Zimbabwe: Les travailleurs agricoles déplacés s’affrontent à une « crise»

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Une nouvelle vague d’invasions de terres au Zimbabwe au cours des derniers mois a vu des centaines de travailleurs privés d’emploi et de logement.

Expulsés par les nouveaux occupants, la majorité d’entre eux se voient forcés de s’installer au bord des routes, à proximité des exploitations où ils travaillaient.

Cette situation, d’après le General Agriculture and Plantations Workers Union, est à l’origine d’une « crise humanitaire » dans le secteur agricole, naguère l’une des principales sources d’emploi du pays.

Aux quatre coins du Zimbabwe, notamment dans les provinces de Mashonaland West, Mashonaland East, Manicaland et Midlands, des exploitants agricoles ont été expulsés de force de leurs terres. Le Commercial Farmers Union (CFU) estime que plus de 40 exploitants ont été menacées d’expropriation depuis le début de l’année.

Les observateurs affirment que des hauts responsables politiques et des fonctionnaires au sein du gouvernement usent de leur pouvoir d’influence et tirent parti de l’absence d’une véritable politique foncière pour déplacer une partie des bénéficiaires du programme de redistribution mis en œuvre dans le cadre de la réforme agraire accélérée (« Fast Track ») de 2000.

Le gouvernement persiste, cependant, dans son refus de reconnaître que de nouvelles invasions de terres ont eu lieu et n’a pas essayé de venir en aide aux travailleurs et aux exploitants agricoles affectés.

Le directeur du département juridique du CFU, Marc Carrie Wilson, a refusé de répondre à Equal Times à ce sujet mais le président du CFU, Charles Taffs, a confirmé les récents déplacements d’agriculteurs en affirmant que le pays devait modifier sa politique foncière de manière à protéger tous les agriculteurs.

D’après le Zimbabwe Congress of Trade Unions, les récentes saisies d’exploitations agricoles ont entraîné la perte de plus de 900 emplois et ont perturbé l’éducation des enfants des travailleurs.

D’après Gift Muti, secrétaire général du General Agriculture and Plantations Workers Union (GAPWUZ), la plupart des travailleurs agricoles déplacés nécessitent à présent une aide humanitaire, attendu qu’ils sont privés de leur seule source de revenu et de leur logement.

« La plupart de ces personnes ont été éjectées des fermes en plein été, ce qui a affecté les cultures qu’ils avaient plantées sur leurs petites parcelles de terre, les condamnant à la faim.

« Ils sont aussi exposés aux aléas du climat, a fortiori les enfants et les femmes, dont certaines sont enceintes. Ces personnes vivent en groupes sur les bords des routes et n’ont pas accès aux soins de santé. Elles ont désespérément besoin d’assistance », dit Muti.

 

« Nulle part où aller »

L’agriculture représente approximativement 15-18% du produit intérieur brut (PIB) du Zimbabwe et plus de 70% de la population exerce un emploi dans l’agriculture ou les secteurs connexes.

Depuis 2000, toutefois, le secteur a été en proie à une profonde instabilité suite à une longue campagne de réforme agraire amorcée il y a plus d’une décennie par le gouvernement Zanu-PF dans le but déclaré de réparer l’injustice historique de l’expropriation des terres des agriculteurs noirs, et ce après près d’un siècle d’occupation par la minorité blanche.

Toutefois, ce qui aurait normalement dû être un transfert des terres au bénéfice de la majorité des Zimbabwéens se verrait bientôt marqué par la violence et la corruption, convertissant le « grenier de l’Afrique » en ce que les médias occidentaux ont nommé « un cas désespéré ».

Le nombre d’exploitations agricoles commerciales appartenant à des blancs à diminué de quelque 4000 à environ 400 à l’heure actuelle et les terres des anciens propriétaires blancs ont été redistribuées à des dizaines de milliers de petits agriculteurs.

Cependant, la dernière vague d’invasions de terres a affecté aussi bien les agriculteurs blancs que les agriculteurs noirs, y compris certains des bénéficiaires des premières réformes agraires.

Muti indique que son syndicat a lancé un appel pour aider les agriculteurs à reconstruire leurs vies. Le syndicat a tout d’abord adressé son appel individuellement à des organisations.

« À présent, nous en appelons à la générosité de quiconque est en mesure d’assister ces familles qui, dans la plupart des cas, n’ont nulle part où aller », dit-il.

Muti précise qu’il a interpellé le gouvernement à maintes reprises pour lui demander son aide en faveur des travailleurs agricoles déchus mais en vain.

« Ils considèrent normal que lorsque l’emploi d’une personne est résilié, cette personne doit retourner d’où elle est venue. Or le problème est qu’il s’agit, dans la majorité des cas, de travailleurs migrants en provenance de pays voisins comme le Malawi, la Zambie et le Mozambique et que les fermes où ils travaillent sont la seule demeure qu’ils aient jamais connue », dit-il.

Il a indiqué que son syndicat faisait pression pour que des indemnités soient versées aux travailleurs affectés et qu’ils soient réinstallés, afin de leur permettre de refaire leur vie dans l’agriculture de subsistance.