UE : peut-on sauver la directive sur le congé de maternité ?

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Tandis que les nouveaux commissaires européens s’apprêtent à prendre leurs fonctions, un projet de loi visant à réformer une directive de 22 ans sur le congé de maternité s’invite une nouvelle fois à l’ordre du jour.

En juillet, la Commission européenne a rejeté la proposition de directive sur le congé de maternité, lui reprochant des « lourdeurs administratives ». La directive repose désormais dans un cimetière législatif connu sous le nom de « programme pour une réglementation affûtée et performante » (REFIT).

Initialement proposée par la Commission en 2008, la nouvelle version de la directive a été adoptée à une large majorité au Parlement européen le 20 octobre 2010.

Elle prévoyait de faire passer à 20 semaines minimum le congé de maternité payé à taux plein, de renforcer la protection des travailleuses licenciées à leur retour de congé de maternité, et d’instaurer un congé de paternité de deux semaines payé à 100 %, pour les couples du même sexe aussi.

Or, d’une manière que les partisans de la directive qualifient « d’exemple classique de rejet vis-à-vis des droits des femmes et de l’égalité de genre en Europe », plusieurs États membres de l’UE ont bloqué l’adoption de la directive pendant près de trois ans au Conseil européen en refusant de la transmettre au Parlement européen pour une deuxième lecture.

« Pendant que le Conseil et le Parlement se querellaient sur la question, nous avons perdu l’occasion de mettre en avant les conditions de travail des femmes et des mères » déclare à Equal Times Alessandra Moretti, rapporteur des socialistes sur cette directive.

Avec la reprise des sessions parlementaires, Moretti signale que l’objectif est désormais de remettre la directive à l’ordre du jour.

« Le dialogue est renoué entre les deux institutions européennes, ce qui pourrait produire des résultats positifs au cours des prochains mois » ajoute-t-elle.

Récemment, la commissaire désignée à la justice, aux consommateurs et à l’égalité des genres, Vera Jourova, a été longuement interrogée au Parlement européen par des membres de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres.

À l’issue d’une séance de questions-réponses qui a duré trois heures, il a été demandé à Jourova de répondre par écrit à diverses questions supplémentaires, notamment pour expliquer comment elle comptait ranimer la directive sur le congé de maternité restée en suspens.

« Je soutiendrai pleinement tous les efforts déployés pour relancer les négociations. J’espère qu’avec l’aide du Parlement européen récemment élu et les efforts de la présidence italienne, nous donnerons l’impulsion nécessaire », affirme Jourova en rappelant qu’il existe un solide engagement à l’égard d’une nouvelle étape dans les négociations entre le Parlement et le Conseil.

 

Une garantie importante

Les défenseurs de la nouvelle version de la directive disent qu’il s’agit d’une mesure importante pour garantir l’égalité de genre en Europe.

« Il faut vraiment que cette proposition ne soit pas abandonnée » indique à Equal Times Iratxe Garcia Perez, présidente de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen.

« Cette nouvelle législation doit entrer en vigueur au plus vite, parce qu’elle renforce la protection des mères et favorise l’équilibre entre vie de famille et vie professionnelle, ainsi que l’égalité entre hommes et femmes », ajoute-t-elle.

Cinzia Sechi, conseillère politique à Confédération européenne des syndicats (CES), approuve : « L’adoption d’une directive renforcée sur la maternité enverrait un message positif aux citoyens européens et leur montrerait que les institutions européennes sont capables de parvenir à un consensus sur des questions qui comptent pour eux au quotidien

« La sécurité de la grossesse et de la maternité est en effet essentielle pour atteindre l’égalité de genre et la protection des droits de la femme ».

Mais pour que la directive soit adoptée, il faudra probablement faire certaines concessions.

Toutefois, les défenseurs de la directive craignent qu’un certain nombre de mesures progressistes en faveur des femmes enceintes et des nouveaux parents soient perdues pendant les négociations.

« Les changements proposés par le Parlement européen étaient d’une importance capitale. Dans sa version précédente, la directive souffrait d’une conditionnalité trop stricte et elle ne tenait pas compte de la nouvelle réalité du marché du travail, notamment les conditions de travail précaires et les contrats à court terme », explique Mary Collins, responsable politique au Lobby européen des femmes.

« Par ailleurs, elle ne garantissait pas le salaire intégral pendant le congé de maternité, et elle ne mentionnait ni les pères ni les couples du même sexe ».

Mais d’après les adversaires de la directive révisée, 20 semaines de congés payés à taux plein seraient intenables pour les entreprises comme pour les fonds publics frappés par la crise.

Ils avancent par ailleurs qu’un retrait total de la directive sur le congé de maternité ne changerait pas vraiment la vie des travailleuses des pays de l’UE.

« Un retrait serait sans conséquences car il existe déjà une directive sur le congé de maternité, puisque chaque État membre a ses propres règles en fonction de son système national », souligne Angelika Niebler, députée européenne allemande de centre droit.

Niebler précise que la directive, dans sa nouvelle version, va « bien plus loin que ce qui est acceptable, compte tenu du fait que les États membres ont des systèmes de sécurité sociale complètement différents, et qu’il est absolument impossible de les harmoniser ».

Le lobby patronal influent Business Europe s’est refusé à tout commentaire sur la question car, comme il le rappelle, il avait participé au blocage de la directive au Conseil.