Le fléau du chômage des jeunes en Libye

Une question hante l’esprit de tous les citoyen(ne)s des pays qui ont connu le fameux « printemps arabe »: qu’avons-nous réalisé depuis ?

Ces personnes ont longtemps vécu sous l’oppression. Elles ont assisté à la destitution des tyrans, vu le sang couler et entendu des promesses de prospérité.

En Libye, de nombreux jeunes pensent que le plus grand succès réside dans la chute de Mouammar Kadhafi, qui dirigeait le pays depuis 1969 au moment de son renversement en 2011. Mais depuis lors ils et elles éprouvent une forte déception.

Bien que bon nombre de jeunes qui ont participé au soulèvement aient toujours des armes en leur possession, ils préfèreraient atteindre leurs objectifs par des moyens politiques. Leurs revendications ont beau être simples, les décideurs les trouvent discutables. D’abord et avant tout, les jeunes veulent que les principaux acteurs du régime de Kadhafi soient jugés.

Ils/elles demandent également un meilleur niveau de vie pour les Libyen(ne)s, le désarmement des milices, l’instauration d’institutions efficaces et ils/elles veulent participer au processus de prise de décision, d’autant que la politique libyenne tend à être dominée par des hommes beaucoup plus âgés qu’eux/elles.

Leur principale requête, toutefois, concerne le travail.

Avant la révolution, la Libye connaissait de « graves difficultés en matière de travail décent », avec un taux de chômage de 22%, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Aujourd’hui, le ministère libyen du Travail évalue ce chiffre à 15%, alors que les estimations non officielles suggèrent que le chiffre réel avoisinerait plutôt les 30%. Et 43% des chômeurs/euses inscrits au ministère du Travail sont diplômés de l’université. En vérité, qu’ils/elles soient diplômés ou non, peu de jeunes Libyen(ne)s ont remarqué un quelconque progrès depuis le renversement de Kadhafi.

Ils/elles sont toujours aux prises avec un niveau considérable de chômage, en particulier depuis que de nombreux employeurs des secteurs public et privé ont cessé leurs activités en raison de la dégradation de la sécurité en Libye.

Comme dans de multiples endroits, la situation de l’emploi varie à l’intérieur du pays. À Tripoli, par exemple, une stabilité relative favorise les opportunités d’embauche, tandis que dans des villes comme Tobrouk, située à l’est du pays, le taux de chômage officiel dépasse 30%.

La plus grande tragédie de la Libye

La situation impose aux jeunes Lybien(ne)s beaucoup de créativité et de souplesse pour trouver du travail. Amjad, un jeune homme de 27 ans originaire de Misrata, la troisième plus grande ville du pays, était loin de se douter qu’en sortant de l’Institut supérieur d’informatique en 2008 il devrait quitter sa ville et laisser de côté son diplôme pour trouver un emploi.

Amjad gagne désormais sa vie en tant que photographe. Interrogé sur sa situation professionnelle, il répond: « Je n’attends pas grand-chose de cet emploi, mais je préfère travailler plutôt que de rester chez moi ».

Tous les jeunes Libyen(ne)s n’ont pas la chance ou l’imagination d’Amjad. Bon nombre d’entre eux/elles passent leur temps dans des cafés avec des amis, profondément déçus que la révolution n’ait rien changé pour eux/elles. Par ailleurs, même si les chiffres disent autre chose, les Libyen(ne)s ont l’impression que le chômage a augmenté et que leurs chances de connaître un avenir meilleur ont diminué.

Le chômage ne fait que s’ajouter aux tragédies des Lybien(ne)s, qui sont passés de quatre décennies de régime autoritaire à sept mois de guerre civile, pendant laquelle des milliers de personnes ont été tuées.

Mais la détérioration de la situation économique, dans un pays qui flotte littéralement sur une mer de pétrole, est sans doute la plus grande tragédie de la Libye. La Libye, qui détient les plus importantes réserves de pétrole d’Afrique, est le cinquième producteur de pétrole du monde, avec plus de 1,3 millions de barils par jour.

Or, après plusieurs décennies de corruption et de manque de transparence, il n’existe toujours pas de mécanisme efficace qui permette de canaliser les revenus du pétrole du pays au profit des citoyen(ne)s libyens.

La plupart des compagnies présentes dans ce secteur appartiennent à des sociétés étrangères et de nombreux employé(e)s sont des expatriés.

C’est pourquoi il est absolument nécessaire d’adopter une politique rigoureuse sur le pétrole afin d’accroître les revenus, de créer de nouveaux emplois et de permettre à la Libye de tirer profit au maximum de sa richesse pétrolière.

En attendant, les jeunes diplômé(e)s prometteurs comme Saif, un garçon de 26 ans originaire de Benghazi, continueront d’essayer de s’en sortir, tant bien que mal. Malgré son diplôme en informatique, il survit en vendant du thé et du café dans la rue.

« J’ai trouvé dans ce métier une source de revenus décents, au lieu de rester chez moi au chômage, aux crochets de ma famille et de ma communauté jusqu’à ce que je trouve l’emploi idéal ».

Dans l’intérêt de la Libye et de son avenir, espérons seulement que cette situation ne durera pas trop longtemps pour Saif et les milliers de jeunes dans son cas.