Est-ce la fin des stages non rémunérés ?

 

Un nouveau projet de loi qui pourrait proscrire la publication d’offres de stages non rémunérés au Royaume-Uni devrait être présenté en deuxième lecture à la Chambre des Communes vendredi, au terme d’une campagne nationale contre l’exploitation des jeunes au travail.

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Les stages non rémunérés sont particulièrement répandus dans le journalisme, une profession qui a récemment été qualifiée de « club fermé » dans un rapport du gouvernement sur la mobilité sociale (AP Photo/Mark Lennihan)

 

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Le projet de loi présenté au parlement en décembre dernier par la députée Hazel Blears a obtenu un large soutien de tous les principaux partis.

Libby Page, l’une des principales activistes de la campagne et membre du groupe Intern Aware a qualifié le projet de loi d’ « opportunité importante » de sensibilisation à l’injustice que représentent les stages non rémunérés.

« Il faut espérer que cela contribuera dans une certaine mesure à changer la culture de l’acceptation liée au travail non rémunéré, une vraie priorité si l’on tient à ce que ce problème soit résolu. »

Les stages non rémunérés sont soumis à la législation sur le salaire minimum, qui garantit à l’ensemble des travailleuses et travailleurs le taux de rémunération minimum national en vigueur, qui est actuellement de 6,19 livres sterling (9,40 dollars) par heure.

La publication d’offres de stages non rémunérés n’est, toutefois, pas illégale et beaucoup de secteurs sont lourdement tributaires de la main-d’œuvre gratuite fournie par des diplômés universitaires sans emploi désespérément à la recherche d’un emploi au milieu d’une conjoncture économique difficile.

Cette pratique est particulièrement répandue dans le monde politique et dans le journalisme, des professions qui ont été décrites comme des « clubs fermés » dans un rapport du gouvernement sur la mobilité sociale publié en mai 2012.

D’après le rapport, 54 pour cent des meilleurs journalistes du pays ont reçu une éducation privée, alors que seul 7 pour cent de la population nationale y ont accès.

 

Exploitation

Vu que la quasi-totalité des journaux et diffuseurs nationaux sont basés à Londres, la plupart des aspirants journalistes provenant d’autres régions y affluent dès l’obtention de leur diplôme dans l’espoir d’y décrocher le poste dont ils rêvent.

Toby Hill, 26 ans, de Hexham, au nord-est de l’Angleterre, a complété cinq stages bénévoles à temps complet à Londres, au sein de journaux à grande circulation et autres agences d’information.

Bien qu’il affirme avoir apprécié ses stages et le fait que ceux-ci ont, dans certains cas, débouché sur des boulots en freelance, il soutient la proposition de loi.

« Ça m’exaspère à chaque fois que je consulte les pages d’offres d’emploi de voir une entreprise annoncer un poste non rémunéré, surtout quand il couvre une période de plus d’un mois.

« C’est qu’il s’agit manifestement d’une entreprise qui cherche à faire exécuter une tâche spécifique mais au lieu de payer quelqu’un pour le faire, ils comptent sur une main-d’œuvre gratuite – cela revient ni plus ni moins qu’à exploiter le grand nombre de sans emploi qui tentent de se frayer un chemin dans la profession. »

Or comme pour la plupart des stages non rémunérés dans le secteur du journalisme, les placements de Toby n’étaient pas publiquement annoncés. De fait, les rédactions comptent fortement sur les nombreuses demandes spéculatives adressées par courriel par des diplômés qui proposent leurs services bénévolement.

Pour Ben Lyons, codirecteur du groupe de campagne Intern Aware, l’interdiction de telles annonces serait un pas dans la bonne direction mais d’autres mesures seront nécessaires pour sévir contre les employeurs qui ne respectent pas la loi :

« Ce que nous voulons avant tout c’est que le gouvernement fasse son travail correctement et que le HMRC (fisc britannique) veille au plein respect du salaire minimum dans les entreprises qui ne rémunèrent pas leurs stagiaires. Les stages non rémunérés font que des professions comme le journalisme soient du ressort exclusif des personnes de classe moyenne résidant à Londres et dans le sud-est. »

 

Pas de travail sans rémunération

Mark Hattersley, de Manchester, connait bien le problème. Il a obtenu son diplôme de troisième cycle en journalisme l’été dernier mais s’est heurté aux pires difficultés à l’heure de trouver un emploi dans sa profession parce qu’il ne peut se permettre de travailler bénévolement.

« On m’a proposé quelques mois de travail non rémunéré dans une agence d’information locale à Salford, offre que je ne pouvais accepter d’aucune façon. Je ne pouvais pas, non plus, me permettre de chercher des placements à Londres étant donné que je devais travailler à mi-temps pour financer mes exploits en tant que chercheur d’emploi. »

Mark travaille à présent dans le département de publicité d’une revue spécialisée dans l’éclairage et gère le site web Hispanic Eye consacré à l’actualité latino-américaine. Bien qu’il n’ait pas renoncé à l’espoir d’une carrière dans le journalisme, il insiste sur la nécessité d’une réforme du système.

« Le mode de fonctionnement des stages est profondément fracturé et favorise uniquement les personnes qui en ont les moyens financiers, confinant de fait le journalisme à une profession des classes moyennes. C’est un système qui jouit d’une trop grande acceptation auprès des carriéristes et des employeurs, et pour comble : Personne n’en parle. »