Koen Timmers : « Avec créativité, esprit critique et collaboration, les étudiants peuvent agir directement sur le climat »

Koen Timmers : « Avec créativité, esprit critique et collaboration, les étudiants peuvent agir directement sur le climat »

Koen Timmers is a Belgian educator, researcher and speaker who is trying to tackle climate change through climate action – in the classroom.

(Boumediene Belbachir)

Cet automne, pour la quatrième année consécutive, près de 10 millions d’enseignants et d’élèves dans plus de 100 pays se mobiliseront autour d’un même objectif – aider les jeunes à trouver des solutions au défi climatique par le biais de l’éducation.

Grâce au Climate Action Project – un programme d’apprentissage virtuel gratuit de six semaines qui vise à encourager un changement de comportement par l’éducation, tout en donnant vie à l’Objectif de développement durable n°13 de lutte contre les changements climatiques au niveau de la salle de classe – les élèves de six à 22 ans interagiront en ligne avec les éducateurs qui les aideront à explorer, à réfléchir, à discuter, à résoudre des problèmes et à partager des solutions sur le changement climatique.

Les enseignants inscrits seront orientés tout au long du programme (disponible en 15 langues) par une équipe de facilitateurs composée d’éducateurs bénévoles du monde entier. Chaque semaine, les élèves exploreront un problème différent avant de publier sur le site Internet du projet de courtes vidéos dans lesquelles ils synthétiseront leurs conclusions.

L’objectif déclaré du projet est de permettre aux élèves d’être créatifs et de collaborer à l’échelle mondiale, tout en cultivant l’empathie, l’esprit critique et l’action urgente en faveur du climat. Parmi de nombreuses autres initiatives, les étudiants ont jusqu’à présent aidé à planter plus de 1,2 million d’arbres dans le cadre du projet PlantED. Cette année, le programme culminera avec un webinaire de cinq heures intitulé Climate Action Day (Journée d’action pour le climat). Cet événement se tient ce 5 novembre et réunira des leaders mondiaux, des experts comme l’éthologue Dr Jane Goodall et le naturaliste Sir David Attenborough, ainsi que des étudiants.

A l’occasion du lancement, Koen Timmers, l’un des deux coordinateurs, avec la professeure américaine Jennifer Willams, détaille ce projet pour Equal Times.

 

Comment les élèves et les enseignants peuvent-ils participer au Climate Action Project ?

Pour les enseignants, l’inscription est gratuite via le site Internet du Climate Action Project. Ils y recevront des indications pour les guider tout au long de ce parcours de six semaines. Ils seront personnellement orientés en 15 langues par des facilitateurs, ce qui leur permettra de poser des questions, de faire part de leurs préoccupations et de partager leurs meilleures pratiques. Les élèves, quant à eux, auront accès à un riche éventail d’activités. Ils pourront participer à #PlantED, notre initiative mondiale de plantation d’arbres, et pourront même envoyer un message sur Mars grâce à notre collaboration avec la NASA. Notre objectif est de faire vivre aux étudiants une expérience inoubliable, qui ne peut être égalée par les manuels scolaires.

Comment déployer un programme mondial pour les élèves et les éducateurs alors que les réalités sur le terrain sont si diverses ? Un jeune au Bangladesh n’est pas confronté aux mêmes impacts immédiats du changement climatique qu’un jeune en Allemagne.

Exactement. Il s’agit là d’un aspect important du projet. Nous passons constamment du local au mondial tout au long du programme. Dans ce parcours centré sur les élèves, ceux-ci sont amenés à découvrir les causes et les effets des changements climatiques au niveau local et à diffuser [ces connaissances] à leurs pairs des autres continents, notamment par le biais de courtes vidéos réalisées par leurs propres soins et d’échanges en direct via Internet. Les éducateurs se voient confier un nouveau rôle : plutôt que d’instruire, ils vont guider les élèves. Pour s’assurer qu’ils possèdent le bagage nécessaire et le contexte adéquat, une programmation de base [corédigée par le WWF International] a été élaborée, contenant toutes les informations requises. Au bout de quelques semaines, les élèves auront appris, de manière authentique, qu’au cours de ces dernières années, certains de leurs condisciples ont connu des ouragans, d’autres des inondations et d’autres encore des incendies de forêt, conséquence directe des changements climatiques. Le projet propose également des échanges interculturels qui sont essentiels dans un monde polarisé et en constante évolution.

Quel impact pensez-vous que l’action de personnes comme Greta Thunberg et de groupes comme Extinction Rebellion a eu sur la perception qu’ont les jeunes du changement climatique ?

Ils ont envoyé un signal important aux gouvernements, aux organisations, aux écoliers et aux étudiants, ainsi qu’à l’ensemble de la population. Les gens ont commencé à réaliser que quelque chose devait changer. Mais j’ai le sentiment que nous pouvons faire plus que nous mettre en grève. Chaque élève a le potentiel de faire bien plus que d’apprendre par cœur des théories sur le climat. En leur donnant les moyens de trouver eux-mêmes des solutions, nous faisons appel à des compétences très importantes comme la créativité, la résolution de problèmes, l’esprit critique et la collaboration, qui vont acquérir une importance croissante.

Et en partageant nos compétences à l’échelle mondiale, nous en profitons tous mutuellement. Ces dernières années, nous avons eu des étudiants qui ont trouvé des idées originales pour la fabrication de bio-plastiques, de voitures fonctionnant à l’énergie solaire et au sel ; ils ont commencé à se déplacer à vélo, 60 millions d’arbres ont été plantés, des étudiants ont même interpellé leur Premier ministre. Certaines de ces actions ont conduit à un changement direct, d’autres ont modifié les perceptions, toutes ont été significatives. En définitive, nous poursuivons le même objectif que Greta : changer le comportement des étudiants et les perceptions de la société face aux changements climatiques.

Des programmes comme Climate Action Project peuvent-ils avoir un impact politique au niveau national et international ?

Notre action a déjà porté ses fruits en Irlande, où les étudiants ont contribué à un changement national grâce à leur Green Dot Movement [campagne couronnée de succès des élèves irlandais visant à modifier l’étiquetage des emballages pour faciliter le recyclage des déchets]. Ils ont œuvré en collaboration avec le ministre de l’Environnement et ont été soutenus par leur président.

Au Portugal, le ministère de l’Éducation a envoyé une lettre à toutes les écoles en vue d’intégrer le programme [Climate Action Project] dans le cadre du programme d’études national. Cette année, nous avons coopéré avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement et les ministères de l’Éducation de 15 pays. Nous nous efforcerons de rendre l’éducation climatique obligatoire au niveau national et rédigerons un manifeste invitant les maires à s’engager dans la lutte contre les changements climatiques. Imaginez que 3.000 villes à travers le monde s’engagent à faire davantage et mieux ! C’est ce qui est au programme pour les prochaines semaines.

À la fin de l’année, les pays du monde entier publieront leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre des objectifs nationaux de l’Accord de Paris.

Existe-t-il un mécanisme garantissant que la voix des jeunes sera entendue ?

Il est difficile d’être pris au sérieux en tant qu’étudiant ou même qu’éducateur [lorsqu’il est question des politiques climatiques nationales]. L’expérience nous montre cependant que la création de partenariats, le soutien de personnalités publiques et d’experts et l’attention des médias contribuent à la réussite du projet. Il nous a fallu trois ans.

L’un des objectifs de ce projet est d’assurer l’institutionnalisation du changement climatique et de l’action environnementale dans le cadre des programmes d’études nationaux à travers le monde.

Comment les pays peuvent-ils y parvenir ?

À l’heure actuelle, un seul pays a rendu l’enseignement sur le thème du climat obligatoire : l’Italie. En premier lieu, cela exige de la part des gouvernements la volonté d’en reconnaître la nécessité. En second lieu, il s’agit de définir de quelle manière [le mettre en œuvre]. Il est important de disposer d’un programme d’études qui soit utilisable au niveau national. C’est pourquoi nous avons élaboré un document [voir la Programmation de base sur le changement climatique pour les éducateurs] qui ne requiert pas [pour y accéder] de participer au programme de six semaines, et qui contient des faits précis et vérifiés, validés par le WWF et de nombreux chercheurs.

Les écoliers avec lesquels vous travaillez ont eu des idées brillantes. Des élèves en Indonésie ont, par exemple, créé des éco-briques à partir de déchets plastiques, tandis que leurs camarades en Tanzanie ont inventé un chauffage à partir de bouteilles en plastique récupérées.

Est-il prévu d’aider les pays à adopter ces innovations à plus grande échelle ?

Amener les jeunes à proposer de nouveaux concepts, prototypes et même des inventions intéressantes est la partie la plus facile du processus : cela exige un bon professeur et des élèves qui soient prêts à fournir un effort supplémentaire. Leur dissémination fait partie intégrante du projet. En revanche, leur mise en pratique sur le terrain dans les pays qui ont réellement besoin de fours solaires, d’usines de biogaz et de briques écologiques est un défi qui suppose que différentes conditions soient réunies.

L’une d’elles est l’orientation et la formation à l’esprit d’entreprise. Cette année, nous proposerons une assistance dans ce domaine par l’intermédiaire d’un groupe d’experts, de stagiaires et d’organisations. Vient ensuite le financement. Dans la mesure où il s’agit d’un projet non financé, cela reste un point faible.

Où voyez-vous le Climate Action Project dans cinq ans ?

Dans cinq ans, nous espérons avoir inspiré le plus grand nombre possible d’étudiants et d’enseignants sur terre. Non seulement pour avoir créé un impact dans les salles de classe, mais aussi pour avoir apporté des changements significatifs au niveau national.