Épidémie de typhoïde au Zimbabwe: les travailleurs informels réfutent les accusations

Épidémie de typhoïde au Zimbabwe: les travailleurs informels réfutent les accusations

Harare’s 10,000-odd street vendors have been told they must stop selling food in the streets in a bid to curb a recent typhoid outbreak. But with no alternative way of making a living, many are defying the ban.

(Sharleen Mohammed)
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Des vendeurs de rue à Harare, la capitale du Zimbabwe, bravent une interdiction imposée sur leurs activités par le gouvernement suite à une récente épidémie de typhoïde dans le pays.

Depuis que le premier cas a été signalé en décembre, deux personnes sont mortes et des centaines d’autres ont été atteintes par la fièvre typhoïde, une infection bactérienne potentiellement mortelle et hautement contagieuse qui se contracte en mangeant ou en buvant des aliments ou de l’eau contaminés par les fèces d’une personne infectée.

En réponse, le 10 janvier, une commission interministérielle – réunissant en son sein le ministère de la Santé et de l’Enfance, le ministère de l’Environnement et du Tourisme, le ministère du Gouvernement local et le ministère des Petites et Moyennes – a interdit la vente de nourriture dans la rue, pour tenter d’enrayer la contagion.

« Nous sommes conscients de la vive réaction que cela provoquera au sein de la communauté des petits commerçants mais nous avons pris ces mesures dans l’intérêt public », a déclaré Josephine Ncube, secrétaire de mairie par intérim auprès du conseil municipal d’Harare dans une interview pour la chaîne d’information sud-africaine eNCA.

Dans un pays où les taux de chômage déjà extrêmement élevés ne font qu’augmenter, l’interdiction du commerce de rue est considérée par ses détracteurs comme une démarche qui va à l’encontre du peuple et qui vise en réalité à punir la population d’Harare pour son soutien au parti d’opposition – le Mouvement pour le changement démocratique (Movement for Democratic Change Zimbabwe) – aux élections municipales.

Rien qu’à Harare, le nombre de vendeurs de rue est estimé à 10.000. Malgré l’interdiction, la plupart d’entre eux ont continué à vendre leurs produits, au risque de voir leur marchandise saisie et détruite. Les vendeurs évitent à présent les quartiers à forte présence policière du centre-ville ou concentrent leurs activités en dehors des heures d’ouverture.

Le 19 janvier, la Vendors Initiative for Social and Economic Transformation (VISET), une ONG qui défend les droits des petits commerçants, a contesté l’interdiction devant le Tribunal de grande instance du Zimbabwe.

Les commerçants de rue en appellent au gouvernement à créer du travail décent pour les vendeurs informels avant de les bannir des rues. Ils ont aussi accusé le gouvernement de manquer de s’attaquer aux causes profondes de la récente épidémie, comme les canalisations bloquées qui provoquent le débordement des eaux d’égout dans la rue ou encore les ordures non ramassées.

Garikai Zvasara, un vendeur ambulant du centre d’Harare, a confié lors d’un entretien avec Equal Times qu’il continuerait à vendre de la nourriture dans la rue jusqu’au jour où le gouvernement lui offrirait une alternative viable.

« Plutôt mourir que vivre pour voir ma famille croupir dans la misère à cause d’un gouvernement insensible qui veut faire souffrir son peuple pour ses propres erreurs. Je suis prêt à me battre contre eux jusqu’au bout car ils ne nous offrent pas d’autres moyens d’existence », a affirmé Zvasara.

 

Créez plus d’emplois – ne détruisez pas notre gagne-pain

Interviewée par Equal Times, la présidente de la Zimbabwe Chamber of Informal Economy Associations (ZCIEA), Lorraine Sibanda, a indiqué que le gouvernement devrait se garder de politiser ce qui est essentiellement une crise qu’il a lui-même engendrée.

« Il n’est pas possible d’éradiquer les vendeurs de rue. Ils continueront à gagner leur vie de la vente ambulante car le gouvernement était là quand les entreprises ont fermé et c’est lui qui a instauré les politiques qui ont chassé les investisseurs étrangers », a-t-elle indiqué.

Elle a ajouté que la commission interministérielle était « aveugle » à la dégradation des services publics et la négligence environnementale qui a conduit à la récente épidémie de typhoïde.

« Ils se contentent de voir les vendeurs ambulants comme des éléments nuisibles pour la santé et leur vision élitiste de la vie au Zimbabwe. Mais les vendeurs de rue et tous les autres travailleurs de l’économie informelle ne sont pas des criminels ; il s’agit de citoyens zimbabwéens à part entière qui gagnent leur vie honnêtement dans une économie ravagée, criblée de chômage », a-t-elle affirmé.

Un sentiment qui est partagé par la Combined Harare Residents Association (CHRA), dans un communiqué qui appelle les autorités municipales à s’attaquer aux causes profondes de l’épidémie de typhoïde au lieu de se concentrer sur des mesures purement cosmétiques comme celle consistant à débarrasser la ville de ses vendeurs ambulants.

« L’eau impropre à la consommation et la dégradation des services d’assainissement et d’hygiène sont parmi les principaux vecteurs de la typhoïde et requièrent une attention urgente si l’on tient à contenir l’épidémie de typhoïde. La situation à Harare est exacerbée par le fait qu’au fil des ans, les résidents se sont vus confrontés à un approvisionnement en eau erratique, alors que le service de ramassage des ordures est largement défaillant », indique le communiqué.

Pour sa part, le Civil Society Health Emergency Response Coordinating Committee (CSHERCC) a indiqué que le gouvernement n’avait pas fait assez pour contenir la contagion de la typhoïde depuis que le premier cas a été signalé en décembre.

Le porte-parole du CSHERCC, Dr Evans Masitara, qui est également président de la Zimbabwe Association of Doctors for Human Rights, reconnait que son organisation n’encourage pas, pour des raisons sanitaires, la vente de nourriture dans la rue, mais insiste que les vendeurs n’étaient pas responsables de l’épidémie de typhoïde.

« Il faut se garder de faire des amalgames. La vente de viande et d’autres aliments représente bien un problème sanitaire mais il ne s’agit certainement pas d’un vecteur de l’épidémie de typhoïde », a-t-il dit.

« Le problème doit dès lors être entendu en termes d’un échec systématique de l’État, à travers le gouvernement central, à s’attaquer résolument à un problème connu. La nature récurrente des épidémies de typhoïde et d’autres maladies véhiculées par l’eau est le résultat d’un échec de l’État, à travers le gouvernement central et les autorités locales, à se préparer adéquatement et à anticiper une épidémie à chaque saison », a-t-il indiqué.