L’État brésilien à pied d’œuvre pour éviter de nouvelles manifestations

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Les politiques brésiliens se sont mis à pied d’œuvre pour apporter des réponses à la contestation qui a vu plus d’un million de personnes envahir les rues au cours des dernières semaines.

La Chambre et le Sénat ont approuvé des projets dont le vote était longuement attendu. La popularité du gouvernement a baissé et un débat est maintenant en cours sur une réforme politique.

La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a convoqué l’ensemble des gouverneurs et maires des capitales des 26 États et du District fédéral qui constituent la fédération brésilienne en vue de la signature d’un pacte en cinq points qui vise l’amélioration des services de transport, de santé et d’éducation, le contrôle de l’inflation et la stabilité économique, de même que la mise en œuvre d’une réforme du système politique.

Le lendemain, la chambre des députés a voté deux projets de loi avec une célérité inédite.

En premier lieu, les députés ont rejeté la proposition dite PEC 37, qui réduisait le pouvoir d’enquête du procureur général et avait suscité l’opposition d’une part significative des manifestants.

Subséquemment, ils ont approuvé l’investissement des ressources financières provenant de l’exploitation des gisements pétroliers à grande profondeur — Prés-Sal — dans l’éducation (75%) et la santé (25%).

Dans son discours à la nation, la présidente Dilma Rousseff a réitéré sa proposition d’investir 100 pour cent dans l’éducation, idée qui avait déjà essuyé deux rejets successifs au Congrès.

 

La santé publique

Le ministère de la Santé est, lui aussi, revenu à la charge avec son nouveau plan pour l’affectation de personnels médicaux et d’installations hospitalières dans les zones mal desservies des grandes villes et les régions les plus isolées du pays comme l’Amazonie.

Le ministre de la Santé, Alexandre Padilha, a annoncé le lancement par le gouvernement d’un appel à candidatures s’adressant aux médecins brésiliens disposés à servir le système public en dehors des centres urbains.

Dans le cas où il n’y aurait pas suffisamment de professionnels brésiliens pour pourvoir aux besoins de la population, le ministère a annoncé qu’il serait prêt à faire appel à des médecins d’autres pays — notamment du Portugal, de l’Espagne et de Cuba – pour assurer le succès du programme.

La mesure a soulevé un tollé au sein du corps médical du Brésil, qui estime que le problème de la santé publique tient davantage de la carence de ressources, d’équipements et de conditions de travail pour les professionnels que d’un manque de personnel.

Le Brésil affiche une moyenne de 1,8 médecin pour mille habitants, par rapport à 2,7 pour mille en Angleterre — dont le système de santé est une référence pour le Brésil – ou encore 3,2 pour mille chez son voisin argentin.

« La voie choisie par le gouvernement est risquée et honteuse », ont affirmé les associations médicales.

« Elle expose les populations les plus pauvres à des professionnels dont la compétence n’est pas avérée ». Ce à quoi le ministre Padilha a répondu en expliquant les règles du programme et en appelant les médecins à cesser de défendre leurs intérêts propres et à accorder la priorité au bien-être de la société brésilienne.

« Moi aussi je suis médecin mais il nous incombe avant tout de tenir compte de la population qui n’a pas accès aux médecins. » À l’heure qu’il est, pas moins 400 villes au Brésil sont dépourvues de professionnels de la santé résidant à proximité.

 

La réforme politique

Le thème qui a monopolisé l’agenda public au Brésil a été la réforme politique.

Le gouvernement prétend convoquer un plébiscite pour faire avancer des projets qui modifient certaines caractéristiques du système électoral, telles la mise en place du financement public des campagnes, le scrutin à liste de partis ou l’autorisation de candidatures indépendantes.

« Dilma a écouté les voix de la rue qui réclamaient clairement plus de participation directe dans le choix des orientations du pays », selon l’historienne Maria Aparecida de Aquino, professeur de l’Université de Sao Paulo (USP).

Toutefois, l’opposition est contre et préconise que le Congrès, lui-même, débatte, définisse et vote une réforme politique – ce pour quoi il n’a jamais affiché beaucoup d’enthousiasme.

La semaine qui a suivi les manifestations a culminé avec la publication d’une enquête de l’Instituto Datafolha, le plus influent du pays, qui révélait une baisse de 27% de l’indice de popularité de la présidente Dilma Rousseff, dont l’administration ne serait plus soutenue que par 30 pour cent des Brésiliens.

Avant la contestation, son administration obtenait 57% d’opinions favorables. Ce nonobstant, d’après le même institut, la proposition de référendum obtient le soutien de 68% de la population.

Dans le cadre d’une tentative de rapprochement avec le peuple, Dilma Rousseff a passé la semaine à se réunir avec des représentants de mouvements sociaux, des syndicalistes et des organisations populaires, dont le Movimento Passe Livre (MPL), principal responsable du mouvement protestataire.

« Les rencontres ont été un pur spectacle », selon Mayara Vivian, membre du MPL. « On n’a pas vu la moindre mesure concrète ».

« Tant que la présidente manquera de répondre à nos revendications, nous resterons dans la rue », a prévenu Guilherme Boulos, coordinateur national du Movimento dos Trabalhadores Sem Teto (MTST).

Les principales centrales syndicales, pratiquement absentes de la mobilisation populaire, se sont, elles aussi, réunies pour faire le point sur la conjoncture politique du pays. Conséquemment, un appel à la grève nationale a été lancé pour le 11 juillet.

Vagner Freitas, président de la principale centrale syndicale du Brésil, la CUT, a défendu le financement public des campagnes électorales. « La réforme politique est la mère de toutes les réformes car elle garantit la transparence du processus électoral. À l’heure actuelle, c’est l’argent qui remporte les élections. »

Les affiliées de la Confédération syndicale internationale, UGT et Força Sindical, seront présentes, elles aussi, pour faire pression en faveur de l’adoption de certains projets jugés prioritaires pour les travailleurs mais auxquels Dilma Rousseff a jusqu’ici manqué de s’atteler, comme la réduction de la durée de travail de 44 à 40 heures par semaine.