Bahreïn: à quand la fin de la répression?

 

Ce mois-ci, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Manama, la capitale du Bahreïn, pour commémorer le deuxième anniversaire du soulèvement de 2011.

La révolte, qui a éclaté le 14 février 2011 – et qui se poursuit à l’heure actuelle – appelait à la fin du pouvoir absolu de la dynastie dirigeante al-Khalifa.

Les manifestations ont été réprimées dans le sang.

Des dizaines de personnes ont été tuées et des milliers arrêtées, emprisonnées et renvoyées de leur travail, plus particulièrement des syndicalistes.

Le deuxième anniversaire du soulèvement a lui aussi été marqué par une grande violence à l’encontre des manifestant(e)s. Les forces de sécurité les ont attaqués à coups de gaz lacrymogène et de tirs de grenaille, blessant des dizaines de personnes et touchant mortellement un jeune homme de 16 ans, Ali Ahmed Hussein Al-Jaziri.

Ces affrontements se sont produits après la tentative de l’opposition de nouer un dialogue avec le gouvernement.

Les leaders de l’opposition ont qualifié la discussion avec le gouvernement de «médiocre et vaine».

D’après Radhi Al-Musawi, qui fait fonction de secrétaire général du National Democratic Action Society (Groupe d’action démocratique national – Waad), «tout dialogue politique qui entend contribuer à restaurer le calme et la stabilité dans le pays doit être précédé d’actions visant à préparer le terrain à cet effet.»

Or, cela ne s’est pas encore produit.

Le dirigeant du parti Waad, Ibrahim Sharif, a été condamné à cinq années d’emprisonnement par un tribunal militaire et, peu après, Al Musawi a été condamné à la même peine par un tribunal civil qui l’a accusé de conspiration en vue de renverser le régime.

L’opposition a récemment remis une lettre au ministre de la Justice, qui représente le roi Al-Khalifa, pour l’inviter à mener les discussions.

«Tout dialogue, toute négociation sérieuse doivent reposer sur une base solide, consistant notamment à mettre fin à l’autorité excessive, à établir une feuille de route profitable à tous et à appliquer les recommandations de la Commission d’enquête internationale indépendante du Bahreïn (BICI) et du Conseil mondial des droits de l’homme, qui ont été approuvées par le gouvernement», précisait le courrier.

 

Licenciements

2011 fut une année noire pour les droits humains, les droits civils et les droits du travail au Bahreïn, les autorités du pays ayant opté pour une campagne de répression, d’arrestations et de licenciements, comme l’a constaté la BICI.

D’après la General Federation of Bahrain Trade Unions (Fédération syndicale des syndicats du Bahreïn – GFBTU), plus de 4000 travailleurs/euses ont été renvoyés après le 14 février 2011, dont 57 responsables syndicaux.

Plusieurs rapports ont été publiés au sujet du caractère illégal de ces licenciements.

Des organisations internationales de défense des droits humains, telles que Human Rights Watch et Amnesty International, ont également accusé le gouvernement de violation des droits humains fondamentaux.

Par ailleurs, cette année, le ministère du Travail des États-Unis a publié un rapport suite à une plainte concernant l’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Bahreïn, qui révèle que le gouvernement a violé les dispositions de l’accord relatives au travail lorsqu’il a congédié de nombreux travailleurs/euses après le soulèvement de février 2011.

Le gouvernement a réagi en lançant une vigoureuse campagne médiatique destinée à améliorer son image à l’international; il a pour cela fait appel à des agences de relations publiques britanniques et américaines, ce qui lui a coûté plus de 32 millions USD.

Le gouvernement du Bahreïn affirme avoir réintégré 98 pour cent des travailleurs/euses licenciés mais, selon la GFBTU, ce n’est qu’une partie de l’histoire.

«Pour nous, ce n’est pas une question de nombre; le plus important, c’est que ces travailleurs retrouvent le droit d’exercer leur travail et qu’ils soient dédommagés pour la violation de ce droit», déclare Abdullah Hussein, le secrétaire général adjoint de la GFBTU pour les relations arabes et internationales.

Les syndicats estiment qu’à l’heure actuelle, il reste à réintégrer 657 travailleurs/euses encore sous le coup d’un renvoi ou d’une suspension.

En outre, bon nombre des employé(e)s qui ont été réintégrés travaillent à des postes de grade inférieur à leur poste précédent, sont moins bien payés et ont perdu les prestations auxquelles ils pouvaient prétendre auparavant.

Yousef Al-Khaja, responsable du syndicat des services aéroportuaires du Bahreïn, fait partie de ces personnels renvoyés. Deux ans après avoir été congédié, il n’a toujours pas de travail, malgré les promesses du ministre du Travail et de la direction de la société.

Cette question figurera une nouvelle fois à l’ordre du jour soumis par la Confédération syndicale internationale (CSI) au Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, qui se réunira de nouveau en mars, pour répondre à la demande de commission d’enquête déposée en 2011, selon laquelle les licenciements sont contraires à la convention de l’OIT concernant la discrimination (Convention n°111).

La plainte invoquait le fait que les renvois avaient été motivés par l’opinion politique, ce qui est interdit.

Dans le cadre de cette plainte, l’OIT a formé une commission tripartite pour examiner les licenciements et rendre compte des avancées réalisées pour réintégrer tous les employé(e)s renvoyés illégalement.

Toutefois, le Bahreïn doit encore ratifier trois conventions fondamentales de l’OIT: la Convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la Convention n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective et la Convention n°100 sur l’égalité de rémunération.