus de la moitié des responsables politiques qui siègent dans les commissions parlementaires chargées d’enquêter sur le rôle de BHP et de Vale dans la catastrophe ont reçu au moins 800 millions USD de dons politiques de la part d’entreprises en lien avec Vale.

« L’accord avec les autorités fédérales et le gouvernement de l’État du Minas Gerais a été passé sans que les personnes concernées par la catastrophe ni les maires des villes touchées n’aient leur mot à dire », explique Alves.

« L’accord a été suspendu par la Cour fédérale de justice mais il n’y a pas de décision finale sur la manière d’y mettre fin. Les mouvements et les organisations non gouvernementales essaient désormais de lutter contre cet accord et en demandent un nouveau, avec la participation de la société civile ».