Le Pérou met fin à un projet aurifère suite à des protestations

 

Le géant minier américain Newmont Corporation, l’un des principaux producteurs d’or à niveau mondial, s’est vu contraint de suspendre un projet aurifère d’une valeur estimée de 4,8 milliards de dollars suite à une décision du gouvernement péruvien en août dernier.

La nouvelle a été saluée comme une grande victoire par les mouvements et les militants sociaux qui, depuis 10 mois, avaient pris part à des grèves et des manifestations contre le projet.

Celui-ci avait suscité une vive inquiétude au sein des communautés du département de Cajamarca, dans le nord du pays, notamment en ce qui concernait l’impact du chantier sur l’économie, les conditions de vie et l’environnement de la région.

(AP Photo/Martin Mejia)

Au cœur de la controverse se trouvait l’assèchement projeté de quatre lagunes, qui avait pour but de faciliter les opérations d’extraction d’or et de cuivre depuis le sous-sol. Newmont a promis, en échange, de construire plusieurs réservoirs artificiels en guise de remplacement des lagunes naturelles.

Le Pérou se classe parmi les pays les plus riches du monde au plan des ressources minérales et les grands projets miniers à ciel ouvert annoncés dernièrement ont déclenché des conflits sociaux en série. Le projet Conga a été décrit comme le plus grand investissement de ce type dans toute l’histoire du pays.

Les manifestations contre la mine de Conga ont mobilisé des milliers de personnes, y compris des travailleurs ruraux, des communautés indigènes, des églises, des syndicats, des étudiants et des organisations communautaires. En novembre, les résidents de la localité ont participé à une grève générale où ils ont réussi à fermer des écoles et des commerces, à bloquer des autoroutes et à empêcher les véhicules de circuler.

En juillet, une intervention policière s’est soldée par la mort de cinq manifestants au cours d’une mobilisation pacifique et l’état d’urgence a été décrété à Cajamarca et dans deux autres provinces. Les violences ont été à l’origine d’une condamnation internationale des autorités péruviennes, y compris par des organisations comme Human Rights Watch et la Confédération syndicale internationale.

S’adressant aux médias nationaux, Roque Benavides, PDG de la société Buenaventura, partenaire dans la joint-venture Conga, a affirmé qu’il regrettait que jusqu’à 4500 nouveaux emplois ne pourront désormais pas être créés en raison de la suspension du projet. Il a, néanmoins, assuré que sa société veillerait à éviter toute confrontation avec les autorités régionales et nationales.

Le potentiel de création d’emploi avancé est, cependant, mis en doute par certains analystes.

« À travers les siècles, les activités extractives menées par les grandes sociétés minières à Cajamarca ont eu pour corollaire des armées de pauvres et de sans emploi vivant dans des établissements précaires situés aux abords des villes les plus proches, dans les pires conditions », a déclaré Juan Aste Daffós, chercheur en économie minière et gestion environnementale auprès de l’Université d’ingénierie nationale, à Lima.

D’après un rapport conjoint du ministère de l’Économie et de la Finance du Pérou et de l’Institut national de statistique et d’informatique (INEI), la région de Cajamarca est passée de la cinquième à la deuxième place en termes de pauvreté au cours des vingt dernières années, période durant laquelle les grands projets miniers ont connu un véritable essor au niveau de la région.

Le même rapport souligne que les zones d’activité minière sont aussi celles où les indicateurs de malnutrition infantile chronique sont les plus élevés : Huancavelica (46,4%), Huánuco (31,3%) et Cajamarca (29,9%) figurent en tête de liste, alors que la moyenne nationale se situe à 15% de la population infantile.