Pas de contrats publics sans travail décent pour les travailleurs essentiels

La négociation collective est essentielle. Aussi, est-il grand temps de s’assurer que les travailleurs essentiels en bénéficient. Nous nous joignons à plus de 100 eurodéputés de différents partis pour demander que l’attribution de marchés publics aux entreprises soit subordonnée à la mise en œuvre de conventions collectives. Voici pourquoi.

Techniciens de surface, opérateurs de centres d’appel, prestataires de soins sous-traités, gardiens de sécurité : ils font partie des travailleurs essentiels qui ont permis à nos sociétés de fonctionner depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le moment est venu désormais de prendre les dispositions nécessaires pour que leurs conditions de travail répondent à des normes décentes.

Le manque de personnel dans les maisons de retraite et l’absence d’hygiène dans les écoles sont devenus des problèmes trop courants. Les contrats publics représentent une part importante du marché dans des secteurs tels que le nettoyage, la sécurité et les centres d’appel. Il n’est guère surprenant que ces mêmes secteurs, qui sont parmi les moins bien rémunérés et les plus précaires, soient également parmi les moins bien couverts par les négociations collectives.

À l’heure de décider à quelle entreprise attribuer un contrat, plus de la moitié des appels d’offres publics dans l’Union européenne ne prennent en compte que le prix. En l’occurrence, la qualité des prestations, les conditions de travail ou l’impact environnemental ne sont tout simplement pas pris en considération. Ainsi, les règles européennes en matière de marchés publics incitent nos entreprises à se livrer à une course vers le bas sur les conditions de travail. Les entreprises qui sont prêtes à réduire leurs coûts au détriment du travail décent sont, de fait, celles qui remportent les marchés publics. Les réductions portent sur les salaires et les conditions de travail des travailleurs, ce qui les place bien en deçà des salaires de subsistance ainsi que des niveaux appropries de dotation, soit en personnel, soit en équipements de santé et de sécurité. Ce n’est certainement pas le type de concurrence que nous devrions encourager.

La simple réalité est que pour fournir des services de qualité, les travailleurs essentiels ont besoin de bonnes conditions de travail. En définitive, c’est le public qui paie le prix d’une prestation de services de piètre qualité. Les bas salaires et la précarité des travailleurs essentiels sont le résultat direct des obstacles qui les empêchent de négocier collectivement. Lorsque les travailleurs ont leur mot à dire, ils s’en servent pour défendre leurs intérêts ainsi que ceux des communautés au sein desquelles ils vivent et fournissent leurs services.

Notre proposition visant à subordonner la passation des marchés publics à la négociation collective est en fait une solution gagnant-gagnant-gagnant. Nous savons que la négociation collective est le moyen le plus efficace d’améliorer les salaires et les conditions des travailleurs à long terme. Selon une étude récente, l’extension des négociations collectives permettrait de mettre 25 milliards d’euros supplémentaires par an dans la poche des travailleurs. Le fait que les travailleurs dépensent cet argent localement, au sein de leurs communautés, pourrait s’avérer déterminant pour revitaliser l’économie réelle en cette période cruciale.

Les marchés publics au niveau de l’UE se chiffrent à 2.000 milliards d’euros par an, soit 14 % du PIB. Nous ne pouvons pas laisser passer l’occasion d’utiliser l’argent public pour garantir un travail décent et des services de qualité. Pour cela, nous devons veiller à ce qu’un seuil de décence minimale soit garanti pour les travailleurs essentiels, en veillant à ce que les marchés publics ne soient attribués qu’aux entreprises ayant conclu des conventions collectives avec leurs travailleurs.