Manquant de livrer les résultats promis, Macri maintient l’austérité et trouve des « coupables »

Manquant de livrer les résultats promis, Macri maintient l'austérité et trouve des « coupables »

The first year of Macrismo has, undeniably, meant sacrifices. Unemployment increased to 8.5 per cent following a wave of dismissals in the public sector. Job insecurity also rose: 43 per cent of people fear for their jobs. And inequality too: the richest earn an average of 26.5 times more than the poorest. In this image taken on 14 July 2016, protesters rally against the public service hike ("tarifazo").

(AP/Victor R. Caivano)

Le président Mauricio Macri a clôturé la première année de son mandat avec des résultats contraires à ceux annoncés – au lendemain de son investiture – et un remaniement ministériel qui ne modifie en rien la politique d’ajustement.

Les avis concernant cette administration sont partagés : Alors que Macri, se livrant à un exercice d’autoévaluation, s’est accordé une cote de 8 sur 10 pour sa première année, les Argentins qui évaluent négativement son administration sont pratiquement deux fois plus nombreux que ceux qui la jugent favorablement. D’autre part, selon un récent sondage pour le quotidien Clarín, 51,6% des Argentins dénoncent l’inaccomplissement des promesses de campagne.

La récession et l’inflation combinées, qui atteignaient leurs niveaux les plus élevés depuis 2003, demandaient à ce que des « coupables » soient désignés : Au gouvernement, c’étaient les responsables les moins attachés à l’ « austérité ». Alfonso Prat-Gay fut limogé du ministère des Finances et du Budget et Isela Constantini de la direction d’Aerolineas Argentinas, tous deux critiqués par le gouvernement pour « ne pas travailler en équipe » et leur « gradualisme » à l’heure de procéder aux ajustements ; ils sont aussi tous deux implicitement présentés comme responsables du manque de résultats.

L’attribution des blâmes n’a pas épargné les responsables de l’administration antérieure, pour l’ « héritage reçu » - dont l’administration Macri, au moment de son investiture, proposait de dresser l’inventaire, sans toutefois passer à l’acte-, ni la population immigrée.

 

Bilan économique de la première année du de l’administration Macri

Dans une administration divisée entre plusieurs ministres, le problème ne semble pas tenir du ministre sortant : La stratégie de son portefeuille n’a pratiquement pas été modifiée. Prat-Gay est un économiste chevronné dont le prestige tient principalement au rôle qu’il a joué à la tête de la Banque centrale, où il assuma les commandes du sauvetage du système de change, monétaire et financier au lendemain de la crise de 2001, et où son hétérodoxie modérée lui a permis de naviguer dans les eaux du gouvernement de Néstor Kirchner.

Sous l’administration Macri, Prat-Gay a conduit avec succès la négociation de l’accord avec les fonds « vautours » sur le défaut de paiement, a rapidement démantelé le redouté contrôle des changes, sans provoquer de ruées (dévaluations importantes sur les marchés) contre le peso argentin ; il a aussi mis en œuvre une amnistie fiscale record sur les capitaux (pratique polémique qui a été appliquée aux fins de recouvrer une partie des ressources immenses qui ne sont pas déclarées au fisc, leur accordant d’importantes exemptions ainsi que des conditions avantageuses pour qu’ils déclarent à compter de l’amnistie).

Depuis l’opposition, l’ex-ministre de l’économie Axel Kicillof a accusé le gouvernement de ne pas respecter les prévisions et les promesses : « Ils ont annoncé une inflation de 20-25% et on est, à présent, à 45% : une croissance de 1% et on a reculé de 2-3%. Puis il était question de zéro licenciements, or on dépasse les 200.000 ». Kicillof met en cause les politiques d’ajustement, et non l’inflation et la dévaluation réprimée à la fin de sa direction.

En effet, la première année du macrisme a imposé des sacrifices au pays. Le chômage a grimpé à 8,5% suite à une vague de licenciements dans le secteur public. La précarité de l’emploi a augmenté : 43% des personnes craignent de perdre leur emploi. L’inégalité aussi: Les plus riches gagnent en moyenne 26,5 fois plus que les plus pauvres.

En Argentine, pays où 32% de la population est pauvre, le gouvernement a manqué à sa promesse d’atteindre l’objectif de « zéro pauvreté » et a même imposé son véto à la Loi contre les licenciements (Ley Antidespidos) sanctionnée par le Congrès.

Pour 2017, il annonce une flexibilisation de l’emploi et le gel de l’emploi public. D’après l’ONG Chequeado, seulement 10% des promesses de campagne de Macri ont été tenues alors que 25% d’entre elles ont été notoirement irréalisées.

 

Les politiques appliquées : Comment en est-on arrivé là

Les mesures les plus polémiques ont inclus des augmentations des tarifs des services publics, de l’énergie et du transport. Ces augmentations, de jusqu’à 400%, (mais aussi, selon diverses publications, le fait qu’il se fût servi de ses fonctions au bénéfice de la filiale argentine de la compagnie pétrolière Shell, dont il fut le président) ont valu au ministre de l’Énergie, Juan José Aranguren, de figurer sur la liste des fonctionnaires les plus impopulaires.

La politique anti-inflationniste du ministre de la Production, Francisco Cabrera, a, elle aussi, manqué de convaincre : La dévaluation s’est traduite par une hausse des prix d’entre 60 et 100%.

L’élimination ou la réduction des taxes sur les exportations minières et agroalimentaires a moins retenu l’attention. Cette taxe représentait l’une des principales sources de revenus fiscaux et réduisait les prix internes des produits affectés.

Les compagnies minières et les consortiums agro-exportateurs ont aussi été favorisés par une dévaluation qui, à l’heure actuelle, est proche de 70%.

Depuis l’hétérodoxie – version locale de la « pensée économique progressiste » -, un rapport de l’ADG responsabilise l’orthodoxie (néolibéralisme) en soutenant que suite au « tarifazo (augmentation massive des tarifs des services publics) et à la dévaluation, le gouvernement a impulsé un ajustement des dépenses et de l’emploi publics (…et…) une politique monétaire anti-inflationniste (…) dans un contexte de récession, en réponse à une inflation qui, dans une grande mesure, n’était pas d’origine fiscale, ni monétaire. Le résultat : La stagflation, une anomalie pour l’orthodoxie, qui insiste à produire des recettes inadéquates pour ce scénario ».

L’ajustement a-t-il, néanmoins, contribué à rendre la croissance future plus atteignable et durable ? L’effet inverse semble s’être produit : Le déficit du compte courant a augmenté de 35%, alors que le déficit fiscal a atteint 5% du PIB. L’endettement enregistre, lui aussi, des niveaux records depuis la crise.

 

Les solutions de Macri

Suite aux élections américaines, on a vu resurgir « la question étrangère », au milieu du malaise autour du chômage et de l’insécurité. On a vu proliférer les rumeurs concernant le « coût » imposé par les migrants au système éducatif et à la santé publique, l’« accaparement » par ces migrants des emplois des Argentins et leur propension au délit.

Quand bien même les immigrés représentent à peine 5% de la population carcérale et 4,8% de la population totale, et qu’environ 1300 sont expulsés annuellement pour leurs antécédents judiciaires, le gouvernement a entrepris une réforme des lois migratoires qui vise à traiter de la façon la plus expéditive les procédures d’extradition des délinquants. La ministre de la Sécurité a parlé de « Paraguayens ou Péruviens qui finissent par s’entretuer pour le contrôle de la drogue ».

Cependant, une chose que le gouvernement ne modifie pas c’est l’orientation économique.

Après le tarifazo de 2016, les tarifs augmenteront à nouveau, de 68% jusqu’à mars. Et de nouveau en novembre. Pour certains hétérodoxes, l’aggravation de la macroéconomie serait le reflet d’un agenda néolibéral redoublé d’un surplus d’ajustements, de privatisations et de dérégulation, justifiés par une situation fiscale et financière compromettante.

Du côté des orthodoxes, Marina Dal Poggetto, pronostique des « avancées significatives dans les travaux publics au premier semestre ». Le second semestre verra la tenue d’élections parlementaires que le gouvernement devra traverser sans compromettre sa position législative déjà minoritaire. Cependant, pour d’autres, comme José Luis Espert, 2017 sera une bonne année, « tant 2016 a été mauvaise. L’Argentine ne fera que récupérer ce qu’elle a perdu ».

Avant le nouveau tarifazo, le FMI avait réduit d’un cinquième sa prévision de croissance pour 2017. Reste à voir quel sera l’effet de cette nouvelle pression sur la consommation et la production. Macri est optimiste : « L’Argentine reste le pays qui affiche le plus fort potentiel de croissance. »

De l’autre côté de la « brèche » – appellation populaire de la division profonde aux traits d’intolérance qui séparait les progressistes des conservateurs au temps du kirchnérisme –, il est présagé que la croissance continue de relever du domaine du « possible » plutôt que du « réel », si l’ajustement persiste.

La brèche parait loin d’être refermée.

 

This article has been translated from Spanish.