Malgré sa nouvelle rhétorique, le FMI promeut encore des politiques qui ont échoué

Un évènement intitulé « La table ronde des économistes en chef : Comme faire en sorte que la croissance économique bénéficie au plus grand nombre ? » n’est pas précisément la première chose qui vient à l’esprit quand on pense au Fonds monétaire international (FMI).

Pourtant, au cours des dernières réunions de printemps en avril, la directrice générale, Christine Lagarde, et l’économiste en chef du FMI ont discuté du fait qu’il convient de s’attaquer d’urgence à la hausse de la répartition inégale des revenus et la nécessité de mettre en place des politiques redistributives. Pendant que le personnel du FMI à Washington exprimait son inquiétude concernant les inégalités, en Équateur, en Argentine et en Tunisie, la population descendait dans la rue pour dénoncer les politiques d’austérité hostiles aux travailleurs que leurs gouvernements instaurent dans le cadre des programmes du FMI.

Dans les années 1980 et 1990, alors qu’une série de crises d’endettement frappaient les pays en voie de développement, le FMI a prêté de l’argent à ces derniers dans le cadre de ce qu’il avait appelé les programmes d’ajustement structurel (PAS).

Ces programmes, qui font désormais partie de ce que l’on appelle le « consensus de Washington », ont activement promu un programme de libéralisation, de déréglementation et de privatisation, accompagné de coupes draconiennes dans les dépenses sociales.

Les PAS protégeaient les créanciers et ont ouvert la porte aux corporations multinationales afin qu’elles puissent faire des affaires dans ces pays, alors que les populations étaient les premières à souffrir de ces ajustements. Étant donné que la croissance et le développement promis comme résultat de ces programmes ne se sont jamais matérialisés, le FMI a lentement perdu une partie de son influence. Les pénibles souvenirs des coûts sociaux qui ont découlé des PAS ont contribué à l’extrême impopularité du FMI en tant qu’institution.

Ces dernières années, le FMI a consenti des efforts considérables en vue de repositionner et créer l’image d’une institution se souciant de la croissance inclusive et des indicateurs sociaux. Le département de recherche du FMI a consacré un temps et un espace considérables à la question des inégalités croissantes. Il s’agissait notamment de recherches qui montraient que la consolidation fiscale et la libéralisation des mouvements de capitaux — des politiques au cœur des programmes du FMI — accentuent la répartition inégale des revenus.

Le Fonds a également examiné l’effet des politiques de marché du travail qu’il promeut et leur contribution à la baisse de la part des revenus que représente le travail.

Pourtant, alors même que son département de recherche se penche sur des questions relatives à la façon de promouvoir à la fois la croissance et l’inclusion, les programmes de prêts du Fonds n’ont pas intégré ces préoccupations.

Dans la foulée de la crise financière de 2008, le FMI a resurgi sur la scène mondiale en tant qu’acteur majeur. Le FMI a arrêté d’utiliser le nom « PAS », mais la structure des conditions de prêt du FMI et les exigences politiques sont restées très similaires, l’échec des programmes précédents ayant été pratiquement oublié.

Pour couronner le tout, le FMI continue de sous-estimer l’ampleur des récessions causées par les politiques d’austérité qu’il promeut, celles-ci prolongeant les crises économiques et alourdissant la dette à mesure que les économies se contractent.

En Équateur, les mêmes politiques délétères du passé

Le récent accord de prêt que le FMI a conclu avec l’Équateur affiche les mêmes caractéristiques qu’un programme d’ajustement structurel. Il exige des coupes draconiennes dans les dépenses publiques ciblant directement les employés du secteur public, ainsi qu’une série de réformes institutionnelles néolibérales.

Le programme continue d’imposer des politiques qui ont échoué et qui, selon le département de recherche du FMI, accroissent les inégalités et se traduisent par des coûts sociaux élevés.

Pour s’aligner sur la nouvelle image du FMI, le programme comprend désormais un plancher pour les dépenses sociales, ainsi qu’une modeste augmentation des dépenses dans le domaine des aides sociales au cours de la première année. Toutefois, ce plancher des dépenses, qui fixe un montant minimum du budget qu’il convient d’allouer aux programmes d’aides sociales, est fixé à un niveau très bas, qui ne pourra probablement pas permettre de faire face aux besoins accrus qui se manifesteront en Équateur du fait de la récession.

Le cas de l’Argentine, pays qui a conclu un accord avec le FMI à l’été 2018, a déjà démontré que les planchers des dépenses sociales étaient inadéquats. À mesure que la crise économique a continué de s’aggraver pendant toute la durée du programme, la pauvreté en Argentine a grimpé en flèche, passant de 25,7 % vers la mi-2017 à 32 % à la fin 2018 ; un bond stupéfiant de 6,3 %.

L’Argentine sert également d’exemple de l’échec des programmes d’austérité du FMI, dont les projections de croissance ont dû être ajustées à la baisse de plus de 3 % pour une seule année, trois mois à peine après la signature de l’accord initial.

Une étude approfondie de l’ensemble des prêts du FMI approuvés en 2016 et 2017 a révélé que sur un total de 26 programmes, 23 ont imposé des mesures d’austérité. Le nombre de conditions associées aux prêts continue également d’augmenter. De surcroît, l’étude a mis en relief le caractère inadéquat des planchers de dépenses sociales qui ne permettent pas d’assurer un financement suffisant, même pour la fourniture de soins de santé de base.

Le FMI a changé sa rhétorique sur les inégalités et l’inclusion sociale, mais ses interventions continuent d’imposer les mêmes politiques délétères du passé. Bien que certaines mesures symboliques aient été adoptées sur la manière d’opérationnaliser la recherche sur les inégalités, elles n’ont pas encore été intégrées dans les accords de prêt.

Si le FMI se soucie réellement d’une croissance qui profite « au plus grand nombre », il doit renoncer à promouvoir des politiques qui, à maintes reprises, ont fait du tort aux travailleurs.