Les gouvernements ont les outils, à présent ils doivent parvenir à un accord international sur l’esclavage moderne

L’esclavage moderne est partout. De la construction de stades pour la Coupe du monde FIFA au Qatar aux plantations de coton de l’Ouzbékistan, des fermes d’élevage du Paraguay aux exploitations agricoles italiennes, des ateliers de misère au Brésil et en Argentine, aux cueilleurs de baies en Suède. Les chaînes de production de vêtements, aliments et services consommés à travers le monde sont entachées de travail forcé.

Le nombre de travailleurs en conditions de travail forcé ne cesse de croître. Le rapport Estimation mondiale de l’esclavage moderne 2017 publié récemment par l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Walk Free Foundation, en partenariat avec l’Organisation internationale des migrations (OIM), montre que 89 millions de personnes ont été sujettes à des conditions d’esclavage moderne au cours des cinq dernières années.

Aucune entreprise qui se respecte ne tient à ce que sa chaîne d’approvisionnement soit associée au fléau du travail forcé. Aucun gouvernement qui se respecte ne veut voir des criminels se livrer à une traite des personnes à des fins d’exploitation dans des conditions inhumaines sur son territoire. Tous les travailleurs veulent une vie digne, le respect et la liberté. Or le problème de l’esclavage moderne ne cesse de s’étendre. Et pas uniquement dans les pays communément associés à un recours débridé aux pratiques de l’esclavage moderne, comme par exemple ceux où l’État de droit est faible ou où la corruption est endémique.

L’indice mondial de l’esclavage moderne 2017 préparé par le bureau de conseil Verisk Maplecroft, relève une hausse du risque d’esclavage moderne dans 20 pays membres de l’UE. Les pays et les entreprises ne peuvent rester passifs devant un enjeu à ce point prégnant.

Le mois dernier, la Confédération syndicale internationale (CSI) et le Business & Human Rights Resource Centre (BHRCC) ont publié un rapport intitulé, en anglais, Modern slavery in company operations and supply chains: mandatory transparency, mandatory due diligence and public procurement due diligence. Ce rapport met en exergue la législation phare relative à l’obligation de de transparence, à l’obligation de diligence raisonnable et aux incitations en matière de passation de marchés publics destinées à encourager les entreprises à mettre en œuvre des mesures contre l’esclavage moderne dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Des gouvernements individuels sont en train d’élaborer des outils puissants pour l’éradication de l’esclavage moderne, quoique de manière non coordonnée. À l’heure actuelle, les textes de loi nationaux ne sont forts que dans certaines parties et les principales entreprises commencent à craindre un « embrouillamini » de législations nationales incohérentes, chacune assortie d’obligations bien spécifiques en termes d’information. Les victimes de la traite et de l’esclavage seront mieux servies si les gouvernements partageant une même vision s’unissent pour conjuguer les meilleurs aspects de leurs textes de loi et incitations, afin de créer une norme harmonisée et élevée pour leurs législations nationales.

Il suffit, par exemple, de mettre côte à côte la Loi britannique sur l’esclavage moderne et la Loi néerlandaise sur le travail des enfants pour se rendre compte à quel point la législation sur cette problématique peut varier en fonction de si une approche de transparence obligatoire ou une approche de diligence raisonnable est appliquée. L’article de la Modern Slavery Act relatif à la transparence dans les chaînes d’approvisionnement oblige les entreprises à publier des rapports annuels concernant les mesures prises pour s’attaquer aux risques d’esclavage moderne mais n’oblige pas explicitement les entreprises à prendre des mesures actives.

Cette condition s’applique à toutes les entreprises ayant des activités en Grande-Bretagne, indépendamment du pays où est basé le siège social de l’entreprise, et est donc de portée globale. En revanche, la Loi néerlandaise sur le travail des enfants ne s’applique qu’aux entreprises enregistrées aux Pays-Bas et oblige celles-ci à activement élaborer et mettre en pratique un plan de diligence raisonnable pour combattre le recours au travail des enfants. Les entreprises sont aussi tenues de publier une déclaration de diligence raisonnable, bien que celle-ci ne doive être présentée qu’une seule fois plutôt qu’annuellement.

Les entreprises ont besoin d’une orientation claire et commune de ce que les lois nationales leur exigent. À moins d’être harmonisées, elles perdront en grande partie leur pouvoir de mettre au ban les trafiquants criminels, quant aux entreprises, elles décrieront les contraintes fastidieuses et diverses imposées par les différents gouvernements.

Notre rapport présente aux gouvernements une voie claire pour parvenir à une harmonisation des législations nationales, de la réglementation et des incitations aux entreprises. Le Protocole de l’OIT relatif à la Convention sur le travail forcé présente, pour sa part, un cadre juridique solide sur lequel baser ces efforts. Ensemble, ils fournissent aux entreprises des règles du jeu équitables au niveau international, qui faciliteraient leurs efforts visant à l’éradication de l’esclavage moderne, tant dans leurs propres activités qu’au niveau de leurs chaînes d’approvisionnement.