Fidji: les travailleuses et les travailleurs confrontés aux pires violations des droits au travail

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Cette semaine, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a désigné Fidji comme l’un des cinq pays au monde où la norme fondamentale du travail relative à la liberté syndicale était le plus gravement bafouée.

Les quatre autres pays, sur une liste de 32 cas examinés, sont l’Argentine, le Cambodge, l’Éthiopie et le Pérou.

En septembre dernier, le régime fidjien a renvoyé une mission de l’OIT en visite dans le pays pour vérifier des plaintes liées à des violations des droits au travail émises par des syndicats locaux.

 

Le Conseil d’administration de l’OIT, formé de représentants de gouvernements et des groupes des travailleurs et des employeurs du monde entier, a rédigé une réprimande cinglante à l’encontre de l’attitude du régime sous la forme d’une résolution tripartite.

Le Conseil a demandé au gouvernement de Fidji de « discuter rapidement du retour d’une mission de contacts directs de l’OIT dans le pays » et d’entreprendre des investigations indépendantes sans délai concernant les allégations « d’agression physique, de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des dirigeants et membres des organisations syndicales ».

Toutefois, l’attitude antisyndicale de la dictature fidjienne n’a rien de neuf.

Le Commandant Frank Bainamarama a pris le pouvoir en décembre 2006, à la suite d’un coup d’État militaire.

Depuis, le régime a imposé de nombreux décrets des plus répressifs qui réduisent sensiblement les droits civils et politiques des citoyens, et qui amenuisent ou suppriment spécifiquement les droits fondamentaux de la main-d’œuvre.

La majorité des personnes actives sont employées dans le tourisme et l’agriculture, notamment dans l’industrie sucrière.

En 2011, le régime a intensifié ses attaques contre les syndicalistes en militarisant les usines de sucre, en rouant de coups des dirigeants syndicaux et en les faisant constamment surveillés et harcelés par les forces de l’ordre, y compris en les arrêtant et les poursuivant sans motif.

« Les militaires sont désormais présents dans les usines sucrières, ce qui a pour but de mettre au pas et d’intimider les travailleurs, s’assurant ainsi qu’aucune activité syndicale n’est organisée sur le lieu de travail; en outre, les organisations syndicales n’ont pas été autorisées à se plaindre aux employeurs », explique Felix Anthony, secrétaire national du Fiji Trades Union Congress (voir la vidéo).

 

C’est la raison pour laquelle, lors de la dernière Conférence internationale du Travail de juin, l’OIT s’est déclarée « profondément préoccupée par les nombreux actes de violence, de harcèlement et d’intimidation et par les arrestations de dirigeants syndicaux et de syndicalistes pour l’exercice de leurs droits à la liberté syndicale ».

Jusqu’à leur abrogation le 7 janvier 2012, les réglementations relatives aux situations d’urgence de 2009 octroyaient des pouvoirs illimités au régime en vue d’interdire la plupart des rassemblements publics aux Fidji.

En de nombreux points, le récent décret sur l’ordre public (amendement) de 2012 est pire que ces réglementations de 2009.

 Le décret donne une définition très large du « terrorisme », s’accompagnant de fortes sanctions, qui pourrait être interprété de façon à englober tout mouvement d’opposition au régime militaire. Comme précédemment, il faut obtenir une approbation du régime pour organiser des réunions publiques, requête qu’il faut soumettre sept jours avant ladite réunion.

Bien que le gouvernement fait valoir sa décision de suspendre cette disposition du décret, les forces de l’ordre ont récemment interrompu et interdit bon nombre de réunions auxquelles elles n’étaient pas conviées.

Les tribunaux fidjiens ont aussi été dépouillés de leur compétence d’entendre toute plainte portant sur des décisions du premier ministre, des chefs de police ou de responsables publics.

 Le régime a adopté plusieurs décrets qui réduisent considérablement les droits fondamentaux au travail dans les secteurs public et privé.

D’autres décrets suppriment aussi l’accès à un recours judiciaire et à des indemnités pour des violations passées, présentes ou futures de ces droits, ou la remise en cause de la légalité des décrets eux-mêmes.

Ces réformes fondamentales ont été adoptées sans aucune consultation préalable avec les syndicats concernés.

Parmi ces décrets, citons le décret de modification sur les relations de travail de 2011, qui amendait le décret de 2007 sur les relations de travail en vue d’en exclure tous les salariés du secteur public, et celui sur les industries nationales essentielles, également de 2011.

Environ 15.000 travailleuses et travailleurs du secteur public de Fidji ont ainsi perdu leurs droits fondamentaux au travail.

Le décret sur les relations de travail interdisait aussi à la main-d’œuvre du service public et à ses syndicats d’émettre la moindre plainte à l’encontre du décret auprès des tribunaux.

Le décret sur les industries nationales essentielles qualifiait toutes les entreprises des secteurs des finances, des télécommunications, de l’aviation civile et des services publics d’essentielles.

En vertu de ce texte, les conventions collectives ont été annulées et certains syndicats locaux ont été intégralement démantelés.

La loi interdisait aussi dans la pratique que des syndicats existants représentent leurs membres lors de négociations.

Ces dispositions, de même que la suppression des cotisations syndicales dans le secteur public et dans les secteurs essentiels ont porté un coup dur aux droits des travailleurs et à leurs institutions.

De fait, les effets du décret de l’année dernière sur l’industrie nationale essentielle sont dévastateurs et potentiellement irréversibles pour la main-d’œuvre qui s’est vue dépouillée de gains sur le lieu de travail âprement gagnés.

Les syndicats assistent également à l’effritement de leur base et de leurs moyens financiers.