Iran – Arabie saoudite, duel au soleil

Iran – Arabie saoudite, duel au soleil

Internally, Iran has overcome the pressure of sanctions, although the damage they caused did force it to sit at the negotiating table, resulting in the June 2015 nuclear agreement. In this photo, the UN Security Council meets in New York to discuss the Iranian nuclear programme and possible sanctions on 24 March 2015.

(UN Photo/Loey Felipe)

Aujourd’hui, pour l’Arabie saoudite, l’Iran est l’incarnation de tous les maux. Ce qui conduit Riyad, soucieux de rester à la tête de l’islam sunnite, non seulement à utiliser tous les moyens à sa disposition pour neutraliser l’émergence de son voisin comme potentiel leader régional, mais aussi pour encourager Washington à faire de même et même à s’aligner sur Tel-Aviv, qui considère le régime des ayatollahs comme une menace directe pour sa sécurité. Pour sa part, Téhéran — qui a réussi à préserver son régime révolutionnaire controversé pendant 38 ans et qui a renforcé son influence au Moyen-Orient de manière remarquable — a tendance à porter son regard au-delà de Riyad, qu’elle ne considère que comme un acteur faible sous la protection du bouclier protecteur des États-Unis.

Mais cela n’a pas toujours été le cas, puisque jusqu’en 1979, les deux pays entretenaient des relations normales et se distinguaient comme de fidèles alliés de Washington dans la région. Jusqu’alors, le shah Reza Pahlavi avait constitué un rempart pro-occidental solide, au même titre que les représentants de la Maison de Saoud qui s’efforçaient de maintenir en vigueur l’accord de 1945 entre le président Franklin D. Roosevelt et le roi Abdelaziz Al Saoud.

Révolution et riposte

Tout changea, comme on le sait, avec l’arrivée en scène de l’ayatollah Rouhollah Khomeini à la tête d’une révolution qui instaura le régime du velayat-e-faqih en Iran, tout en annonçant son intention d’étendre ce modèle au monde musulman tout entier et de définir l’Occident (les États-Unis en premier lieu) comme le « grand Satan » à expulser de la région. Une telle révolution supposait la remise en question frontale d’un statu quo qui avait permis, à la fois le maintien de régimes aussi sinistres que les Saoudiens et le reste des monarchies du Golfe qualifiées de « corrompues », et la défense des intérêts géostratégiques de Washington, allié aux autres capitales occidentales.

La riposte immédiate de Washington consista à se tourner vers l’Irak et à faire de Saddam Hussein son nouvel allié et sa principale arme pour contrecarrer les desseins de Khomeini. Non seulement la première guerre du Golfe (1980-1988) ne parvint pas à atteindre son but, mais elle finit par renforcer le pouvoir d’un nouveau monstre, Hussein lui-même, qui, en août 1990, envahit le Koweït, aggravant ainsi une instabilité qui persiste jusqu’à aujourd’hui.

Pendant ce temps, Riyad a réuni ses voisins, par ailleurs faibles, et créé le Conseil de coopération du Golfe (CCG, 1981) en guise de front uni, simplement en raison de sa soumission plus ou moins forcée à l’Arabie saoudite et de l’intérêt de chacun d’entre eux à empêcher Téhéran de devenir à terme la puissance hégémonique régionale. Pour leur part, les États-Unis faisaient adopter des séries successives de sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU contre celui qui s’était déjà converti en paria international, tant pour son ingérence dans les affaires de ses voisins que pour son inquiétant programme nucléaire.

L’intention, à peine dissimulée, était (et est toujours) de provoquer la chute du régime, en le noyant économiquement jusqu’à ce que la frustration des citoyens finisse par provoquer son effondrement.

Entre-temps, l’option militaire perdait du poids du fait que Washington était convaincu qu’il ne pourrait pas ouvrir un troisième front dans la région après l’échec de ses campagnes militaires en Afghanistan et en Irak. Pour sa part, Israël n’avait pas d’autre choix que d’admettre son incapacité à se lancer seul dans une tâche qui dépassait ses moyens et l’Arabie saoudite constatait avec désarroi comment ses revendications visant à neutraliser son rival non seulement n’avaient aucune résonance à la Maison-Blanche, mais aboutissaient même à un accord nucléaire qui permettait à l’Iran de revenir sur la scène internationale.

Riyad mieux protégé, Téhéran plus résilient

Malgré l’hostilité de l’environnement dans lequel il évolue, il est évident que le régime iranien a réussi à résister à la pression et à garder son cap, aussi bien en évitant son effondrement qu’en rivalisant ouvertement pour accéder au leadership régional. Sur le plan interne, l’Iran a pu surmonter les dures sanctions, même s’il est vrai que les dommages subis l’ont forcé à s’asseoir à la table des négociations qui ont abouti à l’accord sur le nucléaire de juin 2015.

Avec une résilience enviable, et avec la répression interne à laquelle il a eu recours chaque fois qu’il l’a jugé nécessaire, au fil des années, le régime a réussi à maintenir sa propre population sous contrôle et à se doter d’une capacité militaire remarquable, y compris un puissant arsenal de missiles et les Pasdaran (Corps des Gardiens de la révolution islamique) qui ont amplement démontré leur haut niveau de compétences opérationnelles, en plus de mettre en marche un programme nucléaire controversé (actuellement suspendu, mais pas éliminé).

Dans le même temps, conscient du fait qu’il était la cible d’adversaires aussi puissants, il s’est efforcé de créer d’importantes mesures de rétorsion pour dissuader ceux qui veulent sa perte. L’Iran estime qu’il s’agit là de la meilleure ligne de défense à sa disposition contre l’Arabie saoudite et le reste de ses adversaires.

C’est de cette manière qu’il convient de comprendre son désir de profiter de l’affinité religieuse chiite et des situations de marginalisation de groupes oubliés par ses dirigeants au Liban (en soutenant le Hezbollah), en Syrie (en pariant sur le régime alaouite de Bachar el-Assad), en Irak (en se rapprochant des Arabes chiites qui représentent plus de 60 % de la population), au Yémen (en soutenant la minorité Huzi), dans la bande de Gaza (en s’associant au Hamas, bien que son profil religieux soit sunnite) et même en Arabie saoudite elle-même et à Bahreïn (où sont implantées des populations chiites marginalisées).

La stabilité régionale en question

Dans tous les cas, il n’y a aucune garantie que le pays tire son épingle du jeu de ce pari où les adversaires souhaitant neutraliser leur rébellion sont nombreux. Washington, en premier lieu, qui a déjà clairement indiqué lors du premier voyage à l’étranger du président Donald Trump (mai 2017) qu’il transférait à Riyad la tâche de restaurer et de maintenir la stabilité régionale, confirmant sa volonté de continuer à armer son allié et les autres membres du CCG, tout en détournant le regard face aux violations des droits de l’homme ou du droit international qui pourraient être commises. Ce message a été renforcé, le 8 mai, par la dénonciation de l’accord nucléaire susmentionné, ouvrant la voie à une escalade des tensions qui pourrait bien entraîner de nouvelles flambées de violence.

Pour sa part, Riyad, sous la direction de Mohammed ben Salmane, en qualité de prince héritier et ministre de la Défense, en profite rapidement pour consolider sa position de leader sur le front anti-iranien. C’est dans cette optique que l’idée d’une « OTAN islamique », basée sur le Bouclier de la péninsule créé en 1984 par le CCG, reprend de la vigueur.

L’exercice militaire conjoint « Gulf Shield 1 », qui s’est déroulé dans la province orientale du pays du 21 mars au 16 avril, en constitue un bon exemple. Il a réuni plus de 20 pays, dont un petit contingent en provenance du Qatar. De son côté, Tel-Aviv ose déjà attaquer directement des cibles iraniennes situées en Syrie, cherchant une réaction iranienne excessive qui justifierait une attaque à grande échelle.

Malgré le duel qui oppose Riyad et Téhéran, les deux adversaires tentent d’éviter la confrontation directe. Les deux pays préfèrent plutôt agir par interposition et en gérant leurs alliés locaux dans les divers scénarios de tension dans le cadre desquels leurs intérêts divergent. Dans la situation actuelle, Riyad est beaucoup plus protégé, que ce soit par Washington, les autres pays du CCG ou même Tel-Aviv. Bien que Téhéran soit davantage désemparé, et ce, même si Moscou s’en rapproche de plus en plus, il dispose d’une plus grande puissance militaire, de ressources humaines considérables et d’une volonté ferme de résister, tel qu’il le démontre depuis des décennies. Le dénouement de cette concurrence est encore loin.

This article has been translated from Spanish.