Un dialogue franc à la pré-COP27 en RDC aboutira-t-il à un succès à Charm el-Cheikh ?

Du 3 au 5 octobre 2022, les ministres du Climat se sont réunis à Kinshasa, en République démocratique du Congo, en vue de préparer la COP27 qui se tiendra en novembre à Charm el-Cheikh, en Égypte. La conférence était organisée par le gouvernement congolais en collaboration avec la présidence égyptienne de la COP27. Une réunion à Kinshasa sur les rives du fleuve Congo est extrêmement différente d’une réunion à Bonn avec vue sur le Rhin ou à New York près de l’Hudson. Le fait que tous ces ministres aient fait l’effort de se rendre dans l’une des villes les plus compliquées du monde est un signal positif. La RDC recèle également l’une des zones de biodiversité les plus riches au monde, un élément crucial pour la protection de notre système climatique.

Plusieurs délégués de haut niveau, dont l’envoyé spécial du président des États-Unis pour le climat, John Kerry, ont insisté sur le fait que les pays doivent être « justes et honnêtes » les uns envers les autres. La ministre Barbara Creecy d’Afrique du Sud tenait à « parler franchement ». Tout le monde reconnaît que les progrès sont insuffisants. Tant en termes de réduction des émissions et de la mise en œuvre des plans d’adaptation que sur la mise en place d’un financement climatique incorporant les pertes et préjudices. Les responsables de cette situation étaient présents à la pré-COP à Kinshasa et le seront à la COP27 à Charm el-Cheikh. Il ne leur reste plus qu’à joindre le geste à la parole (franche).

Le principal résultat de la conférence a été le large soutien apporté par de nombreux pays à l’inscription d’un point officiel à l’ordre du jour de la COP27 sur les « pertes et préjudices ». Pour toute personne étrangère aux négociations, il pourrait sembler incroyable que ce ne soit pas déjà le cas.

L’octroi d’une compensation et d’un soutien appropriés pour les préjudices catastrophiques causés par les inondations, les sécheresses et les tempêtes dans des lieux tels que le Pakistan et le Nigeria reste une question contestée dans le cadre des négociations sur le climat. Les pays responsables de la crise climatique ont jusqu’à présent évité toute négociation sérieuse et, surtout, tout engagement sur le financement des pertes et préjudices.

Décider d’un mécanisme de financement pour faire face à l’immense impact humain et économique de la crise climatique dans le Sud est l’un des objectifs critiques les plus importants de la COP27. Au cours de la pré-COP à Kinshasa, les pays ont enregistré quelques avancées quant aux moyens d’y parvenir.

La violation des droits syndicaux en Égypte et les appels mondiaux en faveur d’une transition juste

Le mouvement syndical mondial aborde la COP27 en Égypte avec de grandes inquiétudes concernant la violation grave et systématique des droits humains et syndicaux. L’indice des droits dans le monde 2022 de la Confédération syndicale internationale (CSI) classe l’Égypte parmi les 10 pires pays du monde pour les travailleurs. Les travailleurs et leurs représentants en Égypte vivent dans un climat d’intimidation et de répression permanente en raison de leurs activités syndicales. Les travailleurs sont privés de leurs droits et libertés fondamentaux dans le cadre de leur travail. La discrimination antisyndicale est fréquente avec notamment le licenciement de dirigeants syndicaux et de travailleurs pour leurs activités syndicales.

La CSI exhorte le gouvernement égyptien à respecter sans délai ses obligations en vertu des normes internationales en matière de droits humains et de droit du travail et à libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé leurs libertés civiles, y compris les journalistes et tous les syndicalistes.

Les gouvernements et les organisations reconnaissent également de plus en plus la nécessité d’une transition juste.

Face à cette attention croissante, de nombreuses interprétations émergent sur la signification d’une transition juste, nombre d’entre elles ignorant le rôle important joué par les travailleurs et leurs syndicats. Même si les garanties communautaires et les préoccupations de développement plus larges sont essentielles pour la justice climatique, l’accent mis sur les travailleurs doit rester une priorité. L’Accord de Paris est clair dans son préambule sur la nécessité de prendre en compte « les impératifs d’une transition juste pour la population active et la création d’emplois décents et de qualité, conformément aux priorités de développement définies au niveau national… »

Chaque pays, chaque entreprise, chaque lieu de travail, chaque industrie doit disposer d’un plan climatique pour réduire les émissions de carbone avec un plan pour l’emploi qui soutient le travail décent et respecte les droits des travailleurs. Nous constatons que certains pays ne disposent toujours pas de mesures et de politiques de transition juste dans leurs plans climatiques nationaux (CPDN, contributions prévues déterminées au niveau national). Les pays qui n’ont pas renouvelé leurs engagements en matière de CPDN ou qui l’ont fait sans organiser de processus de dialogue social efficace auquel participent les syndicats et les mouvements sociaux devraient consulter les syndicats sur les mesures et les plans approuvés ainsi que sur sa mise en place.

Besoin urgent de systèmes de protection sociale et de financement climatique

Les syndicats soutiennent les demandes des pays en développement qui souhaitent que l’on se concentre davantage sur l’adaptation. Si les mesures de protection sociale sont pertinentes pour l’atténuation climatique, l’adaptation ainsi que les pertes et préjudices, il est urgent de renforcer la protection sociale en matière d’adaptation. Plus de quatre milliards de personnes dans le monde ne bénéficient d’aucun type de protection sociale.

Les plus vulnérables dans les pays du Nord et du Sud ont besoin de services de santé, d’allocations de chômage et d’autres prestations de protection sociale pour faire face aux impacts de la crise climatique qui mettent en danger leurs moyens de subsistance. Les Nations inies, sous la direction de l’Organisation internationale du Travail, ont mis en place un « Accélérateur mondial » afin de contribuer au financement international, l’objectif étant de créer 400 millions d’emplois et d’étendre la protection sociale à quatre milliards de personnes actuellement sans couverture. La protection sociale universelle est une partie cruciale et intégrale d’une transition juste.

Les négociations de la COP27 doivent progresser sur la question du financement climatique. Il s’agit notamment d’indiquer clairement comment l’objectif de 100 milliards de dollars US (99,7 milliards d’euros) par an d’ici 2030 sera atteint, en ce compris, le paiement de rattrapage pour les fonds promis au cours des années précédentes, mais qui demeurent impayés. Les gouvernements doivent également progresser dans la définition d’un nouvel objectif pour le financement climatique futur.

Toutes les études indiquent que les pays du Sud ont besoin de plus de 100 milliards de dollars US par an (99,7 milliards d’euros).

À défaut de pouvoir fournir des fonds publics, les pays et les entreprises se tournent plutôt vers des sources de financement par le secteur privé. Bien que le financement provenant du secteur privé soit nécessaire, cette tendance soulève des inquiétudes quant à la conditionnalité contenue dans les projets qui sont financés. Le financement climatique se compose de plus en plus souvent de prêts au lieu de financements basés sur des subventions. Cela contribue à l’augmentation des coûts des financements, à des méthodes inefficaces, peu sûres et court-termistes, et aggrave la crise d’endettement des pays en développement vulnérables.

Le mouvement syndical appelle les gouvernements à réaliser des efforts de bonne foi dans le cadre du nouvel objectif sur le financement climatique et à intégrer des critères de transition juste dans tous les accords de financement climatique. Lors de la COP26, les principaux pays donateurs ont signé une déclaration intitulée « Supporting the Conditions for a Just Transition Internationally » (Soutien aux conditions d’une transition juste au niveau mondial) indiquant les critères d’une transition juste. Ceux-ci doivent être référencés dans les accords de financement climatique qui seront décidés lors de la COP27.

Les négociateurs sur le climat se réuniront en novembre à Charm el-Cheikh, au bord du détroit de Tiran, avec vue sur l’île de Tiran au loin. L’île a une histoire mouvementée. Il n’y a pas d’eau potable et on raconte que nombre de ses plages sont minées. Il s’agit d’un rappel visuel pertinent pour les négociateurs climatiques de la situation critique vécue dans de nombreux endroits sur Terre, et qui menace de devenir une réalité pour beaucoup d’autres si l’on ne progresse pas suffisamment au cours de ces deux semaines importantes, dans le cadre de la COP27. Le mouvement syndical mondial est prêt à jouer un rôle constructif dans la recherche de solutions climatiques. Une transition juste axée sur les travailleurs favorisera et débloquera l’ambition climatique dont nous avons besoin de toute urgence.