Pourquoi la sécurité commune revient à l’ordre du jour

L’année 2022 marquera le quarantième anniversaire du rapport innovant de la Commission Palme, qui a donné naissance au concept de « sécurité commune », dans un monde dominé par la Guerre froide et la doctrine de la « destruction mutuelle assurée », et par la menace existentielle d’un hiver nucléaire.

Olof Palme fut l’un de mes premiers héros. Alors premier ministre de la Suède, il incarnait la trépidante génération de sociaux-démocrates à laquelle appartenaient l’ancien chancelier allemand Willy Brandt, lauréat du prix Nobel de la paix, l’ancien premier ministre australien Bob Hawke, ou encore l’ancienne première ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland. La Commission Palme avait lancé le processus de dégel et de réduction des tensions qui allait inciter un combattant de la guerre froide, en la personne de l’ancien président américain Ronald Reagan, à conclure des accords fondamentaux avec le dirigeant soviétique réformateur Mikhaïl Gorbatchev au sujet du contrôle des armes.

Or, les promesses de l’époque n’ont pas été tenues. Les « dividendes de la paix » ont été dilapidés au profit de nouvelles armes, telles que les drones, et des nouveaux champs de bataille qu’offre l’espace. La Guerre froide a été remplacée par un « consensus de Washington » qui n’a demandé l’avis de personne, et la détente a cédé la place à un monde multipolaire et au terrorisme planétaire.

Pendant ce temps, les dépenses militaires à travers le monde ont avoisiné les 2.000 milliards de dollars US par an et « l’horloge de la fin du monde » s’est retrouvée à 100 secondes de minuit. Le moment est venu de freiner cet emballement.

Aujourd’hui, nous devons faire face à d’autres menaces plus existentielles que la guerre nucléaire, notamment le changement climatique et la multiplication des pandémies mondiales. La confiance à l’égard des responsables politiques, voire de la démocratie elle-même, a été réduite à néant par le néolibéralisme et la corruption, qui n’ont fait qu’exacerber les inégalités, le travail informel et les faibles salaires. Les droits humains et la justice sociale sont affaiblis et l’espace restant à la société civile s’amenuise dans de nombreuses régions du monde.

Nous devons réétudier la réflexion de la Commission Palme et rappeler les préceptes fondateurs de l’Organisation internationale du travail : il ne peut y avoir de paix sans justice sociale, ni de justice sociale sans paix.

Une approche de la paix redynamisée

L’idée selon laquelle personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas est à la base des recommandations du Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie que j’ai coprésidé l’année dernière, et c’était d’ailleurs une conclusion fondamentale de la Commission Palme. Aucun pays ne gagne en sécurité en menaçant ses voisins. Je suis ravie de faire partie de la Commission consultative pour la Sécurité commune 2022, qui prévoit d’actualiser et de redynamiser l’approche adoptée par Olof Palme, il y a quatre décennies.

Mise en place par le Centre international Olof Palme, par la Confédération syndicale internationale (CSI) et le Bureau international de la paix – la plus ancienne campagne mondiale pour la paix –, la Commission consultative examinera les questions essentielles telles que la nécessité de faire avancer les Objectifs de développement durable pour réduire les tensions mondiales dans le contexte de la reprise économique après la pandémie, ainsi que l’importance de garantir une transition juste au moment où le monde lutte contre le changement climatique.

Les membres qui siègent à la Commission consultative à mes côtés sont Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI, et Anna Fendley, la présidente du Comité de la jeunesse de la CSI, une des trois coprésidents du Comité de la jeunesse (dont aucun n’était né au moment de la publication du rapport de la Commission Palme).

Les autres membres qui nous rejoignent au sein de la Commission consultative sont Ouided Bouchamaoui, femme d’affaires tunisienne qui a reçu le prix Nobel de la paix pour son travail avec les syndicats et la société civile, ce qui a permis d’assurer une transition pacifique vers la démocratie dans son pays ; Jan Eliasson, ancien ministre suédois des Affaires étrangères et ancien vice-secrétaire général des Nations Unies ; des dirigeants de la société civile comme Kumi Naidoo, qui a été à la tête de Greenpeace et d’Amnesty International, et Sergio Duarte, président de Pugwash International, et d’autres membres provenant de Chine et du Japon.

Il ne s’agit pas d’un regroupement traditionnel de personnes puissantes. La Commission n’est pas conçue pour représenter les gouvernements. Elle interviendra peu et laissera la majeure partie de sa réflexion et de ses actes aux mains de la société civile. Le rôle des syndicats sera déterminant.

Mon pays, la Nouvelle-Zélande, est fier d’être l’un des premiers signataires du récent Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et d’occuper le devant de la scène avec le mouvement pour un monde sans armes nucléaires depuis plusieurs décennies.

Le courage et le pouvoir à tous les niveaux, du simple citoyen jusqu’aux plus hautes instances des gouvernements et des organisations internationales, sont nécessaires pour éviter la menace omniprésente d’une guerre nucléaire. Nous devons promouvoir des solutions pacifiques aux différences qui existent entre nous et unir nos énergies pour combattre les menaces communes auxquelles sont confrontés tous les peuples et toutes les nations.