La Coupe du monde 2026 doit être l’occasion de montrer que les valeurs démocratiques sont meilleures que les pouvoirs autocrates

La FIFA a récemment annoncé, en réponse aux fans de football et aux groupes de défense des droits humains indignés par l’invasion brutale et non provoquée de l’Ukraine par la Russie, qu’elle suspendait la Russie de la Coupe du monde 2022. Tandis que les joueurs des États-Unis et du monde entier se préparent pour la Coupe du monde 2022 au Qatar, la FIFA doit améliorer son jeu lorsqu’il s’agit de fermer les yeux sur l’autoritarisme et le « blanchiment par le sport » des violations des droits humains.

Il est de plus en plus fréquent que les méga-événements sportifs internationaux s’associent à des régimes autoritaires, alors même que les travailleurs, les communautés locales et les groupes marginalisés en souffrent. Au Qatar, des milliers de travailleurs migrants sont morts au cours des préparatifs de la Coupe du monde 2022. Le gouvernement chinois a profité de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2022 pour faire un pied de nez à ceux qui le critiquent pour sa persécution bien documentée des populations ouïghoures. L’exploitation des travailleurs et des communautés locales a également entaché les Coupes du monde du Brésil et de Russie.

En 2026, les États-Unis, le Canada et le Mexique accueilleront la Coupe du monde de la FIFA. Ce sera une occasion cruciale pour qu’un groupe de démocraties établisse une nouvelle norme pour les méga-événements sportifs internationaux. Nos pays ont l’occasion de faire la démonstration de ce qui différencie les démocraties aux yeux d’un monde envahi d’autocraties enhardies. Pour ce faire, il conviendra de protéger les droits humains et de veiller à ce que les travailleurs et les communautés locales bénéficient réellement de la compétition. L’enjeu est de convaincre la FIFA de commencer à faire les choses d’une autre façon.

À ce jour, l’organisme qui régit ce sport a rechigné à prendre des mesures en ce sens, alors même qu’il approche de la fin du processus de sélection de la ville hôte du tournoi pour 2026. La FIFA a rejeté les appels lancés par notre coalition — composée de syndicats, de défenseurs des travailleurs et des immigrés, d’organisations de défense des droits humains et de groupes de supporters — en faveur de l’adoption d’un ensemble de critères minimaux concernant les principaux droits humains et les droits des travailleurs pour les villes hôtes potentielles et pour elle-même.

Même si la Coupe du monde 2026 ne se tiendra pas avant cinq ans, les engagements des villes hôtes en matière de droits humains sont en cours d’élaboration et de finalisation. La FIFA a exigé que les comités de candidature de chacune des 17 villes hôtes potentielles soumettent un plan en matière de droits humains. Si certains ont pris des mesures pour associer les parties prenantes du monde du droit du travail et des droits humains et intégrer leurs commentaires, d’autres ont négligé ou catégoriquement refusé de le faire. Cette incohérence et cette prise en compte inadéquate des parties prenantes sont la conséquence du fait que la FIFA n’a pas établi d’attentes et de critères clairs en matière de droit du travail et de droits humains.

Exiger des villes candidates qu’elles fournissent des plans en matière de droits humains sans fixer de critères minimaux clairs permet à la FIFA de s’intéresser aux droits humains du bout des lèvres tout en évitant de s’engager réellement à sélectionner des villes qui accordent la priorité aux droits humains. En conséquence, les villes candidates se livrent à un nivellement par le bas.

Au regard des plans en matière de droits humains soumis par les villes, il apparaît que nombre d’entre elles pensent pouvoir se contenter d’éviter la traite des êtres humains et le travail forcé. Mais les États-Unis, le Canada et le Mexique ne sont pas le Qatar : ces trois pays disposent de normes plus contraignantes grâce à leurs systèmes démocratiques et à leurs mouvements syndicaux organisés. Nous devons veiller à ce que la Coupe du monde 2026 en soit le reflet. Sinon, la FIFA et ses partenaires commerciaux profiteront des bas salaires, des conditions de travail dangereuses, de la discrimination raciale à l’embauche et à la promotion, de l’embourgeoisement et d’autres formes de développement inégal.

C’est pourquoi la FIFA doit adopter un ensemble de critères minimaux en matière de droits humains et de droits du travail pour ses propres opérations et exiger des villes qui accueillent les compétitions qu’elles s’engagent également à les respecter. Ces critères minimaux doivent notamment inclure (liste non exhaustive) : des salaires justes, de solides protections en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, une embauche locale ciblée, des limites concernant le travail temporaire, de solides mécanismes de contrôle et de mise en œuvre, des exigences relatives aux offres d’entrepreneurs responsables, des exigences visant à réduire les conflits sociaux et des accords permettant aux travailleurs de s’exprimer.

La balle est dans le camp de la FIFA. À moins qu’ils ne fixent explicitement des critères minimaux, tout est permis et la plupart des villes chercheront à rogner sur les coûts. Les incohérences entre les propositions des villes candidates sont le signe que la FIFA est, à nouveau, sur le point d’accorder moins d’importance aux droits humains et aux droits du travail lors de la Coupe du monde. Et si la FIFA ne prend pas elle-même les mesures nécessaires, les responsables politiques des États-Unis, du Canada et du Mexique devraient lui demander des comptes.

Le président Joe Biden a réagi à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en lançant un appel à agir aux démocraties et aux défenseurs des valeurs démocratiques du monde entier. Naturellement, les risques posés par un méga-événement sportif international ne sont pas les mêmes que ceux posés par un conflit armé. Mais de la même manière que la montée en puissance de Poutine et d’autres dirigeants autoritaires dans le monde les a vus tirer parti de la Coupe du monde pour démontrer et renforcer leur pouvoir d’influence, la mobilisation des démocraties en réponse à la menace croissante des régimes autocratiques devrait également s’accompagner d’efforts visant à tirer parti de la Coupe du monde pour montrer pourquoi les valeurs démocratiques sont meilleures.

Nous en avons l’occasion en 2026.